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31/08/2009 | FRANCE | N°314007

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 31 août 2009, 314007


Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 6 500 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du prélèvement d'un trop-perçu de rémunération de septembre 2005 à décembre 2006, effectué sur son traitement en janvier 2007 ;

2°) de condamner l'Etat à lui ve

rser cette somme de 6 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 nove...

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 6 500 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison du prélèvement d'un trop-perçu de rémunération de septembre 2005 à décembre 2006, effectué sur son traitement en janvier 2007 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme de 6 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 65-845 du 4 octobre 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Yves Struillou, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, issu du corps des directeurs de recherche de l'institut national de la santé et de la recherche médicale, (I.N.S.E.R.M.), a été placé en détachement dans le corps des professeurs des universités à compter du 1er septembre 2001 ; qu'il a été promu à la classe exceptionnelle dans ce corps à compter du 1er septembre 2005 par un arrêté du 9 août 2005 du ministre de l'éducation nationale ; qu'un arrêté conjoint du 27 décembre 2005 du ministre de l'éducation nationale et du ministre de la santé l'a détaché rétroactivement, à compter du 1er septembre 2005, dans le corps des professeurs d'université-praticiens hospitaliers avec une rémunération afférente au 3ème échelon de la 1ère classe de ce corps ; qu'il a été intégré dans le corps des professeurs d'université-praticiens hospitaliers par un décret du 17 octobre 2006 avec maintien du classement au 3ème échelon de la 1ère classe ; que de septembre 2005 à décembre 2006 inclus, il a continué à percevoir un traitement de professeur des universités de classe exceptionnelle ; qu'en janvier 2007, la recette générale des finances a procédé à un précompte pour trop-perçu d'un montant de 3 922,16 euros correspondant à la différence entre le traitement de professeur des universités de classe exceptionnelle et celui de professeur d'université-praticien hospitalier de 1ère classe qu'il aurait dû percevoir pendant cette période ; que M. A a formé auprès du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche une demande d'indemnisation pour le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ce prélèvement pour trop-perçu ; qu'une décision implicite de rejet est née le 7 janvier 2008 ;

Considérant qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration était tenue de refuser cet avantage ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, l'administration ne peut dès lors retirer sa décision explicite, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; que, pour l'application de ces règles, doit être assimilée à une décision explicite accordant un avantage financier celle qui, sans avoir été formalisée, est révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d'en assurer l'exécution ; que, notamment, le versement d'un traitement à un agent par l'administration, à laquelle il incombe de s'assurer que l'agent remplit les conditions pour le percevoir, manifeste, lorsque le traitement est versé alors que ces conditions ne sont pas remplies, l'existence d'une décision d'octroi d'un avantage financier, créatrice de droit ; que ces règles ne font obstacle ni à la possibilité, pour l'administration, de demander à tout moment le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ou d'un retard dans l'exécution d'une décision de l'ordonnateur, ni à celle de supprimer pour l'avenir un avantage dont le maintien est subordonné à une condition, dès lors que celle-ci n'est plus remplie ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le versement indu à M. A d'un traitement de professeur des universités correspondant à la classe exceptionnelle de septembre 2005 à décembre 2006, bien que fût intervenu, le 27 décembre 2005, un arrêté ministériel le nommant en détachement dans le corps des professeurs d'université-praticiens hospitaliers au 3ème échelon de la 1ère classe de ce corps, ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, contrairement à ce que soutient l'administration, une erreur dans la liquidation d'une créance résultant d'une décision antérieure ; qu'il manifeste, en revanche, l'existence d'une décision d'octroi d'un avantage financier, créatrice de droits ; que, par suite, cette décision ne pouvait être retirée au-delà d'un délai de quatre mois à compter de l'édiction de l'arrêté du 27 décembre 2005, date à laquelle l'ordonnateur ne pouvait plus ignorer que les conditions pour que M. A bénéficie d'un traitement de professeur des universités de classe exceptionnelle n'étaient plus remplies ; qu'ainsi, au 1er janvier 2007, le délai de retrait était expiré ; que, par suite, l'administration ne pouvait légalement prélever en janvier 2007 une retenue de 3 922,16 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'indemnisation qu'il a formée auprès de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que, cette retenue illégale étant constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. A, il y a lieu, par voie de conséquence, de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 922,16 euros majorée des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable d'indemnisation du 7 novembre 2007 ;

Considérant, en second lieu, que si M. A soutient avoir subi un préjudice matériel tenant aux informations inexactes qui lui auraient été données par l'administration sur sa situation professionnelle, ce qui l'aurait contraint à recourir aux conseils d'un avocat, il n'établit pas l'existence d'un préjudice direct en lien avec les frais d'avocat exposés par lui ; que, dès lors, ses conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel subi de ce fait ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite de rejet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 3 922,16 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 314007
Date de la décision : 31/08/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 aoû. 2009, n° 314007
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: Mme Bethânia Gaschet
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:314007.20090831
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