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27/07/2009 | FRANCE | N°312468

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 27 juillet 2009, 312468


Vu l'arrêt du 30 mars 2006, enregistré le 23 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme Rachel A, M. Didier A, M. Laurent A et M. Christophe A ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 4 janvier 2005, présenté pour Mme Rachel A, demeurant ..., M. Didier A, demeurant ..., M. Laurent A, demeurant ... et M. Christophe A, demeura

nt ... ; ils demandent à la juridiction administrative :

1°) ...

Vu l'arrêt du 30 mars 2006, enregistré le 23 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par Mme Rachel A, M. Didier A, M. Laurent A et M. Christophe A ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 4 janvier 2005, présenté pour Mme Rachel A, demeurant ..., M. Didier A, demeurant ..., M. Laurent A, demeurant ... et M. Christophe A, demeurant ... ; ils demandent à la juridiction administrative :

1°) d'annuler le jugement du 4 novembre 2004 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des sommes correspondant aux montants des taxes syndicales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1981 à 2000, ainsi que des années à venir, par l'association foncière de remembrement de Retiers ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de ces sommes ;

3°) d'ordonner la restitution des taxes syndicales acquittées, avec intérêts capitalisés sur la période de 1981 à 2004 ;

4°) de mettre à la charge de l'association foncière de remembrement de Retiers le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu la loi du 21 juin 1865 ;

Vu le décret du 18 décembre 1927 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand du Marais, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Odent, avocat de Mme Rachel A et autres et de Me de Nervo, avocat de la commune de Retiers,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Odent, avocat de Mme Rachel A et autres et à Me de Nervo, avocat de la commune de Retiers ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Alexis C, aux droits desquels viennent les consorts A, ont formé devant le tribunal administratif de Rennes, le 7 décembre 2000, une demande tendant notamment à la décharge des taxes syndicales de remembrement auxquelles ils ont été assujettis pour les années 1981 à 2000 par l'association foncière de remembrement de Retiers ; que les consorts A se pourvoient en cassation contre le jugement du 4 novembre 2004 en tant qu'il a rejeté ces conclusions comme irrecevables en raison de leur tardiveté ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

Considérant que les associations foncières de remembrement constituées sur le fondement de l'article L. 123-9 du code rural ont le caractère d'associations syndicales et sont soumises, lorsqu'il n'y est pas dérogé par une disposition spéciale, à celles des règles applicables à ces établissements publics qui sont compatibles avec les exigences particulières de leur organisation et de leur fonctionnement ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne déroge, en ce qui concerne les associations foncières, aux dispositions de l'article 43 du décret du 18 décembre 1927, portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales, en vertu desquelles le recours au tribunal administratif contre les opérations qui ont fixé les bases de répartition des dépenses cesse d'être recevable trois mois après la mise en recouvrement du premier rôle ayant fait application de ces bases ; qu'il résulte de ces dispositions spécifiques au contentieux des rôles émis par les associations syndicales, qui ne sont pas incompatibles avec l'organisation ou le fonctionnement des associations foncières de remembrement, que ce n'est qu'à l'appui d'un recours dirigé contre le premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses, et à la condition que celui-ci soit formé dans le délai prescrit, que les propriétaires intéressés par les travaux envisagés peuvent se prévaloir des illégalités qui entachent les bases de répartition ; que pour contester les rôles en cause, les consorts A invoquaient dans leur demande de première instance, d'une part, par la voie de l'exception, l'illégalité de la répartition des dépenses de l'association et, d'autre part, des vices propres aux rôles contestés et des irrégularités entachant le fonctionnement de l'association ; qu'en faisant application des dispositions de l'article 43 du décret du 18 décembre 1927 pour rejeter comme irrecevables, comme tardives, l'ensemble des conclusions à fin de décharge présentées par les consorts A, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions des consorts A tendant à la décharge des taxes syndicales litigieuses ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que les associations foncières de remembrement, qui sont qualifiées d'établissements publics à caractère administratif, sont des organismes de droit public institués et étroitement encadrés par des dispositions législatives et réglementaires ; qu'elles disposent de prérogatives de puissance publique et poursuivent des buts d'intérêt général ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme des associations au sens des stipulations de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées émaneraient d'une association qui ne respecterait pas les stipulations de l'article 11 de la convention ne peut être utilement invoqué ;

Sur l'exception d'illégalité à l'encontre de la répartition des dépenses de l'association :

Considérant que les consorts A invoquent les dispositions de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 modifié par l'article 9 du décret du 28 novembre 1983 repris à l'article R. 421-5 du code de justice administrative pour contester l'absence, sur l'avis de mise en recouvrement du premier rôle des taxes, de mention du délai de recours spécial fixé par l'article 43 précité du décret du 18 décembre 1927 ; que l'existence de ce délai de recours spécial d'une durée de trois mois seulement à partir de la mise en recouvrement du premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses, est inhérente à la préservation de la sécurité juridique de la répartition de ces bases ; que la seule absence de caractère obligatoire de la mention des voies et délais instituées par ce recours ne porte pas atteinte au principe à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours juridictionnel, rappelé par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 et par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui instituent un droit au recours effectif ;

