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31/07/2009 | FRANCE | N°296052

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 31 juillet 2009, 296052


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 31 juillet 2006 et le 1er décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FITECO, dont le siège est 50, boulevard Félix Grat à Laval (53007) ; la SOCIETE FITECO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 24 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a déchargée de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie sur le fondem

ent de l'article 119 bis du code général des impôts au titre de l'année 1...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 31 juillet 2006 et le 1er décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FITECO, dont le siège est 50, boulevard Félix Grat à Laval (53007) ; la SOCIETE FITECO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 24 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a déchargée de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 119 bis du code général des impôts au titre de l'année 1994 et, d'autre part, remis à sa charge la retenue à la source litigieuse ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE FITECO,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE FITECO ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a constaté que la SOCIETE FITECO avait racheté le 12 octobre 1994 ses propres actions à l'un de ses actionnaires domicilié au Gabon, les avaient inscrites à un compte d'immobilisations, puis les avaient cédées le 24 avril 1995 à une filiale, la société Serco ; que l'administration fiscale a estimé que la somme versée par la SOCIETE FITECO à son actionnaire en contrepartie du rachat de ses actions constituait, en totalité, un revenu distribué donnant lieu à l'application de la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; que la SOCIETE FITECO se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, annulé le jugement du 24 février 2004 du tribunal administratif de Nantes qui avait fait droit à ses conclusions tendant à la décharge de la retenue à la source et, d'autre part, remis celle-ci à sa charge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ; qu'aux termes de l'article 112 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : Ne sont pas considérés comme revenus distribués : (...) / 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles 217-1 ou 217-2 à 217-5, modifiés, de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, modifiés par la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981 relative à la mise en harmonie du droit des sociétés commerciales avec la deuxième directive adoptée par le Conseil des communautés européennes le 13 décembre 1976 ; qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1994 : (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ; qu'aux termes de l'article 161 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1994 : Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. / La même règle est applicable dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le rachat par une société, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, des droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, correspond, sous réserve des dispositions de l'article 112 du code général des impôts, à une mise à disposition au sens du 2° du 1 de l'article 109 du même code, susceptible de donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code ; que toutefois, en vertu du second alinéa de l'article 161 du même code, qui, en se référant à la même règle que celle prévue au premier alinéa, ne renvoie, eu égard à la différence d'objet entre les deux alinéas de cet article, qu'au mode de calcul de l'assiette, le prix du rachat ne correspond, pour chaque actionnaire, à un revenu distribué qu'à concurrence de l'écart, s'il est positif, entre le prix de ce rachat et celui auquel il a lui-même acquis les actions ; que ces dispositions relatives au rachat de droits sociaux trouvent application que les droits sociaux aient été ou non annulés après leur rachat par la société émettrice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le rachat de ses propres actions par la SOCIETE FITECO à son actionnaire ne s'analysait pas comme la cession de titres par celui-ci à un tiers, à l'origine, le cas échéant, d'un gain net en capital imposable selon le régime des plus-values de cession, mais comme une distribution de revenu par la société imposable sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et pouvant donner lieu, dès lors que l'actionnaire n'a pas son domicile fiscal en France, à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du même code, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant toutefois qu'en jugeant que l'administration fiscale était fondée à asseoir la retenue à la source assignée à la société sur la totalité du prix du rachat versé à son actionnaire, alors que les sommes versées ne peuvent être regardées comme un revenu distribué à l'actionnaire qu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sur leur prix d'acquisition, en application du second alinéa de l'article 161 du code général des impôts, la cour a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que dès lors, la SOCIETE FITECO est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le prix versé par une société pour le rachat de ses propres actions correspond à un revenu distribué au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, susceptible de donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du même code ; que, par suite, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a, pour prononcer la décharge de l'imposition litigieuse, jugé inapplicable la retenue à la source ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la retenue à la source doit être assise, non sur le montant total de la somme versée à l'actionnaire en contrepartie de la cession des titres mais sur l'excédent éventuel du prix de rachat sur le prix d'acquisition de ces droits ; qu'il est constant que le cédant a bénéficié d'un excédent de 1 279 710 F (195 091 euros) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander que la retenue à la source assignée à la SA FITECO au titre de l'année 1994 soit remise à sa charge pour un montant, en base, de 1 279 710 F (195 091 euros) et à ce que le jugement du tribunal administratif de Nantes soit réformé en ce sens ;

Sur les conclusions de la SOCIETE FITECO tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE FITECO de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 mai 2006 est annulé.

