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25/09/2009 | FRANCE | N°301909

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 septembre 2009, 301909


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph Toussaint A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, en premier lieu, a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 2 août 2004 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande tendant à l'annulation du titre de perception d'un montant de 143 452,06 euros du directeur d

épartemental de la Corse du Sud, représentant les frais de démolitio...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph Toussaint A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, en premier lieu, a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 2 août 2004 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande tendant à l'annulation du titre de perception d'un montant de 143 452,06 euros du directeur départemental de la Corse du Sud, représentant les frais de démolition d'office par l'Etat de constructions édifiées sur le domaine public maritime et, d'autre part, à l'annulation de ce titre, en second lieu, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à l'exécution de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le titre de perception ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, notamment son article 81 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A occupe sans titre, depuis le 1er août 1987, une parcelle du domaine public maritime au lieu-dit Ghiatone à Pietrosella (Corse du Sud), sur laquelle il a édifié une cale de halage, un débarcadère et un muret ; qu'il n'a pas remis les lieux en leur état primitif ainsi qu'il y avait été condamné par jugement du 25 janvier 1991 du tribunal administratif de Bastia auquel le préfet de la Corse du Sud avait déféré le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé à l'encontre de l'intéressé ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 novembre 1995 ; que, par ordonnance du 1er mars 1999, le premier conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia, saisi par le préfet sur le fondement de l'article R. 130 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, a ordonné à M. A de remettre les lieux en leur état primitif dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette ordonnance sous une astreinte, passé ce délai, de 5 000 F par jour de retard et a autorisé le préfet à faire exécuter d'office les travaux nécessaires si l'intéressé n'y procédait pas dans le délai lui ayant été imparti ; qu'à la suite d'une mise en demeure restée vaine, le préfet de la Corse du Sud a, par une Décision n° 99-0314 d'exécution d'office d'une décision de justice en date du 23 février 1999, prise au visa du jugement du 25 janvier 1991 du tribunal administratif, ordonné la démolition d'office des constructions érigées sur le domaine public maritime ; que les travaux entrepris avec les moyens de l'Etat n'ont pu être conduits à leur terme en raison de la nécessité de recourir à des moyens spécialisés ; que le préfet a alors confié à la société Cardem le soin d'achever la démolition des ouvrages, laquelle a eu lieu entre avril et juillet 2001 ; que M. A a contesté le titre de perception d'un montant de 143 452 euros rendu exécutoire le 16 octobre 2002 par le directeur départemental de l'équipement de la Corse du Sud et émis aux fins de recouvrement des frais correspondant aux travaux de démolition exécutés par cette société ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 août 2004 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande d'annulation de ce titre de perception ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique, tout ordre de recettes émis pour le recouvrement des créances de l'Etat doit indiquer les bases de la liquidation ; qu'en vertu de ces dispositions, l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur ; que la seule référence dans un titre de perception à l'intitulé d'un litige et d'une décision administrative ne peut constituer l'indication des bases de liquidation d'une créance au sens de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 précité si aucun document explicitant le contenu de ces mentions n'est joint à ce titre ou n'a été porté antérieurement à la connaissance du débiteur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le titre de perception notifié à M. A mentionnait les références à l'Affaire Cardem-A Jean Toussaint et à la décision préfectorale précitée du 23 février 1999 ; que la cour ne pouvait, après avoir souverainement relevé que ce titre comportait ces mentions, en déduire qu'il indiquait ainsi les bases de la liquidation de cette créance sans rechercher si un document explicitant le contenu de ces mentions était joint à ce titre ou avait été antérieurement adressé au débiteur ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que, devant le tribunal administratif, M. A n'a contesté que le bien-fondé de la créance de l'Etat ; que le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de la violation des dispositions de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 relatives aux mentions que doivent comporter les titres de recettes, repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens de première instance et a ainsi le caractère d'une demande nouvelle qui n'est pas recevable en appel ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions de l'article 23 du décret du 29 décembre 1962 précité, la créance a été liquidée avant sa mise en recouvrement ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de liquidation préalable de cette créance manque en fait ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la somme pour laquelle M. A est recherché en paiement correspond au coût, dont l'administration justifie, des travaux de démolition confiés à la société Cardem en 2001 et qui ont été exécutés après l'expiration du délai imparti à l'intéressé pour démolir les ouvrages par l'ordonnance du 1er mars 1999 précitée ; que cette démolition, effectuée en exécution de cette décision de justice, devant nécessairement intervenir aux frais du propriétaire, le titre de perception émis par l'administration n'est pas entaché de défaut de base légale ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les mentions portées sur le titre et faisant état de ce qu'il avait été émis au vu de la décision du préfet, antérieure à l'expiration du délai fixé par cette ordonnance, ne constituaient pas la base légale du titre de recette mais que celle-ci résidait dans l'ordonnance du 1er mars 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 22 décembre 2006 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Marseille et le surplus de ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph Toussaint A et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301909
Date de la décision : 25/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - CRÉANCES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - RECOUVREMENT - PROCÉDURE - ÉTAT EXÉCUTOIRE - MOTIVATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - ERREUR DE DROIT [RJ1].

