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25/09/2009 | FRANCE | N°307326

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 25 septembre 2009, 307326


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 11 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DIRLAND, dont le siège est 12, avenue de Verdun à Saint-Dizier (52100), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE DIRLAND demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, après avoir donné acte à la société du désistement de son appel in

cident, a annulé l'article 2 du jugement du 8 juin 2004 du tribunal admin...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 11 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DIRLAND, dont le siège est 12, avenue de Verdun à Saint-Dizier (52100), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE DIRLAND demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, après avoir donné acte à la société du désistement de son appel incident, a annulé l'article 2 du jugement du 8 juin 2004 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne condamnant l'Etat à lui verser des intérêts moratoires sur le montant de la taxe sur les postes émetteurs récepteurs dits postes CB mise à sa charge pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE DIRLAND,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE DIRLAND ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 2 juillet 1999 la SOCIETE DIRLAND a obtenu, au titre des années 1993 à 1999, le dégrèvement de la taxe prévue à l'article 302 bis X du code général des impôts alors applicable, relative aux postes émetteurs récepteurs fonctionnant sur des canaux banalisés dits postes CB, que la Cour de justice des Communautés européennes a, par une décision du 22 avril 1999, jugée contraire au traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle a demandé à l'administration le versement des intérêts moratoires et des intérêts des intérêts sur les montants dégrevés ; que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, saisi du rejet de sa réclamation, a, par un jugement du 8 juin 2004, après avoir constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions relatives aux années 1995 à 1999, condamné l'Etat à verser les intérêts moratoires et les intérêts sur les intérêts pour les années 1993 et 1994 ; que, statuant sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt du 29 mars 2007, contre lequel la SOCIETE DIRLAND se pourvoit en cassation, après avoir donné acte à la société du désistement de son recours incident, a annulé l'article 2 du jugement qui faisait droit au surplus des conclusions de la société et a rejeté la demande en tant qu'elle portait sur les intérêts moratoires au titre des années 1993 et 1994 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés" ; qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 190 du même livre dans sa rédaction applicable à la présente espèce : "Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu" ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales qu'à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsqu'ils sont accordés à la demande de celui-ci ; que, dès lors, après avoir relevé par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation que la SOCIETE DIRLAND n'avait pas justifié l'existence d'une réclamation contentieuse régulière antérieure à 1999, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la réclamation introduite par la SOCIETE DIRLAND le 21 mai 1999, à la suite de l'arrêt du 22 avril 1999 de la Cour de justice des Communautés européennes, n'était recevable sur le fondement des dispositions de l'article L. 190 précité qu'en tant qu'elle portait sur les quatre années antérieures à cette réclamation et qu'à défaut de réclamation contentieuse régulièrement introduite après l'intervention de la décision de la Cour de justice au titre des années 1993 et 1994, les dégrèvements obtenus pour ces années présentaient le caractère de dégrèvements d'office qui n'étaient pas de nature à ouvrir droit au paiement des intérêts moratoires ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales que la décision de payer les intérêts moratoires appartient au comptable et qu'en conséquence la mention des intérêts sur une décision de dégrèvement émanant du directeur des services fiscaux doit être regardée comme une information destinée au comptable ; que, dès lors, après avoir relevé que l'administration avait mentionné les intérêts moratoires sur toutes les décisions de dégrèvement, qu'elles aient été prises à titre gracieux ou contentieux, et qu'elle avait dégrevé d'office la taxe mise à la charge de la société pour les années 1993 et 1994, alors qu'elle n'y était tenue par aucun texte, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les mentions erronées "intérêts moratoires : oui" portées sur les avis de dégrèvement pour les deux années en cause n'avaient ni pour objet ni pour effet d'allouer ces intérêts et ne constituaient pas des décisions créatrices de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 1153 du code civil, en vertu desquelles celui qui est tenu de restituer une somme indûment reçue doit les intérêts de cette somme à compter du jour de la sommation de payer, s'appliquent, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent ; qu'après avoir relevé que l'Etat n'était pas tenu en l'absence de toute décision créatrice de droit quant au versement des intérêts moratoires, de verser ces intérêts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant l'application des dispositions de l'article 1153 du code civil ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que les droits que la société tire des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'avaient pas été méconnus dès lors que l'administration a procédé, s'agissant des années 1993 et 1994, à un dégrèvement gracieux n'ouvrant pas droit aux intérêts moratoires, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SOCIETE DIRLAND doit être rejeté ; qu'en conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE DIRLAND est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DIRLAND et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 307326
Date de la décision : 25/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION - ACTES INDIVIDUELS OU COLLECTIFS - ACTES NON CRÉATEURS DE DROITS - AVIS DE DÉGRÈVEMENT MENTIONNANT LES INTÉRÊTS MORATOIRES PRÉVUS À L'ARTICLE L - 208 DU LPF - INFORMATION DESTINÉE AU COMPTABLE.

01-01-06-02-02 Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsqu'ils sont accordés à la demande de celui-ci. Il résulte également de ces dispositions que la décision de payer les intérêts moratoires appartient au comptable et qu'en conséquence, la mention des intérêts sur une décision de dégrèvement émanant du directeur des services fiscaux doit être regardée comme une information destinée au comptable. Dès lors, les mentions intérêts moratoires : oui portées sur des avis de dégrèvement, relatifs à la taxe sur les postes émetteurs-récepteurs CB établie au titre de deux années pour lesquelles la réclamation du contribuable n'était pas recevable, n'avaient ni pour objet ni pour effet d'allouer ces intérêts et ne constituaient pas des décisions créatrices de droit.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - REMBOURSEMENT - DROIT AUX INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - CONDITION - PRÉSENTATION D'UNE RÉCLAMATION RÉGULIÈRE [RJ1] - CONDITION NON SATISFAITE EN L'ESPÈCE - AVIS DE DÉGRÈVEMENT MENTIONNANT NÉANMOINS CES INTÉRÊTS - ACTE CRÉATEUR DE DROITS - ABSENCE - INFORMATION DESTINÉE AU COMPTABLE.

19-01-06 Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'à défaut de réclamation régulière de la part du contribuable, l'administration n'est pas tenue de verser des intérêts moratoires sur les dégrèvements qu'elle a prononcés, même lorsqu'ils sont accordés à la demande de celui-ci. Il résulte également de ces dispositions que la décision de payer les intérêts moratoires appartient au comptable et qu'en conséquence, la mention des intérêts sur une décision de dégrèvement émanant du directeur des services fiscaux doit être regardée comme une information destinée au comptable. Dès lors, les mentions intérêts moratoires : oui portées sur des avis de dégrèvement, relatifs à la taxe sur les postes émetteurs-récepteurs CB établie au titre de deux années pour lesquelles la réclamation du contribuable n'était pas recevable, n'avaient ni pour objet ni pour effet d'allouer ces intérêts et ne constituaient pas des décisions créatrices de droit.


Références :

[RJ1]

Cf. 27 juillet 2009, SA General Electric Capital Fleet Services, n° 297474, à mentionner aux Tables, ci-dessus.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2009, n° 307326
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:307326.20090925
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