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11/08/2009 | FRANCE | N°303711

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 11 août 2009, 303711


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 13 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Fatma A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de la chambre d'agriculture de la Réunion du 31 o

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 13 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Fatma A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de la chambre d'agriculture de la Réunion du 31 octobre 2001 la révoquant de ses fonctions de directrice générale des services de ladite chambre d'agriculture sans préavis et sans indemnités ;

2°) de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de la Réunion le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture homologué par arrêté du 20 mars 1972 du secrétaire d'Etat à l'Agriculture ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Laurent, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la chambre d'agriculture de la Réunion,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A et à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la chambre d'agriculture de la Réunion ;

Considérant que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre le jugement en date du 2 juillet 2003 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion rejetant sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du président de la chambre d'agriculture de la Réunion du 31 octobre 2001 la révoquant de ses fonctions de directrice générale des services de cette chambre sans préavis et sans indemnité, et, d'autre part à la condamnation de la chambre d'agriculture à l'indemniser du préjudice ainsi subi ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code :Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a produit une note en délibéré qui a été enregistrée le 13 juin 2003 au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, après la date de l'audience publique, laquelle s'est tenue le 4 juin 2003 ; que les visas du jugement du tribunal administratif du 2 juillet 2003 ne font pas mention de cette note en délibéré ; que la cour a ainsi commis une erreur de droit en rejetant le moyen soulevé par Mme A et tiré de l'irrégularité pour ce motif du jugement que, par suite, Mme A est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2006 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il besoin de statuer sur les autres moyens de la requête d'appel de Mme A ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que le jugement en date du 2 juillet 2003 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion dont les visas ne font pas mention de la note en délibéré présentée pour Mme A et enregistrée postérieurement à la clôture de l'instruction, le 13 juin 2003 au greffe de tribunal, est entaché d'irrégularité ; que par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Sur la légalité de la décision du 31 octobre 2001 en tant qu'elle révoque Mme A :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture, les candidats à un poste de directeur (...) ne peuvent être nommés directeur qu'après avoir effectué un bilan d'aptitude et obtenu l'agrément à la fonction donné par un jury ; qu'en vertu des dispositions de ce même article, les membres de ce jury sont choisis parmi ceux de la commission paritaire nationale chargée de veiller à l'application des dispositions spéciales concernant les directeurs de chambre d'agriculture dans les conditions fixées par l'article 40 de ce statut ; qu'ainsi, la nomination sur un emploi de directeur de chambre d'agriculture ne peut légalement intervenir qu'après sélection préalable du candidat, au vu de sa valeur, par un jury national, intervenant sous la forme d'un agrément ; qu'il est constant que, Mme A, qui avait été recrutée par contrat le 4 juillet 1995 pour exercer les fonctions de conseiller permanent du président, a été, par décision du président de la chambre d'agriculture alors en fonction en date du 29 octobre 1996, nommée directrice générale de la chambre d'agriculture sans avoir été préalablement agréée par le jury national ; qu'elle a ensuite été titularisée par un avenant conclu avec le président de la chambre le 4 août 2000 ; que le président de la chambre n'a pas tenu compte des avertissements du ministre de l'agriculture et du préfet de la Réunion sur les graves irrégularités affectant la nomination et titularisation de l'intéressée, alors même d'ailleurs qu'elles n'avaient pas été précédées du bilan d'aptitude et de la période probatoire prévue en cas de promotion interne par le même article 38 du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture ; que cependant, ces graves irrégularités commises par l'autorité investie du pouvoir de nomination ne rendent pas nulles et non avenues, comme le soutient en défense la chambre d'agriculture de la Réunion, les décisions 25 octobre 1996 et du 4 août 2000 ;

Considérant qu'il résulte des articles 39 et 40 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture dont relevait Mme A en sa qualité de directrice générale, que la révocation par mesure disciplinaire intervient après avis de la commission administrative paritaire spécifique siégeant à l'échelon national ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette commission administrative paritaire a refusé de donner un avis sur la situation de Mme A, s'estimant incompétente pour statuer sur la situation d'un directeur qui, en l'absence de l'agrément préalable du jury, avait été irrégulièrement nommé; que cependant, la commission ayant été régulièrement saisie en vue de se prononcer sur la révocation de Mme A, la circonstance qu'elle ait ainsi refusé de donner son avis n'entache pas d'irrégularité la procédure et n'affecte donc pas la légalité de la sanction prise à son encontre ; que, de même ,la circonstance que la commission administrative paritaire locale ait été à tort saisie pour avis n'affecte pas la régularité de la procédure ;

