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31/07/2009 | FRANCE | N°290355

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 31 juillet 2009, 290355


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 16 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 avril 2002 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des ann

ées 1997 et 1998, à raison de la réintégration dans son revenu imposable ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 16 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 avril 2002 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1997 et 1998, à raison de la réintégration dans son revenu imposable des intérêts qu'il a perçus au titre de fonds placés auprès d'un établissement bancaire implanté à Mayotte ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la convention fiscale conclue entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de Gouvernement du territoire des Comores tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale signée les 27 mars et 8 juin 1970 et approuvée par la loi n° 71-475 du 22 juin 1971 ;

Vu la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 ;

Vu l'ordonnance n° 77-450 du 29 avril 1977 ;

Vu l'ordonnance n° 81-296 du 1er avril 1981 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été assujetti par l'administration au titre des années 1997 et 1998 à des suppléments d'impôt sur le revenu à raison de la réintégration dans son revenu imposable des intérêts qu'il a perçus au titre de fonds placés auprès d'un établissement bancaire établi à Mayotte ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 avril 2002 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu en litige ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi introduit par M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leur revenus (...) ; qu'aux termes de l'article 120 du même code : Sont considérés comme revenus au sens du présent article : (...) / 11° Les produits des fonds de placement ou d'investissement constitués à l'étranger, quelle que soit la nature ou l'origine des produits distribués (...) ; qu'aux termes de l'article 124 du même code : Sont considérés comme revenus au sens du présent article (...) les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : / 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 ; / 2° Des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, quel que soit le dépositaire et quelle que soit l'affectation du dépôt ; (...) / 4° Des comptes courants (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance du 29 avril 1977, prise sur le fondement de la loi du 24 décembre 1976 alors en vigueur, relative à l'organisation de Mayotte : Le régime fiscal et le régime douanier en vigueur à Mayotte sont maintenus ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, la convention entre le gouvernement de la République française et le Conseil de gouvernement du territoire des Comores tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale, signée à Paris le 27 mars 1970 et à Moroni le 8 juin 1970 et approuvée par la loi du 22 juin 1971, reste applicable dans les relations entre la France, qui, au sens de la convention, s'entend des départements métropolitains et des départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion), dans lesquels s'applique le code général des impôts, et la collectivité territoriale de Mayotte, à laquelle les dispositions de ce code n'avaient pas été étendues au titre des années en litige ; qu'aux termes de l'article 18 de cette convention : 1. L'impôt sur le revenu des prêts, dépôts, comptes de dépôts, bons de caisse et de toutes autres créances non représentées par des titres négociables est perçu dans le territoire où le créancier a son domicile fiscal. / 2. Toutefois, chaque partie contractante conserve le droit d'imposer par voie de retenue à la source, si sa législation ou réglementation interne le prévoit, les revenus visés au paragraphe 1 ci-dessus. / 3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ci-dessus ne s'appliquent pas lorsque le bénéficiaire des intérêts, domicilié dans un territoire, possède dans l'autre territoire d'où proviennent les intérêts, un établissement stable auquel se rattache effectivement la créance qui les produit. Dans ce cas l'article 9 concernant l'imputation des bénéfices aux établissements stables est applicable ;

