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24/08/2009 | FRANCE | N°330259

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 août 2009, 330259


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS, représentée par son président en exercice, M. Pascal Binczac, sise 2, rue de la Liberté à Saint-Denis (93526) ; l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision en date du 26 mai 2009 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche portant transfert de l'ensemb

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Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS, représentée par son président en exercice, M. Pascal Binczac, sise 2, rue de la Liberté à Saint-Denis (93526) ; l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision en date du 26 mai 2009 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche portant transfert de l'ensemble des biens, droits et obligations de l'Institut français d'urbanisme, institut interne de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée ;

l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS soutient que la lettre de la ministre en date du 26 mai 2009 constitue une décision faisant grief et non un acte préparatoire, dès lors que son application n'appelle aucune autre décision et qu'elle s'accompagne d'effets directs immédiats ; que la condition d'urgence est satisfaite, le juge du fond n'étant pas en mesure de se prononcer avant l'entrée en vigueur, à la prochaine rentrée universitaire, des dispositions contestées et celles-ci risquant de lui causer un préjudice grave et de porter atteinte au bon fonctionnement du service public de l'enseignement supérieur, l'institut français d'urbanisme (IFU) étant depuis l'origine lié à elle, la décision intervenant sans aucune concertation, en violation du principe de l'autonomie des universités et elle seule disposant des habilitations ministérielles pour délivrer les diplômes de l'IFU ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que la ministre, compétente pour créer ou supprimer un institut universitaire en vertu de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, ne l'est pas pour transférer, par une décision unique, un tel institut d'une université à une autre ; que la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, l'avis du conseil d'administration de l'université n'ayant pas été demandé avant que le ministre ne prenne sa décision, en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 713-1 du code de l'éducation ; que le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas non plus été consulté, en méconnaissance des mêmes dispositions et de celles de l'article L. 232-1 du même code, s'agissant du transfert des dotations ; que l'avis du comité technique paritaire n'a pas davantage été sollicité avant la décision de la ministre, en violation des dispositions de l'article L. 951-1-1 du même code ; que la décision est entachée d'erreur de droit, en l'absence de toute concertation avec elle, qui aurait dû notamment se traduire, en application des dispositions du second alinéa du 2° de l'article L. 731-2 du même code, par une modification préalable du contrat pluriannuel d'établissement ; que la décision de transférer l'IFU à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée, alors que celle-ci n'a pas été habilitée à délivrer les diplômes auxquels prépare l'IFU, est entachée d'erreur de droit ; que la décision attaquée, qui n'est pas compatible avec le projet de l'université et ne se fonde sur aucune considération tirée de l'intérêt supérieur du service public de l'enseignement supérieur, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision de la ministre portant sur le transfert des emplois est entachée d'incompétence ;

Vu la requête dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 août 2009, présenté par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche qui conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ; elle soutient que la requête est irrecevable, le courrier contesté, par lequel il est demandé au président de l'université de consulter le conseil d'administration et le comité technique paritaire dont les avis sont nécessaires pour que la ministre puisse prendre la décision dont elle manifeste l'intention, qui n'a emporté aucune conséquence et n'a d'ailleurs été suivi d'aucun effet, n'étant pas l'arrêté ministériel prévu à l'article L. 713-1 du code de l'éducation et ne constituant pas une décision faisant grief mais seulement un acte préparatoire de la décision qui sera prise une fois les consultations intervenues, comme le confirme d'ailleurs la nouvelle lettre adressée au président de l'université le 7 août 2009 ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que cet acte préparatoire n'emporte aucun effet et ne saurait préjudicier de façon suffisamment grave et immédiate aux intérêts de l'université ; que l'intention de rattacher l'IFU à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée est connue de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS depuis au moins février 2006 et que le conseil d'administration de cette dernière a d'ailleurs déjà évoqué ce transfert ; que l'impact de ce transfert sur l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS sera limité ; que la mesure ne compromet pas la situation administrative des étudiants de l'IFU ; que le rattachement de l'IFU à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée, alors qu'il est depuis vingt-quatre ans localisé à cet endroit, est cohérent avec l'implantation sur ce site d'autres établissements, existants ou en projet, enseignant les disciplines du développement durable ; que la ministre peut légalement engager simultanément la procédure de détachement de l'IFU de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS et celle de son rattachement à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée ; que les consultations obligatoires du conseil d'administration et du comité technique paritaire sont précisément demandées par la lettre litigieuse ; que le conseil supérieur de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui a été consulté, a rendu un avis favorable au transfert ; que le transfert pourra être inscrit dans le contrat pluriannuel d'établissement par voie d'avenant, postérieurement à la réalisation du transfert ; que, depuis la modification des dispositions de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, le ministre chargé de l'enseignement supérieur conserve l'initiative des créations et suppressions d'établissements ainsi que celle d'arrêter et réviser la carte des formations supérieures et de la recherche prévue à l'article L. 614-3 du même code ; que le président de l'université ne peut légalement s'opposer au transfert d'un établissement en refusant de convoquer le conseil d'administration pour qu'il donne son avis ; que les habilitations accordées tant à l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS qu'à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée pour délivrer les diplômes auxquels prépare l'IFU ne sont valables que jusqu'à la fin de 2009 et seront ensuite réexaminées, compte tenu notamment du transfert de l'IFU ; que le ministre est compétent pour transférer des emplois d'une université à une autre, en conséquence du transfert d'un établissement ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 août 2009, présenté par l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la lettre litigieuse a le caractère d'une décision faisant grief, eu égard à de nombreux précédents jurisprudentiels, compte tenu de son contenu, même si elle n'a pas été prise par arrêté, et de ce que la ministre ne se réfère pas à une nouvelle décision à prendre après les consultations du conseil d'administration et du comité technique paritaire ; que la saisine de ces instances demandée par la lettre litigieuse ne peut être regardée comme tendant à consulter celles-ci sur la décision à prendre mais tend seulement à leur faire entériner une décision déjà prise ; que, dans un autre courrier du 23 juillet 2009, la ministre indique qu'elle va procéder aux transferts à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée des biens, droits et obligations affectés par l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT- DENIS ; qu'il a été demandé au président cette université de valider la liste des enseignants-chercheurs et le montant de la dotation en vue de leur transfert, dont le principe a été décidé ; que dans son nouveau courrier du 7 août 2009, la ministre se réfère à la lettre du 26 mai comme contenant la décision initiale de transfert ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 21 août 2009 à 11 h 00 au cours de laquelle ont été entendus :

