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31/07/2009 | FRANCE | N°301936

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 31 juillet 2009, 301936


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE (anciennement dénommée SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD), dont le siège est route de Chablis à Prehy (89800) ; la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation, d'une part, du jugement avant dire droit du 29 janvier 2002 du tribunal administratif de Dijon

ordonnant une expertise, d'autre part, de l'article 4 du jugemen...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE (anciennement dénommée SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD), dont le siège est route de Chablis à Prehy (89800) ; la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation, d'une part, du jugement avant dire droit du 29 janvier 2002 du tribunal administratif de Dijon ordonnant une expertise, d'autre part, de l'article 4 du jugement du 22 octobre 2002 du même tribunal rejetant le surplus de ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD a été assujettie au titre des années 1994, 1995 et 1996 ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE (anciennement dénommée SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD),

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE (anciennement dénommée SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL DOMAINE JEAN-MARC BROCARD, devenue SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE a pour activité le négoce de vins ; qu'elle appartient à un groupe de sociétés qui possèdent des terrains agricoles ou des vignes, les exploitent ou pratiquent le négoce, ayant pour associés et dirigeants M. et Mme A ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 août 1994 à 1996, l'administration a considéré comme relevant d'une gestion anormale des avances financières consenties sans intérêt par la SARL à la SCI Sainte-Claire, à l'entreprise individuelle de M. A et à M. et Mme A ; qu'elle a réintégré les montants des intérêts non réclamés qu'elle a calculés par référence aux taux fiscalement admis en rémunération des comptes courants d'associés ; que le tribunal administratif de Dijon, saisi d'une demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements, par un jugement avant dire droit, a ordonné une expertise sur les taux puis, par un second jugement, n'a fait que partiellement droit aux demandes de la société requérante en appliquant les taux proposés par l'expert, inférieurs à ceux retenus par l'administration ; que la cour administrative d'appel de Lyon, saisie des deux requêtes de la SARL dirigées contre chacun de ces deux jugements, les a jointes et rejetées par l'arrêt dont la société demande la cassation ;

Considérant que dans sa requête contre le jugement avant dire droit du tribunal administratif, la société requérante avait soutenu que les avances litigieuses étaient assimilables à des dépôts à vue qui ne donnaient lieu, selon la réglementation alors en vigueur, à aucune rémunération ; que la cour n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que les deux requêtes de la société sont dirigées respectivement contre le jugement avant dire droit ordonnant une expertise sur le montant de la rémunération que la société aurait pu obtenir en contrepartie des avances consenties par elle et contre le jugement statuant au vu des résultats de cette expertise sur la demande en décharge des impositions litigieuses ; qu'elles présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que la notification de redressements du 1er août 1997 indique que l'absence de perception d'intérêts sur les avances consenties à des tiers relève d'une gestion anormale et précise l'identité des bénéficiaires, les montants des avances en cause et le taux auquel l'administration estimait que les intérêts auraient dû être réclamés ; que cette notification est suffisamment motivée pour satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que les prêts à terme ou les avances à vue accordés sans intérêts par une entreprise au profit de tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, alors même que les sommes ainsi avancées seraient remboursables à tout moment, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage accordé à un tiers sous la forme de la renonciation à la perception d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors qu'elle établit l'existence d'avances sans intérêts consenties par l'entreprise à des tiers et que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier en retour de contreparties, notamment commerciales ou financières ; que si la société requérante, d'une part, se prévaut de ses liens particuliers avec les personnes auxquelles elle a consenti les avances litigieuses et, d'autre part, soutient que ces avantages devaient permettre de maintenir l'équilibre général d'un ensemble fondé sur un effet de synergie , elle n'assortit cette allégation d'aucune précision et ne justifie pas que les avantages consentis auraient eu pour elle des contreparties ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme établissant que l'octroi des avances sans intérêts était étranger à une gestion commerciale normale ;

Considérant que le taux normal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre doit être apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée en première instance, qui n'avait pas de caractère frustratoire, que les avances à vue consenties par une société commerciale ne sont pas assimilables, contrairement à ce que prétend la société requérante, aux dépôts à vue non rémunérés sur un compte courant bancaire mais aux Sicav monétaires ou aux parts de fonds communs de placement monétaires auxquelles recourent les entreprises pour placer des fonds susceptibles d'être immédiatement disponibles, les titres acquis pouvant être vendus à tout moment sans frais ; que c'est sur les rendements de ce type de placement que l'expert a calculé les taux des intérêts que le tribunal administratif a retenus dans son jugement du 22 octobre 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Dijon n'a fait que partiellement droit à ses conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE en appel et devant le Conseil d'Etat au titre de cet article ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : Les requêtes d'appel de la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL DOMAINE SAINTE-CLAIRE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 jui. 2009, n° 301936
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Brice Bohuon
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 31/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 301936
Numéro NOR : CETATEXT000020936148 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-31;301936 ?
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