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14/10/2009 | FRANCE | N°300608

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 14 octobre 2009, 300608


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS (Haute-Savoie), représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Grenoble en tant, d'une part, qu'il a annulé les décisions du maire de la COMMUNE DE

SAINT-JEAN D'AULPS rejetant implicitement les demandes présentées le...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS (Haute-Savoie), représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Grenoble en tant, d'une part, qu'il a annulé les décisions du maire de la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS rejetant implicitement les demandes présentées les 18 février 2000 et 8 octobre 2001 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble relais de la Terche et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble domaine des Cimes tendant à l'abrogation de l'article 15 du règlement du service d'eau potable de la commune, et, d'autre part, qu'il lui a enjoint d'abroger dans un délai de quatre mois l'article 15 du règlement précité ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble relais de la Terche et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble domaine des Cimes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat de la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Hass, avocat de la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 14 juin 1994, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS a fixé une tarification du service de l'eau potable comprenant, d'une part, un abonnement de 300 francs hors taxe par unité d'habitation et d'autre part, un tarif hors taxe par mètre cube d'eau prélevé s'élevant à 4 francs jusqu'à 30 mètres cubes, à 1 franc de 30 à 500 mètres cubes et à 4 francs au-delà de cette limite ; que, les 18 février 2000 et 8 octobre 2001, les syndicats des copropriétaires de l'immeuble relais de la Terche et des copropriétaires de l'immeuble le domaine des Cimes ont demandé au maire de la commune d'abroger les dispositions de l'article 15 du règlement du service d'eau potable de la commune reprenant les tarifications instituées par la délibération mentionnée ci-dessus ; que, par un arrêt du 9 novembre 2006, contre lequel la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel que la commune a interjeté du jugement du 4 juillet 2002 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions implicites du maire refusant de faire droit à ces demandes et lui a enjoint d'abroger l'article 15 du règlement du service d'eau potable de la commune ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 : Dans le délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toute facture d'eau comprendra un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné à un service de distribution d'eau et pourra, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume, compte tenu des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement... ;

Considérant que ces dispositions n'obligent pas les assemblées délibérantes des collectivités publiques ou établissements publics dont relève le service d'eau à instituer un tarif uniforme par mètre cube prélevé ; qu'elles peuvent légalement instituer un tarif dégressif ou progressif, en fonction de tranches de consommation ; que l'instauration de tels tarifs différenciés, dès lors qu'ils s'appliquent sans distinction à tous les abonnés, n'a pas, par elle-même, pour effet de créer des catégories d'usagers définies par des volumes d'eau consommés différents ; que, par suite, c'est au prix d'une erreur de droit que la cour administrative d'appel a jugé, pour confirmer le jugement du tribunal administratif annulant les refus du maire de Saint-Jean d'Aulps d'abroger l'article du règlement de l'eau litigieux, que, du seul fait qu'il prévoyait un tarif comportant différentes tranches en fonction du volume d'eau consommé, cet article avait pour effet de distinguer différentes catégories d'usagers et en a déduit qu'il instaurait, entre ces catégories, une différenciation illégale ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête présentée par la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS en appel ;

Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que, dès lors qu'il prévoyait un tarif comportant différentes tranches en fonction du volume d'eau consommé, l'article du règlement du service d'eau potable litigieux avait pour effet de distinguer différentes catégories d'usagers et qu'il instaurait, entre ces catégories, une différenciation illégale ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les syndicats devant le tribunal administratif ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune ;

Considérant en premier lieu que les syndicats soutiennent que le tarif litigieux méconnaît le principe d'égalité en ce qu'il conduit à appliquer aux abonnés dont la consommation regroupe celles de plusieurs unités d'habitation un prix au mètre cube d'eau consommé plus élevé que celui qui est appliqué aux autres abonnés et qu'il a ainsi pour effet de créer une discrimination au détriment des habitants des immeubles collectifs ;

