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24/07/2009 | FRANCE | N°316013

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 24 juillet 2009, 316013


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 23 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BASF AGRO, dont le siège est 21 chemin de la Sauvegarde à Ecully Cedex (69134) ; la SOCIETE BASF AGRO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions du 10 mars 2008 par lesquelles le ministre de l'agriculture et de la pêche a décidé de retirer l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit Gemm et du produit Torque S ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titr

e de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres p...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 23 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BASF AGRO, dont le siège est 21 chemin de la Sauvegarde à Ecully Cedex (69134) ; la SOCIETE BASF AGRO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions du 10 mars 2008 par lesquelles le ministre de l'agriculture et de la pêche a décidé de retirer l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit Gemm et du produit Torque S ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2009, présentée pour la SOCIETE BASF AGRO ;

Vu le règlement (CE) n° 1490/2002 de la Commission du 14 août 2002 établissant des modalités supplémentaires de mise en oeuvre de la troisième phase du programme de travail visé à l'article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414/CEE du Conseil et modifiant le règlement (CE) n° 451/2000 ;

Vu la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 modifiée concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BASF AGRO,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BASF AGRO ;

Considérant que le ministre de l'agriculture et de la pêche, par deux décisions en date du 10 mars 2008, a notifié à la SOCIETE BASF AGRO le retrait de l'autorisation de mise sur le marché de deux produits qu'elle fabrique, dénommés Gemm et Torque S , dans la composition desquels entre la substance active dénommée fenbutatin oxyde ; que la SOCIETE BASF AGRO demande l'annulation de ces décisions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 253-1 du code rural : I. - Sont interdites la mise sur le marché, l'utilisation et la détention par l'utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s'ils ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché (...) ; que selon l'article L. 253-4 du même code : A l'issue d'une évaluation des risques et des bénéfices que présente le produit, l'autorisation de mise sur le marché est délivrée par l'autorité administrative après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, si les substances actives contenues dans ce produit sont inscrites sur la liste communautaire des substances actives, à l'exception de celles bénéficiant d'une dérogation prévue par la réglementation communautaire, et si l'instruction de la demande d'autorisation révèle l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement, son efficacité et sa sélectivité à l'égard des végétaux et produits végétaux dans les conditions d'emploi prescrites./ L'autorisation peut être retirée s'il apparaît, après nouvel examen, que le produit ne satisfait pas aux conditions définies au premier alinéa (...) ; que l'article R. 253-38 du même code prévoit que : L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est délivrée pour dix ans par le ministre chargé de l'agriculture, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments./ Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les autorisations de mise sur le marché en vigueur ou ayant fait l'objet d'une demande de renouvellement dans les conditions définies à l'article R. 253-47 avant le 1er octobre 2006, concernant un produit contenant au moins une substance active se trouvant sur le marché au 25 juillet 1993 et n'ayant pas fait l'objet de la procédure de réévaluation communautaire en application de la directive 91/414 CEE du 15 juillet 1991, restent valables jusqu'à la réévaluation nationale du produit consécutive à la réévaluation communautaire de cette substance ; que l'article R. 253-46 du même code prévoit que : L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée ou modifiée par le ministre chargé de l'agriculture, le cas échéant après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments./L'autorisation de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique est retirée : 1° Si les conditions requises pour son obtention ne sont plus remplies (...). Lorsqu'un produit phytopharmaceutique est l'objet d'un retrait d'autorisation, toute mise sur le marché doit cesser. Toutefois, le ministre chargé de l'agriculture peut accorder un délai pour supprimer, écouler, utiliser les stocks existants dont la durée est en rapport avec la cause du retrait ; qu'en application de ces dispositions, qui transposent celles de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, le ministre chargé de l'agriculture peut retirer, à titre de mesure de précaution, une autorisation de mise sur le marché s'il fait état d'indices sérieux permettant d'avoir un doute raisonnable sur l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement ou sur le bénéfice qu'il apporte ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la substance active fenbutatin oxyde a fait l'objet d'une procédure communautaire de réexamen en vue de son inscription sur la liste de l'annexe I de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991 dans les conditions prévues par le règlement n° 1490/2002/CE de la Commission du 14 août 2002 susvisé ; que, dans le cadre de cette procédure, l'Etat membre rapporteur a réalisé une évaluation de la substance active et a proposé, en décembre 2006, d'inscrire cette substance active sur la liste de l'annexe I de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991 ; que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a donné, en juillet 2007, un avis favorable à une demande de changement mineur de la composition pour la préparation Torque S , celle-ci ayant fait l'objet d'une homologation ministérielle le 26 juillet 2007 ; que, si le ministre chargé de l'agriculture pouvait fonder des décisions de retrait sur des éléments tirés d'autres analyses et expertises, il lui appartenait de faire état d'indices sérieux permettant de douter raisonnablement de l'innocuité des produits concernés à l'égard de la santé publique et de l'environnement ou de douter qu'ils sont suffisamment efficaces, compte tenu des risques qu'ils présentent par ailleurs, pour apporter un bénéfice ; que pour justifier les décisions de retrait attaquées, le ministre a indiqué qu'au vu, d'une part, des propriétés toxicologiques des préparations telles qu'elles ressortent de données de surveillance et de toxicovigilance apportées par la Mutualité sociale agricole et, d'autre part, des solutions alternatives suffisamment efficaces disponibles, le bénéfice des préparations n'était plus suffisant, compte-tenu des mesures de gestion du risque à mettre en oeuvre pour protéger les opérateurs ; que faute de se fonder sur des éléments précis tirés d'analyses scientifiques relative aux dangers des produits concernés pour la santé publique ou l'environnement ou d'études établissant l'existence de produits de substitution efficaces et disponibles, le ministre de l'agriculture et de la pêche s'est livré à une appréciation manifestement erronée en estimant que les conditions d'octroi des autorisations de mise sur le marché des deux produits de la SOCIETE BASF AGRO n'étaient plus remplies et que celles-ci devaient être retirées ; que la société requérante est donc fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE BASF AGRO de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les décisions du 10 mars 2008 retirant l'autorisation de mise sur le marché des produits dénommés Gemm et Torque S sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE BASF AGRO une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BASF AGRO et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316013
Date de la décision : 24/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-05-01 AGRICULTURE, CHASSE ET PÊCHE. PRODUITS AGRICOLES. GÉNÉRALITÉS. - PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES - AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ - RETRAIT À TITRE DE MESURE DE PRÉCAUTION [RJ1]- 1) LÉGALITÉ - CONDITION [RJ2]- 2) POSSIBILITÉ DE FONDER LE RETRAIT SUR DES ÉLÉMENTS TIRÉS DE PROCÉDURES ET ÉTUDES NON ACHEVÉS - EXISTENCE - CONDITION - INDICES SÉRIEUX - 3) CONTRÔLE DU JUGE - A) RETRAIT - CONTRÔLE DE PROPORTIONNALITÉ - B) INDICES SÉRIEUX - CONTRÔLE RESTREINT [RJ3].

