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02/09/2009 | FRANCE | N°318584

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02 septembre 2009, 318584


Vu, 1°) sous le n° 318584, la requête, enregistrée le 21 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 119 rue du Temple à Paris (75003) ; l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 mai 2008 par laquelle la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 114-5 de l'arrêté du 6

juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale e...

Vu, 1°) sous le n° 318584, la requête, enregistrée le 21 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 119 rue du Temple à Paris (75003) ; l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 27 mai 2008 par laquelle la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale en tant qu'il prévoit la dotation aux fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique ;

2°) de faire droit à sa demande d'abrogation ;

Vu, 2°) sous le n° 321715, la requête, enregistrée le 20 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 119 rue du Temple à Paris (75003) ; l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2008-993 du 22 septembre 2008 modifiant le décret n° 2000-276 du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L. 412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution et notamment son Préambule ;

Vu la Charte de l'environnement ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

Vu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ;

Vu le règlement CE n° 12/36/2005 du Conseil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 85-589 du 6 mai 1985 ;

Vu le décret n° 2000-276 du 22 mars 2000 ;

Vu l'arrêté du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 22 juin 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public ;

Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 318584 et 321715 de l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seule décision ;

Sur la requête n° 318584 :

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que M. A, directeur du cabinet du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a reçu délégation de signature, par arrêté du 22 juin 2007, à l'effet de signer au nom du ministre tous actes, arrêtés ou décisions à l'exclusion des décrets ; que, par suite, M. A était compétent pour signer au nom du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, la décision attaquée du 27 mai 2008 ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Considérant que l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale dispose que les fonctionnaires actifs de la police nationale sont dotés de moyens de force intermédiaire afin de leur permettre, lorsque le recours à la contrainte est nécessaire, de disposer d'un équipement dont les effets sont proportionnés au but à atteindre ; qu'en vertu du même article, les moyens de force intermédiaire sont constitués des menottes, des bâtons de défense à poignée latérale, des bombes de produits incapacitant, des lanceurs de balles de défense et des pistolets à impulsion électrique ; que l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME demande l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 27 mai 2008 rejetant sa demande d'abrogation de l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 en tant que cet article inclut les pistolets à impulsion électrique au nombre des moyens dont sont dotés les fonctionnaires actifs de la police nationale ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des stipulations de droit international et européen :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article 1 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984 : Aux fins de la présente Convention, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ; qu'aux termes de l'article 2 de la même convention : Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

Considérant que les pistolets à impulsion électrique sont des armes pouvant agir soit par contact direct, soit à courte distance de l'ordre de 10 mètres, en propulsant deux électrodes crochetées, reliées à l'arme par un fil isolé, et destinées à se planter sur le corps de la cible à travers ses vêtements ; qu'au contact de la cible, le pistolet libère une onde d'un ampérage de 2 milliampères sous une fréquence de 50.000 volts pendant 5 secondes ; que cette onde déclenche une contraction musculaire intense qui provoque une perte de contrôle musculaire de la personne visée et permet ainsi sa neutralisation ;

Considérant que les règles d'utilisation des pistolet à impulsion électrique dans la police nationale ont été en dernier lieu fixées par une instruction ministérielle en date du 9 mai 2007 ; que cette instruction rappelle qu' afin d'élargir leur capacité de riposte en les équipant de moyens de force intermédiaire destinés en particulier à éviter l'utilisation de l'arme de service, certains policiers peuvent se voir équiper, à titre collectif conjugué à l'obtention d'une habilitation individuelle, de pistolets à impulsion électrique ; que, selon l'instruction, l'emploi des pistolets à impulsion électrique doit en tout état de cause rester strictement nécessaire et proportionné ; qu'en dehors de l'hypothèse principale de la légitime défense, telle qu'elle est définie par l'article L. 122-5 du code pénal, l'emploi de l'arme peut également être envisagé : / - soit dans le cadre de l'état de nécessité (article 122-7 du code pénal), -soit en cas de crime ou délit flagrant pour en appréhender le ou les auteurs (article 73 du code de procédure pénale), mais sous certaines conditions ; qu'enfin, l'instruction réserve l'usage de l'arme à l'encontre des personnes violentes et dangereuses ;

