Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Martine Q, demeurant ..., M. Louis N, demeurant ..., M. Philippe J, demeurant ..., M. François-Guillaume R, demeurant ..., Mme Sandrine O, demeurant ..., M. Jean-Marie C, demeurant ..., Mme Séverine K, demeurant ..., M. Jean-Louis G, demeurant ..., M. Guy S, demeurant ..., M. René Q, demeurant ..., Mme Monique D, demeurant ... ; Mme Q et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2008 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille, d'une part, sur le déféré du préfet du Nord demandant la rectification des résultats du premier tour des élections municipales de Bettignies en proclamant élus MM. C et Q, membres de la liste L'avenir de notre village et l'annulation des résultats du second tour de cette élection, d'autre part, sur les protestations de M. U et autres, membres de la liste Union et défense des intérêts communaux demandant l'annulation de l'élection des conseillers municipaux issus de la liste L'avenir de notre village et, enfin, sur les protestations de MM. R et Q demandant l'annulation de l'élection des candidats issus de la liste Union pour la défense des intérêts communaux, a annulé le premier tour et, par voie de conséquence, le second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bettignies ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu'il annule le second tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bettignies ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Raquin, Auditeur,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Bettignies (59), commune de moins de 2500 habitants, cinq candidats de la liste L'avenir de notre village, conduite par Mme Martine Q, ont été proclamés élus à l'issue du premier tour de scrutin et six candidats de la liste Union et défense des intérêts communaux, conduite par M. Michel A, maire sortant, ont été proclamés élus lors du second tour ; que lors du premier tour de scrutin, le bureau a considéré que la majorité absolue s'établissait à 91 voix pour 179 suffrages exprimés ; que cinq candidats ont obtenu de 91 à 93 voix, deux candidats obtenant 90 voix, deux candidats non élus obtenant 87 suffrages, trois candidats non élus en obtenant 88, et quatre candidats non élus en obtenant 89 ; que le préfet du Nord a déféré les résultats du premier tour de scrutin au tribunal administratif de Lille afin qu'il soit procédé à la rectification des résultats, par la proclamation de l'élection de MM. C et Q qui avaient obtenu 90 suffrages ; que Mme Q et les candidats de la liste L'avenir de notre village relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir joint le déféré du préfet du Nord, les protestations de Mme Annie F, M. Daniel T et Mme Céline L, M. Michel A et M. Louis U contre le premier tour de scrutin et les protestations de MM. R et Q à l'encontre du second tour, a annulé les opérations électorales du premier tour de scrutin, ainsi que, par voie de conséquence, celles du second tour ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Mme Annie F, M. Daniel T, Mme Céline L, M. Michel A et M. Louis U ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable à toutes les communes, y compris celles, comme la commune de Bettignies, dans lesquelles les dispositions combinées des articles L. 52-11 et L. 118-3 du même code ne sont pas applicables : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites pour la première fois en appel, que onze sweat-shirts portant le nom de la liste L'avenir de notre village ont été confectionnés par la société Bouvy, exploitée par Mme O, candidate sur cette même liste ; qu'ils ont été payés 80 euros TTC par Mme Aurore Lion, fille de Mme Martine Q ; que si M. U et M. A soutiennent que ce tarif diffère de ceux affichés sur le site Internet de la société et que la remise accordée serait au moins égale à 50 %, il n'est pas établi que le tarif appliqué à l'achat de Mme Aurore Lion ne correspondrait pas à une pratique commerciale habituelle ; que, par suite, les onze sweat-shirts en cause ne peuvent être considérés comme un don d'une personne morale au sens des dispositions de l'article L. 52-8 précitées ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que les documents de propagande de la liste L'avenir de notre village ont fait l'objet d'un paiement effectif à des sociétés indépendantes des membres de cette liste et à un prix dont le caractère normal n'est pas contesté ; qu'ils n'ont donc pas constitué un don d'une personne morale au sens des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ;
Considérant, en second lieu, qu'un article de presse publié le 7 mars 2008 par le journal La Sambre présentait une photographie des membres de la liste L'avenir de notre village ; que M. S, candidat sur cette liste, n'y figurait pas, alors qu'un jeune homme résidant dans la commune, M. V, qui n'était pourtant pas candidat aux élections municipales, y apparaissait revêtu d'un sweat-shirt à l'effigie de cette liste ; que les requérants soutiennent que la présence de ce jeune homme, qui, selon eux, fêtait l'obtention de sa première carte électorale, n'a pas été de nature à induire les électeurs en erreur sur la composition de la liste, dès lors que celle-ci était connue avant le 7 mars 2008 et que l'article indiquait les noms des candidats ; que toutefois, il est constant que M. S était peu connu dans la commune ; que, par suite, la présence de M. V sur cette photographie a constitué une manoeuvre destinée à entretenir la confusion sur l'identité d'un candidat, qui, eu égard au faible écart de voix entre les candidats, a été, à elle seule, de nature à altérer les résultats du premier tour de scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Q et les candidats de la liste L'avenir de notre village ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les opérations électorales du premier tour de scrutin, ainsi que, par voie de conséquence, celles du second tour dans la commune de Bettignies ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme Q et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Martine Q, à M. Louis N, à M. Philippe J, à M. François-Guillaume R, à Mme Sandrine O, à M. Jean-Marie C, à Mme Séverine K, à M. Jean-Louis G, à M. Guy S, à M. René Q, à Mme Monique D, à M. Michel A, à M. Louis U, à M. Daniel I, à Mme Céline L, à M. Philippe M, à Mme Annie F, à M. Jean-Pierre P, à Mme Marie-Claude E, à Mme Dorothée H et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.