Considérant que les intérêts perçus par un contribuable résident de France au titre de fonds placés sur des comptes à vue ouverts dans un établissement bancaire situé à l'étranger sont imposables entre ses mains en vertu des dispositions combinées de l'article 4 A ainsi que du 2° et du 4° de l'article 124 du code général des impôts ; que de telles sommes ne peuvent être assimilées aux revenus de capitaux mobiliers retirés de fonds de placement ou d'investissement constitués à l'étranger, mentionnés par les dispositions du 11° de l'article 120 du même code ; qu'il suit de là que la cour, après avoir relevé dans les motifs de son arrêt que les redressements en litige procèdent de la réintégration dans les revenus imposables de M. A au titre des années 1997 et 1998 d'intérêts servis par le Crédit agricole mutuel de Mayotte au titre de fonds qu'il a placés sur des comptes ouverts à son nom dans cet établissement, ne pouvait juger, sans méconnaître le champ d'application du 11° de l'article 120 du code général des impôts, que les intérêts en litige étaient imposables entre les mains du contribuable sur le fondement de ces dispositions ; que ce moyen, qui doit être soulevé d'office par le juge de l'impôt, justifie l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les intérêts perçus par un contribuable résident de France au titre de fonds placés sur des comptes à vue ouverts dans un établissement bancaire situé à l'étranger ne peuvent être assimilés aux revenus de capitaux mobiliers retirés de fonds de placement ou d'investissement constitués à l'étranger, mentionnés par les dispositions du 11° de l'article 120 du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort et au prix d'une méconnaissance du champ d'application de ces dispositions que, par le jugement du 5 avril 2002, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté, sur ce fondement, la demande du requérant tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des notifications de redressements du 2 août 1999 et du 14 avril 2000 visant respectivement les années 1997 et 1998 et de la réponse aux observations du contribuable que, pour assujettir M. A aux rappels d'impôt sur le revenu en litige à raison des intérêts qu'il a perçus au titre de fonds placés auprès d'un établissement bancaire établi à Mayotte, l'administration s'est fondée sur les dispositions de l'article 124 du code général des impôts et a ainsi donné une exacte base légale aux redressements ; que la circonstance que le service ait, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires assignées à M. A, invoqué de manière erronée dans la décision de rejet de la réclamation du contribuable puis en cours d'instance devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, la cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat, les dispositions du 11° de l'article 120 du code général des impôts, inapplicables en l'espèce, est sans incidence sur le fondement des rappels d'impôt sur le revenu mis en recouvrement à son nom ;

Considérant, en premier lieu, que, si les dispositions du code des impôts applicable à Mayotte au titre des années en litige exonèrent de l'impôt sur le revenu les intérêts servis par les établissements bancaires établis à Mayotte en rémunération de fonds déposés par les particuliers n'ayant pas leur domicile fiscal à Mayotte, elles n'ont, contrairement à ce que soutient M. A, ni pour objet ni pour effet de déroger aux stipulations de la convention fiscale franco-comorienne alors même qu'elles ont été prises sur le fondement de l'ordonnance du 1er avril 1981 relative au régime fiscal et douanier de Mayotte, ayant elle-même valeur législative et postérieure à la loi du 22 juin 1971 approuvant cette convention ; que, dès lors qu'il n'est pas contesté que, au cours des années en litige, M. A avait son domicile fiscal en France et qu'il ne disposait d'aucun établissement stable à Mayotte, les dispositions du code des impôts applicable à Mayotte étaient sans effet sur l'application à un contribuable ayant son domicile fiscal en France des dispositions précitées du 2° et du 4° de l'article 124 du code général des impôts à laquelle les stipulations de l'article 18 de la convention, en vertu desquelles l'impôt sur le revenu des prêts, dépôts, comptes de dépôts, bons de caisse et de toutes autres créances non représentées par des titres négociables est perçu dans le territoire où le créancier a son domicile fiscal, ne faisaient pas obstacle ;

Considérant, en second lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre du présent litige, ni des stipulations du paragraphe 1 de l'article 25 de la convention fiscale franco-comorienne, selon lesquelles chaque partie contractante conserve le droit, en présence de revenus qui sont exclusivement imposable dans l'autre partie contractante en vertu de cette convention, de calculer le montant de l'impôt au taux correspondant à l'ensemble des revenus imposables selon sa législation, ni des dispositions du 4° de l'article 170 du code général des impôts relatives aux revenus qui, en vertu d'une disposition de ce code ou d'une convention internationale relative aux doubles impositions ou d'un autre accord international, sont exonérés mais doivent être pris en compte pour le calcul de l'impôt applicable aux autres éléments du revenu global ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 5 avril 2002, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1997 et 1998 :

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. QUESTIONS COMMUNES. POUVOIRS DU JUGE FISCAL. - SUBSTITUTION DE BASE LÉGALE - DEMANDE DE L'ADMINISTRATION TENDANT À SUBSTITUER, À LA BASE LÉGALE CORRECTE SUR LAQUELLE ELLE A FONDÉ L'IMPOSITION, UNE BASE LÉGALE ERRONÉE - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE SUR LE BIEN-FONDÉ DE L'IMPOSITION.

19-02-01-02 Lorsque l'administration a donné une exacte base légale à des redressements, la circonstance qu'elle ait, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires en découlant, invoqué dans la décision de rejet de la réclamation du contribuable puis en cours d'instance devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat, une base légale erronée est sans incidence sur le fondement de ces impositions.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 jui. 2009, n° 290355
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 290355
Numéro NOR : CETATEXT000020936092 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-31;290355 ?
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