Considérant, par ailleurs, que l'instruction définit les modalités du contrôle de l'emploi des pistolets à impulsion électrique et de la formation des fonctionnaires actifs de la police nationale ; que le contrôle s'appuie sur un dispositif de traçabilité de l'emploi de ces armes grâce à l'enregistrement des paramètres de chaque tir assorti d'un dispositif d'enregistrement audio ainsi que vidéo résultant d'une caméra associée au viseur ; que chaque utilisation de l'arme par un fonctionnaire de la police nationale doit par ailleurs être déclarée et renseignée au moyen d'une fiche d'utilisation ; que ces données de contrôle, qui sont conservées pendant au moins deux ans, font l'objet d'analyses et de vérifications périodiques ; que l'instruction prévoit également une formation conduisant à une habilitation personnelle délivrée aux fonctionnaires préalablement au port de l'arme en cause ; que le ministre précise en défense que cette formation comporte un module général relatif à l'environnement juridique du port d'arme d'une durée minimum de 12 heures et un module spécifique de même durée relatif à l'utilisation du pistolet à impulsion électrique ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces règles qu'alors même que le pistolet à impulsion électrique constitue une arme qui inflige des souffrances aiguës, les conditions d'emploi, de contrôle et de formation instituées par le cadre juridique résultant de l'arrêté attaqué du 6 juin 2006 et de l'instruction d'emploi du 9 mai 2007 en limitent le droit à l'emploi aux situations mettant aux prises avec des personnes dangereuses ou menaçantes, dont la neutralisation, rendue nécessaire par la protection légitime de l'ordre public, ne justifie pas le recours à une arme à feu mais dont l'appréhension par la voie physique serait porteuse de risques pour elles-mêmes et pour autrui ; que, par suite, et alors même qu'en cas de mésusage ou d'abus, ses utilisateurs peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants visés par les stipulations précitées et que le règlement CE n° 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 range cette arme parmi les moyens susceptibles d'être utilisés pour infliger la torture, le refus d'abroger l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 en tant qu'il prévoit la dotation aux fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique, ne méconnaît pas les stipulations des textes invoqués ;

Considérant que la requérante ne saurait invoquer utilement les stipulations de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques qui ont été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à la vie :

Considérant que l'article 2 de la de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. / 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : / a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; / b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; / c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi des pistolets à impulsion électrique comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d'hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l'alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l'impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire ; que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 2 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le recours à la force doit être rendu absolument nécessaire pour atteindre l'un des objectifs mentionnés aux alinéas a), b) ou c) du même article et que la force utilisée doit en particulier être strictement proportionnée à ces objectifs ; qu'il résulte du cadre juridique d'emploi des pistolets à impulsion électrique au sein de la police nationale, tel que décrit ci-dessus, que leur utilisation doit demeurer limitée aux hypothèses légales énumérées par l'instruction d'emploi du 9 mai 2007 et, en tout état de cause, rester absolument nécessaire et proportionnée ; que, par suite, le refus d'abroger l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 en tant qu'il prévoit la dotation des fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique, ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 2 de la de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du droit interne :

Considérant, d'une part, que la décision attaquée n'affecte pas l'environnement au sens de l'article 5 de la Charte de l'environnement à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence ; que, par suite, l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions constitutionnelles ; que, d'autre part, il résulte de ce qui a été dit plus haut que le refus d'abroger l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 en tant qu'il prévoit la dotation des fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique, ne méconnaît pas, du fait du cadre juridique qui encadre l'usage des armes en cause, les principes d'absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en oeuvre de la force publique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 27 mai 2008 qui a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale en tant que cet article prévoit la dotation des fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique ; que doivent, par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger ces dispositions ;