03-05-01 1) En application des dispositions des articles L. 253-1, R. 253-38 et R. 253-46 du code rural, qui transposent la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991, le ministre de l'agriculture peut retirer, à titre de mesure de précaution, une autorisation de mise sur le marché s'il fait état d'indices sérieux permettant d'avoir un doute raisonnable sur l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement ou de douter qu'il est suffisamment efficace, compte tenu des risques qu'il présente par ailleurs, pour apporter un bénéfice. 2) Le ministre peut fonder une décision de retrait d'autorisation de mise sur le marché sur des éléments tirés de procédures et études non encore achevées dès lors que celles-ci le conduisent à faire état d'indices sérieux permettant de douter raisonnablement de l'innocuité du produit. 3) Double contrôle, a) d'une part, de la proportionnalité de la mesure aux risques encourus ; b) d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation sur les indices susceptibles de susciter un doute sérieux. En l'espèce, erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur des éléments à la fois contestés et incertains.


Références :

[RJ1]

Cf. décision du même jour, Société Basf Agro, n° 316014, inédite au Recueil., ,

[RJ2]

Cf. TPICE, 11 juillet 2007 Suède c/ Commission ;

CE, 27 février 2008, Société Top SA, n° 270727, 292203, p. 66.,,

[RJ3]

Cf. CJCE, 10 juillet 1984, Campus Oil, n° 72/83.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2009, n° 316013
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:316013.20090724
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