18-03-02-01-01 Le juge de cassation contrôle au titre de l'erreur de droit les catégories d'informations qui doivent figurer dans un titre exécutoire. Ainsi, s'agissant d'un titre soumis aux dispositions de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, qui impose que tout ordre de recettes émis pour le recouvrement des créances de l'Etat doit indiquer les bases de la liquidation, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant, après avoir souverainement relevé que ce titre mentionnait l'intitulé d'un litige et d'une décision administrative, qu'il indiquait les bases de la liquidation de la créance, sans rechercher si un document explicitant le contenu de ces mentions était joint à ce titre ou avait été antérieurement adressé au débiteur.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - CRÉANCES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - NATURE - CRÉANCES DOMANIALES - CRÉANCE CORRESPONDANT AU COÛT DE DÉMOLITION D'UNE CONSTRUCTION ÉDIFIÉE IRRÉGULIÈREMENT SUR LE DOMAINE PUBLIC - EXCLUSION (SOL - IMPL - ).

18-03-03 Une créance correspondant au coût de travaux de démolition d'une construction édifiée irrégulièrement sur le domaine public, qui a été exécutée d'office à la suite de poursuites pour contravention de grande voirie ayant abouti à une condamnation, ne constitue pas une créance domaniale et relève ainsi du champ d'application de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - POURSUITES - CONDAMNATIONS - REMISE EN ÉTAT DU DOMAINE - DÉMOLITION D'OFFICE D'UNE CONSTRUCTION ÉDIFIÉE IRRÉGULIÈREMENT SUR LE DOMAINE PUBLIC - CRÉANCE CORRESPONDANT AU COÛT DE L'OPÉRATION - CRÉANCE DOMANIALE - ABSENCE (SOL - IMPL - ).

24-01-03-01-04-02-02 Une créance correspondant au coût de travaux de démolition d'une construction édifiée irrégulièrement sur le domaine public, qui a été exécutée d'office à la suite de poursuites pour contravention de grande voirie ayant abouti à une condamnation, ne constitue pas une créance domaniale et relève ainsi du champ d'application de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - ERREUR DE DROIT - MOTIVATION D'UN TITRE EXÉCUTOIRE [RJ1].

54-08-02-02-01-01 Le juge de cassation contrôle au titre de l'erreur de droit les catégories d'informations qui doivent figurer dans un titre exécutoire. Ainsi, s'agissant d'un titre soumis aux dispositions de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, qui impose que tout ordre de recettes émis pour le recouvrement des créances de l'Etat doit indiquer les bases de la liquidation, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit en jugeant, après avoir souverainement relevé que ce titre mentionnait l'intitulé d'un litige et d'une décision administrative, qu'il indiquait les bases de la liquidation de la créance, sans rechercher si un document explicitant le contenu de ces mentions était joint à ce titre ou avait été antérieurement adressé au débiteur.


Références :

[RJ1]

Cf., dans le cas d'une notification de redressements, 12 mai 1997, Quiquandon, n° 143812, aux Tables sur un autre point, RJF 7/97 n° 717.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2009, n° 301909
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : BLONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:301909.20090925
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