Sur la requête n° 321715 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'article L. 412-51 du code des communes dans sa rédaction applicable dispose que : Lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l'existence d'une convention prévue par l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales / Un décret en Conseil d'Etat précise, par type de mission, les circonstances et les conditions dans lesquelles les agents de police municipale peuvent porter une arme. Il détermine, en outre, les catégories et les types d'armes susceptibles d'être autorisés, leurs conditions d'acquisition et de conservation par la commune et les conditions de leur utilisation par les agents. Il précise les modalités de la formation que ces derniers reçoivent à cet effet ; que le décret du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L. 412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret attaqué, autorise les agents de police municipale à porter les armes suivantes : 1° 4e catégorie : / a) Revolvers chambrés pour le calibre 38 Spécial ; / b) Armes de poing chambrées pour le calibre 7,65 mm ; / c) Armes à feu d'épaule et armes de poing tirant une ou deux balles ou projectiles non métalliques, classées dans cette catégorie par arrêté du ministre de la défense et dont le calibre est au moins égal à 44 mm ; / 2° 6e catégorie : a) Matraques de type bâton de défense ou tonfa ; b) Générateurs d'aérosols incapacitants ou lacrymogènes ; c) Projecteurs hypodermiques. / 3° 7e catégorie : Armes à feu tirant une ou deux balles ou projectiles non métalliques, classées dans cette catégorie par arrêté du ministre de la défense et dont le calibre est au moins égal à 44 mm ; que le décret du 24 mars 2000 fixe par ailleurs en son article 3 les missions pour l'exercice desquelles les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter les armes susmentionnées ; que son article 4 dispose que sur demande motivée du maire pour un ou plusieurs agents nommément désignés le préfet du département peut accorder une autorisation individuelle de porter une arme pour l'accomplissement des missions définies à l'article 3 ....Il joint.... un certificat médical attestant que l'état de santé physique et psychique de l'agent n'est pas incompatible avec le port d'une arme. / L'autorisation de port d'une arme de la 4ème ou de la 7ème catégorie mentionnée à l'article 2 ne peut être délivrée qu'aux agents ayant validé une formation préalable attestée par le centre national de la fonction publique territoriale... ; que selon l'article 5 du même décret, Les agents de police municipale autorisés à porter une arme de la 4ème ou de la 7ème catégorie mentionnée à l'article 2 sont astreints à suivre périodiquement un entraînement au maniement de cette arme.... Le préfet peut suspendre l'autorisation de port d'arme d'un agent qui n'a pas suivi les séances d'entraînement réglementaires.... ; que l'article 6 du décret dispose que l'agent de police municipale ne peut faire usage de l'arme qui lui a été remise qu'en cas de légitime défense, dans les conditions prévues par l'article 122-5 du code pénal ;

Considérant que le décret attaqué du 22 septembre 2008 a pour objet d'ajouter les pistolets à impulsion électrique à la liste des armes de 4ème catégorie susmentionnées que les agents de police municipale peuvent être autorisés à porter ;

Considérant qu'alors que les pistolets à impulsion électrique constituent des armes d'un type nouveau qui, aux côtés des avantages qu'elles comportent en matière de sécurité publique, en permettant d'éviter dans certaines circonstances le recours aux armes à feu, présentent des dangers spécifiques, qui imposent que leur usage soit précisément encadré et contrôlé au sein des armes de 4ème catégorie susmentionnées, d'une part, le décret attaqué du 22 septembre 2008 ne prescrit ni la délivrance d'une formation spécifique à l'usage de cette arme préalablement à l'autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter, ni l'organisation d'une procédure destinée à assurer le recueil d'informations sur l'usage des pistolets à impulsion électrique par les agents de police municipale puis l'évaluation et le contrôle des données ainsi recueillies ; que, d'autre part, l'instruction du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 4 novembre 2008 dont l'objet est de fixer des recommandations d'emplois relatives à l'utilisation par les agents de police municipale des pistolets à impulsions électriques et qui vise à fournir aux maires et aux responsables de police municipale l'information nécessaire visant à rendre l'utilisation des pistolets à impulsions électriques efficace dans des conditions optimales de sécurité pour tous , est sans valeur réglementaire ; que, par suite, le décret attaqué, faute d'avoir précisé en application des dispositions de l'article L. 412-51 du code des communes les précautions d'emploi de l'arme, les modalités d'une formation adaptée à son emploi et la mise en place d'une procédure d'évaluation et de contrôle périodique nécessaire à l'appréciation des conditions effectives de son utilisation par les agents de police municipale, méconnaît les principes d'absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en oeuvre de la force publique ; qu'il doit, par suite, être annulé ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête n° 318584 est rejetée.

