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24/09/2009 | FRANCE | N°330309

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 septembre 2009, 330309


Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2009, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 septembre 2009, présentés pour M. Jérôme A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins du 8 juillet 2009, ensemble de la décision du 7 avril 2009 du conseil régional d'Ile-de-France, prononçant sa radiation du tableau de l'or

dre des médecins de la ville de Paris ;

2°) de mettre à la charge du conse...

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2009, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 septembre 2009, présentés pour M. Jérôme A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins du 8 juillet 2009, ensemble de la décision du 7 avril 2009 du conseil régional d'Ile-de-France, prononçant sa radiation du tableau de l'ordre des médecins de la ville de Paris ;

2°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il y a urgence dès lors que la décision contestée lui interdit l'exercice de son activité professionnelle et le prive de tout revenu ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que celle-ci méconnaît les dispositions du code de la santé publique dès lors qu'elle émane de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins ; que le Conseil national de l'ordre des médecins ne peut statuer sur les recours hiérarchiques formés contre les décisions des conseils régionaux dans une formation différente de celle prévue à l'article L. 4131-1 de ce code qui ne précise pas si le conseiller d'état assistant le Conseil national de l'ordre des médecin n'a eu qu'une voie consultative, conformément aux dispositions de l'article L. 4122-1-1 du code de la santé publique ; qu'elle a été rendue par une autorité incompétente et au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle aurait dû être rendue au terme d'une procédure juridictionnelle disciplinaire ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2009, présenté par le Conseil national de l'ordre des médecins, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la demande de suspension de l'exécution de la décision du 7 avril 2009 par laquelle le conseil régional d'Ile-de-France l'a radié du tableau de l'ordre des médecins de la ville de Paris est irrecevable dès lors qu'aux termes de l'article L. 4124-11 du code de la santé publique, la décision du Conseil national de l'ordre des médecins du 8 juillet 2009 s'est substituée à cette décision ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 4122-1-1 du code de la santé publique que le conseiller d'Etat siégeant au sein de la formation restreinte dispose d'une voix délibérative ; que la combinaison des articles L. 4122-3 II et L. 4122-1-1 dudit code n'implique pas que seul un conseiller d'Etat en exercice puisse siéger au sein d'une formation non disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins ; qu'il n'y a pas eu de détournement de procédure dès lors que la radiation de M. A pouvait indifféremment être prononcée au terme d'une procédure administrative ou au terme d'une procédure disciplinaire ; que la décision contestée ne résulte pas d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le manque de moralité de M. A est établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 septembre 2009 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Thouin-Palat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A;

- Me Barthélemy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins en date du 7 avril 2009 :

Considérant que la décision du 8 juillet 2009, par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, saisi par M. A d'un recours hiérarchique contre la décision du conseil régional d'Ile-de-France en date du 7 avril 2009 prononçant sa radiation du tableau de l'ordre, a rejeté ce recours, s'est entièrement substituée à cette décision ; que dès lors les conclusions de M. A tendant à la suspension de la décision du conseil régional sont dépourvues d'objet et ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du Conseil national de l'ordre des médecins en date du 8 juillet 2009 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, docteur en médecine qualifié spécialiste en chirurgie générale, a été inscrit au tableau de l'ordre des médecins de la ville de Paris en septembre 1999 après avoir exercé son activité pendant plusieurs années en Guadeloupe ; qu'en mars 2006, il a demandé et obtenu son inscription à l'ordre des médecins d'Irlande, en produisant à l'appui de sa demande une attestation du conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris certifiant qu'il n'avait jamais subi de sanction ou de condamnation susceptibles d'avoir des conséquences sur son inscription au tableau de l'ordre ; qu'informé toutefois de ce que M. A avait fait l'objet en 2005 d'une mesure d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux du 1e janvier au 31 décembre 2006 qu'il n'avait pas spontanément déclarée, l'ordre des médecins d'Irlande a estimé que M. A avait fait preuve d'un manque de moralité à son égard et a prononcé sa radiation du tableau de l'ordre ; que cette radiation a été confirmée par une décision de la Haute Cour d'Irlande en date du 10 septembre 2008 ; que l'ordre des médecins d'Irlande en a informé le conseil départemental de la ville de Paris, en application des dispositions de l'article 56/2 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ; que le conseil départemental a alors prononcé le retrait de l'inscription de M. A au tableau de l'ordre ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 4111-1 et suivants du code de la santé publique, il appartient au conseil départemental de l'ordre des médecins de tenir à jour le tableau de l'ordre et de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de circonstances postérieures à leur inscription, auraient cessé de remplir les conditions requises pour y figurer ; que toutefois le moyen tiré à la fois de ce que le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, informé de la sanction prise par l'ordre des médecins d'Irlande, était tenu de procéder à son tour à la radiation de M. A du tableau de l'ordre en France, et qu'il lui était, pour ce faire, possible de recourir, eu égard à la nature du manquement reproché à l'intéressé et à l'ensemble des circonstances de l'espèce, non à la procédure disciplinaire, mais à une procédure administrative de retrait de l'inscription, est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant que l'exécution de la décision contestée interdit à M. A l'exercice de son activité en France, où il est installé ; qu'en l'absence de tout risque allégué pour la santé publique, la condition d'urgence doit dès lors être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de prononcer la suspension de l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins en date du 8 juillet 2009 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins le versement à M. A de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins sur le même fondement doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins en date du 8 juillet 2009 confirmant la radiation du tableau de l'ordre des médecins de M. A est suspendue.

Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des médecins versera à M. A la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jérôme A et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 sep. 2009, n° 330309
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bélaval
Rapporteur ?: M. Philippe Bélaval
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 24/09/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 330309
Numéro NOR : CETATEXT000021191538 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-09-24;330309 ?
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