Considérant que les contestations de M. et Mme Alexis C n'ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Rennes que le 17 décembre 2000 alors que le premier rôle ayant fait application des bases de répartition des dépenses de l'association foncière de remembrement de Retiers avait été notifié à M. C le 5 août 1981; que, par application des dispositions précitées de l'article 43 du décret du 18 décembre 1927, M. et Mme Alexis C, qui n'avaient pas saisi le tribunal administratif dans le délai de trois mois précité, n'étaient plus recevables à invoquer à l'appui de leurs contestations des moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'irrégularité de la procédure d'élaboration des bases de répartition des dépenses ; que la circonstance que les conditions de prise en charge d'une part importante de ces dépenses entre les départements et les communes aient été modifiées est sans influence sur les modalités de la contestation des bases de répartition des dépenses entre les membres de l'association ;

Sur les moyens tirés de vices propres aux avertissements contestés :

En ce qui concerne la régularité en la forme des avertissements émis à l'encontre de M. Alexis C :

Considérant que les moyens tirés de l'absence de mention du délai de recours spécial fixé par l'article 43 précité du décret du 18 décembre 1927 et des modalités de notification des avertissements ultérieurs des contributions aux dépenses de l'association foncière de remembrement de Retiers sont sans incidence sur la régularité de ces avertissements qui se bornent à appliquer la délibération portant répartition des dépenses laquelle, comme il a été dit ci-dessus, n'a pas été contestée dans ce délai ;

Considérant que M. et Mme Alexis C soutiennent également que les avertissements contestés étaient irréguliers en la forme, faute de mentionner les parcelles cadastrales à raison desquelles ils étaient membres de l'association ; que cependant, aucun texte, ni aucun principe général du droit, n'impose que les avis, adressés par les associations foncières de remembrement à leurs membres pour le recouvrement entre ceux-ci du remboursement de leurs dépenses, indiquent les parcelles cadastrales concernées ; que dès lors, le moyen doit être rejeté ;

Considérant que le moyen tiré du défaut d'homologation du rôle par le préfet n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne l'irrégularité de la détermination des sommes à recouvrer par l'association foncière de remembrement de Retiers :

Considérant qu'aux termes de l'article 59 du décret du 18 décembre 1927 : Les fonctions de receveur de l'association sont confiées (...) soit à un percepteur des contributions directes de l'une des communes de la situation des lieux (...) ; que le moyen tiré de l'irrégularité du fonctionnement de l'association en cause à raison de la nomination du comptable public de la commune comme trésorier de l'association, n'est dès lors pas fondé ; qu'aucune disposition n'impose que les associations foncières de remembrement soient dotées de commissaires aux comptes ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'association n'aurait jamais réuni les propriétaires, ni n'aurait établi de factures justificatives, ne sont assortis d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne le bien-fondé des dépenses de l'association de remembrement de Retiers :

Considérant, en premier lieu, que si les consorts A contestent le bien-fondé des dépenses relatives à des travaux de création de brises vent et d'enlèvement de souches, ils n'assortissent ce moyen d'aucune précision pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les consorts A soutiennent que le président, le directeur et le receveur de l'association de remembrement de Retiers auraient perçu des rémunérations illicites, ils n'apportent, en tout état de cause, aucun élément à l'appui de cette allégation ;

Considérant en troisième lieu que si les consorts A contestent le bien-fondé des frais de réception engagés, une fois par an de 1998 à 2001, par le président de l'association de remembrement de Retiers, il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses en cause soient manifestement excessives par rapport aux besoins de fonctionnement d'une telle association ;

Considérant en quatrième lieu que si les consorts A contestent les dépenses engagées à raison de prêts consentis à l'association de remembrement de Retiers par les conventions de prêt en date des 28 janvier et 21 mai 1981 et 25 janvier 1982, en mettant en cause l'absence de signature de ces conventions par le président de l'association de remembrement de Retiers, il ressort des copies de celles-ci produites par les requérants eux-mêmes qu'elles comportent la mention dactylographiée des signataires ; qu'en l'absence de preuve contraire, ces copies certifiées conformes par le président de la caisse régionale du crédit agricole suffisent à établir la réalité de leur signature ; que, par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à demander la décharge des sommes que M. et Mme Alexis C ont acquittées pour le paiement des taxes syndicales auxquelles ils ont été assujettis par l'association foncière de remembrement de Retiers au titre des années 1981 à 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Retiers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse aux consorts A la somme que demandent ceux-ci au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des consorts A le versement à la commune de Retiers de la somme qu'elle demande en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 novembre 2004 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande en décharge, présentée par M. et Mme Alexis C, du paiement des taxes syndicales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1981 à 2000 par l'association foncière de remembrement de Retiers.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi des consorts A et les conclusions de leur demande de première instance sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Retiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Rachel A, à M. Didier A, à M. Laurent A, à M. Christophe A et à la commune de Retiers.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2009, n° 312468
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Bertrand du Marais
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : ODENT ; DE NERVO

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 27/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 312468
Numéro NOR : CETATEXT000020936227 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-27;312468 ?
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