Article 2 : Le décret n° 2008-993 du 22 septembre 2008 est annulé.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION RESEAU D'ALERTE ET D'INTERVENTION POUR LES DROITS DE L'HOMME et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318584
Date de la décision : 02/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - TRAITÉS ET DROIT DÉRIVÉ - CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS - INHUMAINS OU DÉGRADANTS DU 10 DÉCEMBRE 1984 (ART - 1ER) - EMPLOI PAR LA POLICE NATIONALE DE PISTOLETS À IMPULSION ÉLECTRIQUE - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - EU ÉGARD AUX CONDITIONS D'EMPLOI - DE CONTRÔLE ET DE FORMATION QUI ENCADRENT SON USAGE.

01-04-01 Alors même que le pistolet à impulsion électrique constitue une arme qui inflige des souffrances aiguës, les conditions d'emploi, de contrôle et de formation instituées par le cadre juridique résultant d'un arrêté et d'une instruction en limitent le droit à l'emploi aux situations mettant aux prises avec des personnes dangereuses ou menaçantes, dont la neutralisation, rendue nécessaire par la protection légitime de l'ordre public, ne justifie pas le recours à une arme à feu mais dont l'appréhension par la voie physique serait porteuse de risques pour elles-mêmes et pour autrui. Par suite, et alors même qu'en cas de mésusage ou d'abus, ses utilisateurs peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants visés, le refus d'abroger la disposition dotant les fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1er de la convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - REFUS DE LA TORTURE ET DE PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS (ART - 3) - EMPLOI PAR LA POLICE NATIONALE DE PISTOLETS À IMPULSION ÉLECTRIQUE - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - EU ÉGARD AUX CONDITIONS D'EMPLOI - DE CONTRÔLE ET DE FORMATION QUI ENCADRENT SON USAGE.

26-055-01 Alors même que le pistolet à impulsion électrique constitue une arme qui inflige des souffrances aiguës, les conditions d'emploi, de contrôle et de formation instituées par le cadre juridique résultant d'un arrêté et d'une instruction en limitent le droit à l'emploi aux situations mettant aux prises avec des personnes dangereuses ou menaçantes, dont la neutralisation, rendue nécessaire par la protection légitime de l'ordre public, ne justifie pas le recours à une arme à feu mais dont l'appréhension par la voie physique serait porteuse de risques pour elles-mêmes et pour autrui. Par suite, et alors même qu'en cas de mésusage ou d'abus, ses utilisateurs peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants visés, le refus d'abroger l'article 114-5 de l'arrêté du 6 juin 2006 en tant qu'il prévoit la dotation aux fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À LA VIE (ART - 2) - MÉCONNAISSANCE - EMPLOI PAR LA POLICE NATIONALE DE PISTOLETS À IMPULSION ÉLECTRIQUE - ABSENCE - EU ÉGARD AU CADRE JURIDIQUE D'EMPLOI.