Considérant que compte tenu des graves dysfonctionnements entachant le fonctionnement de la chambre d'agriculture pendant la période où Mme A a exercé les fonctions de directrice générale, conduisant notamment au départ forcé ou volontaire de 64 des 190 agents de la chambre d'agriculture, à des dérives financières et à un mouvement de protestation du personnel contre les pratiques de sa directrice générale, l'ensemble étant imputable principalement aux agissements de Mme A, le président de la chambre d'agriculture a pu légalement qualifier de fautif le comportement de l'intéressée et mettre fin à ses fonctions sans entacher sa décision de disproportion manifeste ;

Sur la légalité des refus d'attribution des indemnités de préavis et de licenciement et sur les conclusions tendant au versement de ces indemnités :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 39 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture qu'il appartient à la seule commission administrative paritaire spéciale de se prononcer sur l'attribution à un directeur de chambre révoqué pour motif disciplinaire d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de licenciement ; qu'il résulte des pièces du dossier que ladite commission n'a pas été saisie de la question du versement de ces indemnités à Mme A ; qu'aucune décision de la commission n'est ainsi intervenue pour déterminer les éventuels droits de Mme A à l'attribution d'indemnités de préavis et de licenciement ; que le président de la chambre d'agriculture, à qui il appartenait de saisir la commission de cette question, ne pouvait donc compétemment statuer sur le versement de ces indemnités ; que, par suite Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du président de la chambre d'agriculture de la Réunion du 31 octobre 2001 en tant qu'elle refuse de lui attribuer une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement ; que cependant il appartiendra à la commission administrative paritaire spéciale de se prononcer sur l'attribution de telles indemnités à Mme A ; qu'il y a donc lieu de rejeter ses conclusions tendant au versement d'indemnités à ce titre ;

Sur l'indemnité liée aux conditions dans lesquelles sa révocation est intervenue :

Considérant que la révocation de Mme A ayant été légalement prononcée, celle-ci n'est pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de la dite sanction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la chambre d'agriculture de la Réunion le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A la somme de 5 000 euros au titre des mêmes frais exposés par la chambre d'agriculture de la Réunion ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 12 décembre 2006 et le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 2 juillet 2002 sont annulés.

Article 2 : La décision du président de la chambre d'agriculture de la Réunion en date du 31 octobre 2001 en tant qu'elle rejette la demande de Mme A tendant à bénéficier de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Mme A versera la somme de 5 000 euros à la chambre d'agriculture de la Réunion en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatma A et à la chambre d'agriculture de la Réunion.

Une copie sera transmise pour information au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 303711
Date de la décision : 11/08/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES INEXISTANTS - ABSENCE - MALGRÉ DES IRRÉGULARITÉS GROSSIÈRES - NOMINATION D'UN DIRECTEUR DE CHAMBRE D'AGRICULTURE SANS AVIS CONFORME PRÉALABLE D'UN JURY NATIONAL [RJ1].

01-01-07 Le fait d'avoir omis de recueillir l'avis conforme d'un jury national chargé de délivrer un agrément préalable à toute nomination de directeur de chambre d'agriculture constitue une illégalité dont la gravité ne rend pas la nomination nulle et non avenue.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION OBLIGATOIRE - NOMINATION D'UN DIRECTEUR DE CHAMBRE D'AGRICULTURE SANS AVIS CONFORME PRÉALABLE D'UN JURY NATIONAL - ILLÉGALITÉ DONT LA GRAVITÉ NE REND PAS LA NOMINATION NULLE ET NON AVENUE [RJ1].

01-03-02-02 Le fait d'avoir omis de recueillir l'avis conforme d'un jury national chargé de délivrer un agrément préalable à toute nomination de directeur de chambre d'agriculture constitue une illégalité dont la gravité ne rend pas la nomination nulle et non avenue.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - NOMINATIONS - NOMINATION D'UN DIRECTEUR DE CHAMBRE D'AGRICULTURE SANS AVIS CONFORME PRÉALABLE D'UN JURY NATIONAL - ILLÉGALITÉ DONT LA GRAVITÉ NE REND PAS LA NOMINATION NULLE ET NON AVENUE [RJ1].

36-03-03 Le fait d'avoir omis de recueillir l'avis conforme d'un jury national chargé de délivrer un agrément préalable à toute nomination de directeur de chambre d'agriculture constitue une illégalité dont la gravité ne rend pas la nomination nulle et non avenue.


Références :

[RJ1]

Comp. 28 décembre 2005, Richevaux, n° 279432, T. p. 694.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 aoû. 2009, n° 303711
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Dominique Laurent
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:303711.20090811
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