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27/07/2009 | FRANCE | N°301385

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 27 juillet 2009, 301385


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février 2007 et 7 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (CIVC), dont le siège est 5, rue Henri Martin à Epernay Cedex (51204) ; le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2006-1006 du 10 août 2006 modifiant le décret du 4 septembre 1989 autorisant le Commissariat à l'énergie atomique (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) à créer, sur

le territoire des communes de Soulaines-Dhuys et de la Ville-aux-Bois (Au...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février 2007 et 7 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE (CIVC), dont le siège est 5, rue Henri Martin à Epernay Cedex (51204) ; le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2006-1006 du 10 août 2006 modifiant le décret du 4 septembre 1989 autorisant le Commissariat à l'énergie atomique (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) à créer, sur le territoire des communes de Soulaines-Dhuys et de la Ville-aux-Bois (Aube), une installation de stockage de déchets, ensemble la décision implicite de rejet du Premier ministre de la demande tendant au retrait du décret dont l'annulation est demandée ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de lui communiquer l'entier dossier d'enquête publique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n°-63-1228 du 11 décembre 1963 ;

Vu le décret n° 95-540 du 4 mai 1995 ;

Vu l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités en date du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R.. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE et de la SCP Monod, Colin, avocat de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ANDRA,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE et à la SCP Monod, Colin, avocat de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ANDRA

Sur les fins de non recevoir opposées à la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 12 avril 1941 : Le comité interprofessionnel du vin de Champagne a pour mission de... 6° Favoriser le développement durable de la viticulture, la protection de l'environnement et l'aménagement rationnel du vignoble ; qu'eu égard aux fins ainsi poursuivies par le comité et à la circonstance que le vignoble inclus dans la zone d'appellation d'origine contrôlée du Champagne se trouve à une distance proche du site de l'installation, le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE, dont la requête a été régulièrement présentée par ses présidents qui ont qualité à cette fin, justifie d'un intérêt à agir contre le décret attaqué ; que, par suite, les fins de non recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) doivent être écartées ;

Sur la légalité du décret attaqué :

Considérant que la création du centre de stockage de déchets radioactifs de l'Aube a été autorisée par un décret du 4 septembre 1989 pris sur le fondement du décret du 11 septembre 1963 relatif aux installations nucléaires ; que le décret attaqué a pour objet, principalement, d'abroger les dispositions du décret du 4 septembre 1989 excluant la possibilité pour l'exploitant de procéder à des rejets d'effluents radioactifs liquides ou gazeux et de prévoir à la place que les effluents liquides ou gazeux produits par l'installation seront gérés conformément à des dispositions définies par arrêté des ministres chargés de la santé, de l'industrie et de l'environnement ; que, parallèlement à sa demande de modification du décret du 4 septembre 1989, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), exploitant le centre de stockage, a sollicité l'autorisation de rejeter des effluents sur la base du décret du 4 mai 1995 visé ci-dessus ;

Considérant en premier lieu, qu'il ressort des dispositions combinées des articles 2,3 et 4 du décret du 11 décembre 1963 que les installations nucléaires de base ne peuvent être créées qu'après une autorisation délivrée par décret, laquelle fixe le périmètre et les caractéristiques de l'installation, ainsi que les prescriptions particulières auxquelles doit se conformer l'exploitant ; que suivant les dispositions de l'article 1er du décret du 4 mai 1995, les rejets d'effluents radioactifs liquides ou gazeux provenant des installations nucléaires de base sont soumis à autorisation ; qu'aux termes de l'article 11 de ce même décret : L'autorisation est accordée par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de l'industrie, et de l'environnement. Cet arrêté fixe, dans le cadre des règles générales définies à l'article 14 : a) Les limites des prélèvements et des rejets auxquels l'exploitant est autorisé à procéder ; b) Les moyens d'analyse, de mesure et de contrôle de l'ouvrage, de l'installation, des travaux ou de l'activité et de surveillance de leurs effets sur l'environnement ; c) Les conditions dans lesquelles l'exploitant rend compte aux ministres chargés de la santé et de l'environnement et au préfet des prélèvements d'eau et des rejets qu'il a effectués, ainsi que des résultats de la surveillance de leurs effets sur l'environnement ; d) Les modalités d'information du public... ;