Article 2 : La retenue à la source assignée la SOCIETE FITECO au titre de la somme versée en contrepartie du rachat à l'un de ses actionnaires, en 1994, de ses propres actions est remise à sa charge pour un montant, en base, de 195 091 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 février 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE FITECO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FITECO et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔTS ET PRÉLÈVEMENTS DIVERS SUR LES BÉNÉFICES - RETENUE À LA SOURCE SUR LES DIVIDENDES VERSÉS À UNE PERSONNE N'AYANT PAS SON DOMICILE FISCAL OU SON SIÈGE EN FRANCE (ART - 119 BIS - 2 DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - REVENUS DISTRIBUÉS (ART - 108 À 117 BIS DU CGI) - NOTION - PRIX DE RACHAT DE SES PROPRES ACTIONS PAR UNE SOCIÉTÉ - 1) INCLUSION (ART - 109 - 1 - 2° DU CGI) [RJ1] - ABSENCE D'ANNULATION DES TITRES - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - 2) ASSIETTE DE L'IMPOSITION - EXCÉDENT DU PRIX DE RACHAT SUR LE PRIX D'ACQUISITION (ART - 161 DU CGI) [RJ1] - ABSENCE D'ANNULATION DES TITRES - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE [RJ2] [RJ3].

19-04-01-05 Le rachat par une société, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, des droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, correspond, sous réserve des dispositions de l'article 112 du code général des impôts (CGI), à une mise à disposition au sens du 2° du 1 de l'article 109 du même code, susceptible de donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code. Toutefois, en vertu du second alinéa de l'article 161 du même code, le prix du rachat ne correspond, pour chaque actionnaire, à un revenu distribué qu'à concurrence de l'écart, s'il est positif, entre le prix de ce rachat et celui auquel il a lui-même acquis les actions. Ces dispositions relatives au rachat de droits sociaux trouvent application que les droits sociaux aient été ou non annulés après leur rachat par la société émettrice.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUÉS - NOTION DE REVENUS DISTRIBUÉS - PRIX DE RACHAT DE SES PROPRES TITRES PAR UNE SOCIÉTÉ - 1) INCLUSION (ART - 109 - 1 - 2° DU CGI) (1) - ABSENCE D'ANNULATION DES TITRES - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - 2) CONSÉQUENCE - SOMMES SUSCEPTIBLES D'ENTRER DANS LE CHAMP DE LA RETENUE À LA SOURCE SUR LES DIVIDENDES VERSÉS À UNE PERSONNE N'AYANT PAS SON DOMICILE FISCAL OU SON SIÈGE EN FRANCE (ART - 119 BIS - 2 DU CGI) - 3) ASSIETTE DE L'IMPOSITION - EXCÉDENT DU PRIX DE RACHAT SUR LE PRIX D'ACQUISITION (ART - 161 DU CGI) [RJ1] - ABSENCE D'ANNULATION DES TITRES - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE [RJ2] [RJ3].

19-04-02-03-01-01 Le rachat par une société, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, des droits sociaux qu'ils détiennent, notamment sous forme d'actions, correspond, sous réserve des dispositions de l'article 112 du code général des impôts (CGI), à une mise à disposition au sens du 2° du 1 de l'article 109 du même code, susceptible de donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code. Toutefois, en vertu du second alinéa de l'article 161 du même code, le prix du rachat ne correspond, pour chaque actionnaire, à un revenu distribué qu'à concurrence de l'écart, s'il est positif, entre le prix de ce rachat et celui auquel il a lui-même acquis les actions. Ces dispositions relatives au rachat de droits sociaux trouvent application que les droits sociaux aient été ou non annulés après leur rachat par la société émettrice.


Références :

[RJ1]

Cf. 24 mars 1982, Mme Veuve X…, n° 13963, publiée sur un autre point p. 131.,,

[RJ2]

Cf., mais dans une hypothèse où les titres avaient été annulés, 29 décembre 2000, Roesch, n° 179647, p. 663.,,

[RJ3]

Comp. sur ces différents points, mais dans une hypothèse où les titres avaient été annulés, CAA Paris, Plénière, 19 décembre 2008, Min. c/ Sté Pfizer Holding France, n° 06PA03782, à publier au Recueil ;

sur les premier et troisième points, dans une hypothèse où les titres n'avaient pas été annulés, CAA Paris, 4 février 2009, Erra, n° 08PA00863, inédite au Recueil, RJF 7/09 n° 642.


Publications
Proposition de citation: CE, 31 jui. 2009, n° 296052
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 296052
Numéro NOR : CETATEXT000020936109 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-31;296052 ?
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