- le président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS ;

- le représentant de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS ;

- les représentantes de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 713-1 du code de l'éducation : Les universités regroupent diverses composantes qui sont : (...) / 2° Des écoles ou des instituts, créés par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur sur proposition ou après avis du conseil d'administration de l'université et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. / Les composantes de l'université déterminent leurs statuts, qui sont approuvés par le conseil d'administration de l'université, et leurs structures internes. Le président associe les composantes de l'université à la préparation et à la mise en oeuvre du contrat pluriannuel d'établissement. La création, la suppression ou le regroupement de composantes sont inscrits dans le contrat pluriannuel d'établissement, le cas échéant, par voie d'avenant. ; qu'aux termes de l'article L. 951-1-1 : Un comité technique paritaire est créé dans chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel par délibération du conseil d'administration. Outre les compétences qui lui sont conférées en application de l'article 15 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, il est consulté sur la politique de gestion des ressources humaines de l'établissement. Un bilan de la politique sociale de l'établissement lui est présenté chaque année.

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a adressé au président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS une lettre en date du 26 mai 2009 ainsi rédigée : (...) Au vu de ces éléments concordants, j'ai pris la décision de transférer cette composante de l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée à compter de la rentrée universitaire 2009-2010. Dans ces conditions, je vous prie de bien vouloir inscrire dans les meilleurs délais la suppression de l'IFU comme composante de votre établissement à l'ordre du jour de votre comité technique paritaire et de votre conseil d'administration. Je demande parallèlement au président de l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée d'inscrire la création de l'IFU, institut interne régi par les dispositions de l'article L. 713-9 du code de l'éducation, à l'ordre du jour d'un prochain comité technique paritaire. / Je vous remercie par avance de procéder à une large communication sur les conséquences de ce transfert en indiquant notamment qu'il est bien évident que seuls les personnels qui le souhaitent seront affectés à Marne-la-Vallée. Les étudiants seront inscrits à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée et seront diplômés de cette université. L'ensemble des autres biens, droits et obligations de l'IFU seront transférés à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée ; que le président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS demande la suspension de l'exécution de la décision contenue dans cette correspondance ; que la ministre oppose une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de cette demande, au motif que la lettre contestée est un acte préparatoire de la décision à intervenir et ne fait pas, par elle-même, grief ;

Considérant que, malgré les termes employés, cette lettre doit être regardée non comme révélant une décision ayant, par elle-même, pour effet de transférer l'Institut français d'urbanisme (IFU) de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS à l'université de Paris-Est Marne-la-Vallée, sans qu'une autre décision ne soit nécessaire, mais comme exprimant l'intention de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche d'engager la procédure conduisant à une décision de transfert ; qu'ainsi, en demandant, dans cette correspondance, au président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS d'inscrire la suppression de l'IFU comme composante de cette université à l'ordre du jour des prochains conseil d'administration et comité technique paritaire de celle-ci, la ministre entend qu'il soit procédé aux consultations préalables à sa décision de détacher l'IFU de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS, imposées par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 713-1 du code de l'éducation et de l'article L. 951-1-1 du même code ; que la décision de transfert de l'IFU, qui serait prise par la ministre à l'issue de ces consultations, pourrait être contestée, dans son principe même, par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la lettre en date du 26 mai 2009 n'a d'autre effet juridique que de saisir le président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS d'une demande d'inscription d'une proposition de décision de la ministre à l'ordre du jour de réunions du conseil d'administration et du comité technique paritaire ; qu'elle n'emporte, en particulier, aucune conséquence sur les modalités d'inscription des étudiants à l'IFU ou sur l'affectation à l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS des postes d'enseignants-chercheurs, non plus que sur les biens, droits et obligations de cette université résultant du rattachement de l'Institut français d'urbanisme (IFU) à celle-ci, qui demeure ; que, par suite, ainsi que le soutient la ministre, la lettre en date du 26 mai 2009 ne constitue pas une décision faisant grief ; qu'ainsi, les conclusions tendant à la suspension de son exécution ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT-DENIS et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 330259
Date de la décision : 24/08/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 aoû. 2009, n° 330259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:330259.20090824
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