La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2009 | FRANCE | N°299959

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 31 juillet 2009, 299959


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre et 21 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Peter A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 24 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Ecole polytechnique à lui verser une somme de 35 164 euros en réparation du préjudice

subi du fait de la décision mettant fin à son contrat ;

2°) réglant ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre et 21 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Peter A demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 19 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 24 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Ecole polytechnique à lui verser une somme de 35 164 euros en réparation du préjudice subi du fait de la décision mettant fin à son contrat ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 24 mars 2005 et de condamner l'Ecole polytechnique à lui payer la somme de 35 164 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de sa demande, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Ecole polytechnique le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Denis Prieur, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Haas, avocat de M. A et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Ecole polytechnique,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de M. A et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Ecole polytechnique ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date des faits : Les fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance ; que ces dispositions sont applicables de plein droit aux agents non titulaires de droit public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été recruté par l'Ecole polytechnique en qualité de chargé de recherches à compter du 1er juin 2001 ; qu'antérieurement à ce recrutement , il avait créé la société EPPRA, dont il était actionnaire avec son épouse et qu'il a présidée jusqu'à la date de ce recrutement ; que cette société était associée à l'Ecole polytechnique dans un projet dont M. A était le responsable scientifique ; que son refus d'indiquer à son employeur, qui l'a interrogé par un courrier du 19 novembre 2001 resté sans réponse, s'il était encore actionnaire de la société EPPRA et quelle était la part du capital de cette société qu'il détenait encore, a conduit l'Ecole polytechnique à lui signifier que sa situation était de nature à compromettre son indépendance au sens des dispositions précitées et à mettre fin à son contrat à compter du 15 décembre 2001 ; que cette mesure de licenciement a été confirmée par un courrier adressé à l'intéressé le 3 décembre 2001 ; que M. A a demandé à l'Ecole polytechnique la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de ce licenciement ; que par un arrêt du 19 octobre 2006, contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de M. A tendant à l'annulation du jugement du 24 mars 2005 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande d'indemnisation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 est susceptible de faire l'objet d'une sanction disciplinaire ; qu'en jugeant que l'Ecole polytechnique, par le seul constat que le respect des conditions fixées par cet article n'était pas assuré, était fondée à mettre fin au contrat de M. A, cette rupture ne pouvant être regardée comme intervenue pour un motif disciplinaire, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que M. A est dès lors fondé à demander l'annulation, pour ce motif, de l'arrêt du 19 octobre 2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A détenait jusqu'au 15 novembre 2001, soit plusieurs mois après la conclusion de son contrat, près de la moitié des actions de la société EPPRA, dont son épouse, actionnaire majoritaire, assurait la présidence ; qu'il avait donc, dans cette société, qu'au titre de ses fonctions de responsable scientifique du projet FUSECOAT auquel elle participait, il avait mission de surveiller, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ; que si M. A a cédé le 15 novembre 2001 les actions qu'il détenait encore, il n'en a rien dit lors de l'entretien qu'il a eu à ce sujet le 19 novembre avec le directeur adjoint de l'Ecole polytechnique chargé de la recherche et le chef du service des ressources humaines ; qu'il n'a pas non plus répondu à la demande écrite qui lui a été faite le même jour ; que le cessionnaire de ses actions n'était autre que son épouse ; que dès lors, l'administration pouvait légitimement penser que M. A était dans la situation de conflit d'intérêts que les dispositions précitées de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 prohibent, et prendre à l' encontre de l'intéressé à titre de sanction, eu égard à la gravité du manquement à ses obligations professionnelles, la mesure de licenciement qui a été prononcée le 3 décembre 2001 ; que si l'Ecole polytechnique a commis une faute en ne respectant pas la procédure de licenciement pour motif disciplinaire, il n'existe aucun lien de causalité entre cette faute et le préjudice financier résultant, pour l'intéressé, de son licenciement ; qu'il en résulte que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a, par jugement du 24 mars 2005, rejeté sa demande d'indemnisation de ses pertes de rémunération ;

Considérant par ailleurs que les conclusions de M. A tendant à la condamnation de l'Ecole polytechnique à lui verser une somme de 4 573,47 euros à titre d'indemnité de préavis de licenciement et une somme de 2 286,73 euros à titre d'indemnité de licenciement ont été présentées pour la première fois devant la cour administrative d'appel de Versailles; qu'elles sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Ecole polytechnique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A le versement à l'Ecole polytechnique de la somme de 3 000 euros au titre de l'application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 octobre 2006 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Versailles et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. A versera à l'Ecole polytechnique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Peter A et à l'Ecole polytechnique.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 299959
Date de la décision : 31/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 2009, n° 299959
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Denis Prieur
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:299959.20090731
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award