Considérant, il est vrai, qu'à la date des décisions attaquées, c'est-à-dire avant l'intervention de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui prévoit en son article 93 que, saisi d'une demande du propriétaire, tout service public de distribution d'eau est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs à usage principal d'habitation, et celle du décret du 28 avril 2003 pris pour son application, certains abonnés au service public de l'eau pouvaient se trouver dans une situation particulière, en raison du fait que leur consommation regroupait celle de plusieurs unités d'habitation, sans qu'ils soient nécessairement en mesure, faute de disposition contraignante en ce sens dans la loi ou dans le règlement du service d'eau potable de la commune, de faire procéder à l'individualisation des contrats en question par le service public de distribution d'eau ;

Considérant toutefois que le principe d'égalité n'implique pas que des abonnés à un service public se trouvant dans des situations différentes soient soumis à des tarifs différents ; que ni la loi du 3 janvier 1992 ni aucune autre disposition n'imposaient que fussent arrêtées des dispositions spécifiques permettant, en tenant compte des caractéristiques particulières des abonnés dont la consommation regroupe celles de plusieurs unités d'habitation, d'éviter que les occupants de celles-ci ne supportent des tarifs plus élevés ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, si les syndicats soutiennent que le tarif litigieux n'est pas légalement justifié, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne trouverait pas sa contrepartie directe dans le service rendu aux usagers ;

Considérant, en troisième lieu, qu'au nombre des caractéristiques du branchement compte tenu desquelles le II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 prévoit que la partie fixe peut être établie, figure, dans le cas des immeubles d'habitation collectifs disposant d'un compteur unique, le nombre de logements desservis ; que par suite, le moyen tiré de ce que le tarif fixé par l'article 15 du règlement du service d'eau potable de la commune, qui prévoit un abonnement de 300 francs HT. par unité d'habitation indépendamment du fait que ces unités disposent ou non d'un compteur, serait, pour ce motif, illégal ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions implicites de rejet nées du silence de son maire sur les demandes respectivement présentées les 18 février 2000 et 8 octobre 2001 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble relais de la Terche et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble domaine des Cimes tendant à l'abrogation de l'article 15 du règlement du service d'eau potable de la commune, et lui a enjoint d'abroger cet article ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes demandés par les syndicats au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 novembre 2006 de la cour administrative d'appel de Lyon et le jugement du 4 juillet 2002 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par les syndicats des copropriétaires des immeubles le domaine des Cimes et relais de la Terche devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS et par les syndicats des copropriétaires des immeubles le domaine des Cimes et relais de la Terche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-JEAN D'AULPS et aux syndicats des copropriétaires des immeubles le domaine des Cimes et relais de la Terche .

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 300608
Date de la décision : 14/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-04 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMUNE. ATTRIBUTIONS. SERVICES COMMUNAUX. EAU. - DÉLIBÉRATION D'UNE COMMUNE FIXANT LE TARIF DE L'EAU - 1) APPRÉCIATION DU RESPECT DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE USAGERS - ASSIMILATION, EN MATIÈRE TARIFAIRE, DE L'USAGER À L'ABONNÉ (ART. 13, II DE LA LOI DU 3 JANVIER 1992) [RJ1] - 2) ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DE LA SITUATION PARTICULIÈRE DES ABONNÉS COLLECTIFS - LÉGALITÉ - EXISTENCE.

135-02-03-03-04 Délibération d'une commune fixant les tarifs du service public de fourniture de l'eau potable. 1) Pour apprécier le respect du principe d'égalité entre usagers en matière tarifaire, il convient, compte tenu des termes du II de l'article 13 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, alors en vigueur, relatif aux modalités de facturation de ce service, de regarder comme usagers du service public de l'eau les seuls abonnés, qu'ils soient collectifs ou individuels, et non les bénéficiaires finals du service. 2) Ni le principe d'égalité ni aucune disposition n'imposait, avant l'intervention de l'article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, qui pose le principe de l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs à usage principal d'habitation, que fussent arrêtées des dispositions spécifiques permettant, en tenant compte des caractéristiques particulières des abonnés dont la consommation regroupe celles de plusieurs unités d'habitation, d'éviter que les occupants de celles-ci ne supportent des tarifs plus élevés.


Références :

[RJ1]

Rappr., jugeant légal un tarif dégressif puis progressif en fonction des tranches de consommation, 25 juin 2003, Commune des Contamines Montjoie, n° 237305, T. p. 789.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2009, n° 300608
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:300608.20091014
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