La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2009 | FRANCE | N°322285

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 31 juillet 2009, 322285


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre et 8 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Christiane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 du tribunal administratif de Lyon, en tant que, sur la protestation de M. Michel B, il l'a déclarée inéligible pendant un an aux fonctions de conseiller municipal, à compter de la date à laquelle le jugement serait devenu définitif, a annulé son élection en qualité de conseillère municipale et de m

aire de la commune de Saint-Fons (Rhône) et a proclamé élu comme conseil...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre et 8 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Christiane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 du tribunal administratif de Lyon, en tant que, sur la protestation de M. Michel B, il l'a déclarée inéligible pendant un an aux fonctions de conseiller municipal, à compter de la date à laquelle le jugement serait devenu définitif, a annulé son élection en qualité de conseillère municipale et de maire de la commune de Saint-Fons (Rhône) et a proclamé élu comme conseiller municipal M. Youssef C ;

2°) de rejeter la protestation de M. B tendant à ce que son compte de campagne soit rejeté, à ce qu'elle soit déclarée inéligible et à ce que son élection comme conseillère municipale et maire de la commune de Saint-Fons soit annulée ;

3°) de mettre à la charge de M. B le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Blazy, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A et de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A et de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Fons (Rhône), la liste conduite par Mme Christiane A a obtenu 25 des 33 sièges à pourvoir et celle conduite par M. Michel B, maire sortant, les 8 autres sièges à pourvoir ; que, par un jugement du 7 octobre 2008, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la protestation de M. B tendant à l'annulation des opérations électorales qui ont eu lieu le 16 mars 2008, mais a fait droit à ses conclusions tendant à ce que le compte de campagne de Mme A soit rejeté ; que Mme A fait appel de ce jugement en tant que, par voie de conséquence du rejet de son compte de campagne et du fait que les premiers juges n'ont pas estimé que les conditions d'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral relatives à la bonne foi du candidat étaient réunies, il a annulé son élection comme conseillère municipale et maire de la commune de Saint-Fons et l'a déclarée inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant un an à compter de la date à laquelle il serait devenu définitif ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. B, il ne résulte pas de l'instruction que les prestations fournies par la société ELC2 dans le cadre de la communication de campagne de la liste de Mme A auraient été facturées à un prix inférieur à leur valeur réelle ; qu'il résulte de l'instruction, que la seconde facture émise par la société le 31 mars 2008, pour un montant de 1 645 euros, correspond à des prestations incluses dans le devis d'un montant de 5 000 euros établi par la société le 12 octobre 2007, et non, comme le soutient M. B, à des prestations supplémentaires par rapport à ce devis, d'autre part, que l'écart entre le montant du devis et la somme de 4 145 euros qui lui a été finalement facturée au total, est lié au fait que plusieurs prestations prévues dans le devis n'ont pas été réalisées par la société ELC2 ; que l'écart entre le montant de 700 euros figurant sur le devis de la société ELC2 pour la fourniture de photos et le montant de 180 euros indiqué à ce titre dans son compte de campagne est lié au fait, d'une part, que Mme A a fait appel, pour une partie des photos figurant dans ses documents de propagande électorale, à une autre société que la société ELC2, d'autre part, que certaines des photos fournies par la société ELC2 étaient issues de son stock et n'ont pas fait l'objet d'une facturation identique à celle des photos réalisées spécifiquement pour la campagne électorale ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que le blog de la liste de Mme A, qui ne figurait d'ailleurs sur le devis de la société ELC2 qu'à titre de prestation éventuelle, n'a pas été réalisé par cette société ; qu'en conséquence, il ne résulte pas de l'instruction que le montant figurant dans le compte de campagne de Mme A au titre des prestations fournies par la société ELC2 doive être réévalué ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les affiches de l'association Pour la République sociale apposées dans la commune de Saint-Fons au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4, qui invitaient à chasser la droite et à voter à gauche, ont été réalisées dans le cadre d'une campagne nationale ; qu'au surplus, ces affiches ne soutenaient pas expressément la candidature de Mme A ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme des dépenses exposées directement au profit de Mme A et avec son accord ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Lyon a réintégré dans son compte de campagne des dépenses liées aux prestations de la société ELC2 et à la campagne d'affichage mentionnée ci-dessus, pour un montant total de 4 660 euros ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. B devant le tribunal administratif au soutien de ses conclusions tendant au rejet du compte de campagne de Mme A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les dépenses liées à l'édition du second numéro du journal Le Frondeur, journal local du parti communiste, paru en février 2008, et qui invitait à soutenir la liste de Mme A, ont été intégrées par cette dernière dans son compte de campagne ; que, si le premier numéro de ce journal, daté de mars 2007, portait une appréciation négative sur la gestion de la commune par M. B, ce numéro a été publié dans la perspective des élections législatives de juin 2007, auxquelles M. B était candidat et ne faisait nullement état, ni des élections municipales de mars 2008, ni d'une éventuelle candidature de Mme A à ces élections ; que les dépenses liées à la réalisation de ce premier numéro du journal ne peuvent ainsi être regardées comme ayant été exposées directement au profit de Mme A et avec son accord ;

Considérant, en deuxième lieu, que le courrier de la Ligue des droits de l'homme adressé pendant la campagne électorale aux électeurs de la commune âgés de 18 à 26 ans avait pour objet de les inciter à participer au scrutin, mais ne comportait aucune mention de nature à influer sur le choix de la liste sur laquelle se porterait, le cas échéant, leur suffrage ; qu'ainsi, les dépenses liées à l'envoi de ce courrier ne peuvent être regardées comme ayant été exposées directement au profit de Mme A ;

Considérant, en troisième lieu, que le tract du parti Lutte Ouvrière, s'il mentionnait que des candidats de ce parti figuraient sur la liste conduite par Mme A en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Fons, avait pour objet principal d'inviter les électeurs à participer à des meetings de soutien aux candidats de Lutte Ouvrière et citait également les candidats de ce parti figurant sur les listes en vue des élections municipales dans plusieurs autres communes du département ; que les dépenses liées à ce tract ne peuvent ainsi être regardées comme ayant été exposées directement au profit de Mme A ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la liste conduite par M. Serge Perrin, qui avait loué une salle pour en faire son local de campagne, à titre précaire pour la période du 8 février au 9 mars 2008, avec la possibilité de prolonger la location jusqu'au 16 mars 2008 si la liste était présente au second tour, aurait fait bénéficier de ce local, entre les deux tours à la liste conduite par Mme A ; qu'en conséquence, le grief tiré de ce que Mme A aurait reçu à ce titre un don devant être intégré dans son compte de campagne ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander le rejet du compte de campagne de Mme A ni, par suite, qu'elle soit déclarée inéligible et que son élection en qualité de conseillère municipale et de maire de la commune de Saint-Fons soit annulée ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par Mme A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 7 octobre 2008 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. B présentées devant le tribunal administratif de Lyon tendant à ce que le compte de campagne de Mme A soit rejeté, à ce que son élection en tant que conseillère municipale et maire de la commune de Saint-Fons soit annulée et à ce qu'elle soit déclarée inéligible, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Christiane A, à M. Michel B, à M. Youssef C et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 31 jui. 2009, n° 322285
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Florian Blazy
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 31/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322285
Numéro NOR : CETATEXT000020936321 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-31;322285 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award