26-055-01-02 L'emploi des pistolets à impulsion électrique comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d'hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l'alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l'impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire. De tels dangers étant susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées, le recours à la force doit, en vertu de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH), être rendu absolument nécessaire pour atteindre l'un des objectifs mentionnés aux alinéas a), b) ou c) du même article et que la force utilisée doit en particulier être strictement proportionnée à ces objectifs. Mais il résulte du cadre juridique d'emploi des pistolets à impulsion électrique au sein de la police nationale que leur utilisation doit demeurer limitée aux hypothèses légales énumérées par une instruction d'emploi et, en tout état de cause, rester absolument nécessaire et proportionnée. Dans ces conditions, le refus d'abroger la disposition dotant les fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique ne méconnaît pas les stipulations de l'article 2 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

POLICE ADMINISTRATIVE - PERSONNELS DE POLICE - EQUIPEMENTS EN PISTOLETS À IMPULSION ÉLECTRIQUE - 1) AGENTS DE POLICE MUNICIPALE - PRINCIPES D'ABSOLUE NÉCESSITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA FORCE PUBLIQUE - MÉCONNAISSANCE - EXISTENCE - 2) AGENTS DES CADRES ACTIFS DE LA POLICE NATIONALE - REFUS DE LA TORTURE ET DE PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS (ART - 3 DE LA CONV - EDH) - DROIT À LA VIE (ART - 2 DE CETTE MÊME CONVENTION) - CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS - INHUMAINS OU DÉGRADANTS DU 10 DÉCEMBRE 1984 (ART - 1ER) - MÉCONNAISSANCE DE CES NORMES - ABSENCE.

49-025 1) Les pistolets à impulsion électrique constituent des armes d'un type nouveau qui, aux côtés des avantages qu'elles comportent en matière de sécurité publique, en permettant d'éviter dans certaines circonstances le recours aux armes à feu, présentent des dangers spécifiques, qui imposent que leur usage soit précisément encadré et contrôlé au sein des armes de 4ème catégorie. Pourtant, le décret litigieux relatif à l'armement des policiers municipaux ne prescrit ni la délivrance d'une formation spécifique à l'usage de cette arme préalablement à l'autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter, ni l'organisation d'une procédure destinée à assurer le recueil d'informations sur l'usage des pistolets à impulsion électrique par les agents de police municipale puis l'évaluation et le contrôle des données ainsi recueillies. D'autre part, l'instruction du ministre chargé de l'intérieur dont l'objet est de fixer des « recommandations d'emplois relatives à l'utilisation par les agents de police municipale des pistolets à impulsions électriques » et qui vise à fournir aux maires et aux responsables de police municipale « l'information nécessaire visant à rendre l'utilisation des pistolets à impulsions électriques efficace dans des conditions optimales de sécurité pour tous » est sans valeur réglementaire. Par suite, le décret attaqué, faute d'avoir précisé les précautions d'emploi de l'arme, les modalités d'une formation adaptée à son emploi et la mise en place d'une procédure d'évaluation et de contrôle périodique nécessaire à l'appréciation des conditions effectives de son utilisation par les agents de police municipale, méconnaît les principes d'absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en oeuvre de la force publique.... ...2) L'emploi des pistolets à impulsion électrique comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d'hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l'alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l'impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire. De tels dangers étant susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées, le recours à la force doit, en vertu de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH), être rendu absolument nécessaire pour atteindre l'un des objectifs mentionnés aux alinéas a), b) ou c) du même article et que la force utilisée doit en particulier être strictement proportionnée à ces objectifs. Mais il résulte du cadre juridique d'emploi des pistolets à impulsion électrique au sein de la police nationale que leur utilisation doit demeurer limitée aux hypothèses légales énumérées par une instruction d'emploi et, en tout état de cause, rester absolument nécessaire et proportionnée. Dans ces conditions, le refus d'abroger la disposition dotant les fonctionnaires actifs de la police nationale de pistolets à impulsion électrique ne méconnaît pas les stipulations des articles 2 et 3 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 1er de la convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 sep. 2009, n° 318584
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:318584.20090902
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