Considérant que les deux premiers alinéas ajoutés par le décret attaqué à l'article 10 du décret du 4 septembre 1989 portant création du centre de stockage de déchets radioactifs de l'Aube ouvrent la possibilité aux ministres chargés de l'industrie et de l'environnement de notifier à l'exploitant des prescriptions particulières applicables à l'exploitation de l'installation ainsi que d'autoriser des dérogations au respect de ces prescriptions techniques ; qu'il résulte des dispositions des décrets du 11 décembre 1963 et du 4 mai 1995 ci-dessus rappelées que seul le décret d'autorisation peut fixer ces prescriptions particulières lorsqu'elles ne sont pas relatives aux rejets d'effluents liquides ou gazeux provenant de l'installation ; que, par suite, le décret d'autorisation attaqué a méconnu la règle de portée générale fixée par le décret du 11 décembre 1963 en chargeant les ministres chargés de la santé, de l'industrie et de l'environnement, sans avoir défini les caractéristiques principales des mesures à édicter, du soin de déterminer des prescriptions particulières autres que celles relatives au rejet d'effluents liquides ou gazeux ; qu'en revanche, en renvoyant à des dispositions prises par arrêté des ministres chargés de la santé, de l'industrie et de l'environnement la définition des conditions de gestion des effluents liquides et gazeux produits par l'installation, le décret attaqué, par les modifications introduites sur ce point aux articles 7.2 et 7.3 du décret du 4 septembre 1989, a fait une exacte application des dispositions combinées des décrets du 11 décembre 1963 et du 4 mai 1995 précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai qui s'est écoulé entre l'achèvement de l'étude d'impact et la réalisation de l'enquête publique, effectuée sur la base d'un dossier comprenant cette étude, ait eu pour effet de rendre obsolètes les données de cette dernière ; qu'il ne ressort pas non plus du dossier, contrairement à ce que soutient le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE, que l'étude d'impact ait omis de mentionner le vignoble champenois au titre des activités riveraines du centre de stockage, que les mesures de la qualité des eaux contenues dans cette étude aient été trop anciennes pour renseigner utilement le public, ou encore que l'analyse des effets sur l'environnement des modifications envisagées par le décret attaqué ait été insuffisante ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'étude d'impact serait entachée d'insuffisances revêtant un caractère substantiel et de nature à rendre l'enquête publique irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que les stipulations de la convention d'Aarhus énoncées au paragraphe 4 de l'article 6, selon lesquelles : Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence , à l'article 6 paragraphe 8 selon lesquelles Chaque Partie veille à ce que, au moment de prendre sa décision, les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération et à l'article 8 selon lesquelles Chaque Partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement (...) créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; qu'elles ne peuvent par suite être utilement invoquées par le comité requérant au soutien de son argumentation suivant laquelle le décret attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant enfin qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le décret attaqué soit entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il emporte au regard des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'environnement suivant lesquelles la gestion durable des matières et des déchets radioactifs de toute nature, résultant notamment de l'exploitation...d'installations utilisant ...des matières radioactives, est assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de documents complémentaires, que le COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE est seulement fondé à demander l'annulation des deux premiers alinéas du VI de l'article 1er du décret attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros ; que les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge du COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE la somme que l'ANDRA demande à ce titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les premier et deuxième alinéas du VI de l'article 1er du décret du 10 août 2006 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera au COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'ANDRA tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au COMITE INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE CHAMPAGNE, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2009, n° 301385
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 27/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 301385
Numéro NOR : CETATEXT000020936142 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-27;301385 ?
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