La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2009 | FRANCE | N°297274

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 31 juillet 2009, 297274


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre et 8 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE, dont le siège est 114, boulevard Haussmann à Paris (75008), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, réformé

le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2003 en c...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 septembre et 8 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE, dont le siège est 114, boulevard Haussmann à Paris (75008), représentée par son président-directeur général ; la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, réformé le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2003 en ce qu'il lui a accordé la décharge du complément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'exercice 1991 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE, qui exerce une activité de marchand de biens, a déduit de ses résultats imposables de l'exercice clos le 31 décembre 1991 une somme de 8 820 000 F, correspondant au montant d'un abandon de créance consenti au cours de cet exercice à la société du Lotissement du domaine de la pinède à Coti Chiavari dont elle possédait 4 503 des 15 012 actions ; que l'administration fiscale, après avoir constaté que cette dernière société avait la même année bénéficié d'abandons de créances consentis par l'ensemble de ses actionnaires pour un montant total de 14 500 000 F et que sa situation nette comptable au 31 décembre 1990 était négative à hauteur de 9 806 547 F, a notifié à la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE un redressement de 2 936 072 F correspondant à une limitation de ses droits à déduction à un montant de 5 583 928 F calculé après plafonnement général de la déductibilité des aides et proratisation de l'abandon de créance litigieux ; que, dans le cadre de l'instruction de la réclamation de cette société, l'administration fiscale a pris en compte, à sa demande, la situation comptable de sa filiale au 25 juin 2001, date de l'abandon de créance, et, après avoir estimé qu'en raison de l'absence de justification d'une dotation aux provisions d'un montant de 4 655 702 F la situation nette réelle de cette dernière était négative à hauteur de 11 545 953 F, a réduit le redressement à 1 892 429 F ; que la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part réformé le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2003 en ce qu'il lui a accordé la décharge du complément d'impôt sur les sociétés résultant du redressement mentionné ci-dessus, qui lui a été assigné au titre de l'exercice 1991, et d'autre part remis à sa charge ce complément d'impôt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, rendues applicables en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, le bénéfice net imposable est égal à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ;

Considérant qu'une société peut, sans commettre d'acte anormal de gestion, prévenir les conséquences de graves difficultés financières d'une filiale en lui consentant une aide, alors même qu'elle n'entretiendrait avec elle aucune relation commerciale ; que, toutefois, sauf preuve contraire, cette aide doit être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale ;

Considérant que pour apporter la preuve que la valeur de sa participation dans le capital de sa filiale n'a pas augmenté, il appartient à la société qui consent une aide financière à sa filiale d'apporter tous éléments de nature à justifier que la situation nette réelle de sa filiale est négative ; que l'administration fiscale est en droit, sans méconnaître l'autonomie juridique des personnes morales, de remettre en cause les écritures de la filiale ayant un effet sur la détermination de sa situation nette réelle ;

Considérant que si le caractère d'acte anormal de gestion de l'aide consentie à une filiale s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu, en revanche la participation détenue dans le capital de la filiale devant être évaluée à la clôture de l'exercice au cours duquel l'aide a été consentie afin de déterminer la variation de l'actif net de la société mère au cours de l'exercice, c'est à la date de cette clôture qu'il convient d'apprécier la situation nette réelle de la filiale afin de déterminer si la société mère est en droit de déduire de ses bénéfices imposables la somme correspondant à l'aide qu'elle a apportée à sa filiale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se plaçant à la date du 25 juin 1991, date de l'abandon de créance consenti par la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE, pour déterminer la situation nette réelle de sa filiale, la société du Lotissement du domaine de la pinède à Coti Chiavari, bénéficiaire de cet abandon, et non à la date de clôture de l'exercice de la première, le 31 décembre 1991, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'appel du ministre ;

Considérant que le tribunal administratif de Paris a omis de répondre au moyen du ministre, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE n'avait pas apporté de justificatifs prouvant la perte de valeur des terrains appartenant à la société du Lotissement du domaine de la pinède à Coti Chiavari et justifiant le montant de la dotation aux provisions qu'elle a passée ; qu'ainsi, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE devant le tribunal administratif de Paris :

Considérant toutefois que l'état du dossier ne permet pas de savoir si la situation nette comptable négative de la société du Lotissement du domaine de la pinède à Coti Chiavari au 31 décembre 1991, date à laquelle la société mère a clos l'exercice au cours duquel l'abandon de créance a été opéré, tient compte ou non de la provision de 4 655 702 F constatée dans ses écritures, dont l'administration fiscale remet en cause le bien-fondé ; qu'il y a lieu d'ordonner avant dire droit un supplément d'instruction contradictoire sur ce point ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 juin 2006 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2003 sont annulés.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE devant le tribunal administratif de Paris, procédé à la mesure d'instruction dont l'objet est défini dans les motifs de la présente décision.

Article 3 : Il est accordé à la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision pour faire parvenir au Conseil d'Etat les résultats du supplément d'instruction ordonné par l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME HAUSSMANN PROMO ILE-DE-FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. RELATIONS ENTRE SOCIÉTÉS D'UN MÊME GROUPE. - AIDE À CARACTÈRE FINANCIER CONSENTIE PAR UNE SOCIÉTÉ MÈRE À UNE FILIALE - 1) APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NORMAL DE L'AIDE - DATE - DATE À LAQUELLE L'AIDE EST INTERVENUE [RJ1] - 2) APPRÉCIATION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DE L'AIDE - PRÉSOMPTION DE VALORISATION DE LA PARTICIPATION DÉTENUE DANS LE CAPITAL DE LA FILIALE - EXCEPTION - SITUATION NETTE RÉELLE NÉGATIVE DE LA FILIALE [RJ2] - DATE D'APPRÉCIATION - DATE DE CLÔTURE CHEZ LA MÈRE DE L'EXERCICE AU COURS DUQUEL L'AIDE A ÉTÉ CONSENTIE [RJ3].

19-04-02-01-04-083 Une société peut, sans commettre d'acte anormal de gestion, prévenir les conséquences de graves difficultés financières d'une filiale en lui consentant une aide, alors même qu'elle n'entretiendrait avec elle aucune relation commerciale ; toutefois, sauf preuve contraire, cette aide doit être réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale. Si le caractère d'acte anormal de gestion de l'aide consentie à une filiale s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu, en revanche la participation détenue dans le capital de la filiale devant être évaluée à la clôture de l'exercice au cours duquel l'aide a été consentie afin de déterminer la variation de l'actif net de la société mère au cours de l'exercice, c'est à la date de cette clôture qu'il convient d'apprécier la situation nette réelle de la filiale afin de déterminer si la société mère est en droit de déduire de ses bénéfices imposables la somme correspondant à l'aide qu'elle a apportée à sa filiale.


Références :

[RJ1]

Cf. 11 avril 2008, Sté Guy Dauphin Environnement, n° 284274, à mentionner aux Tables.,,

[RJ2]

Cf. Plénière, 30 avril 1980, Min. c/ Sté X…, n° 16253, p. 206.,,

[RJ3]

Cf. 30 décembre 2008, Min. c/ Sté Multimédia Finances, n° 306429, inédite au Recueil, RJF 4/09 n° 317.


Publications
Proposition de citation: CE, 31 jui. 2009, n° 297274
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 297274
Numéro NOR : CETATEXT000020936117 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-31;297274 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award