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16/10/2009 | FRANCE | N°332014

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 octobre 2009, 332014


Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Samson Jolly Yemalin A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 8 juillet par laquelle le consul de France à Cotonou (Bénin) lui a refusé la délivrance d'un visa long séjour en qualité d'étudiant ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sans délai sa situation aux

fins de délivrance dudit visa, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de l...

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Samson Jolly Yemalin A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 8 juillet par laquelle le consul de France à Cotonou (Bénin) lui a refusé la délivrance d'un visa long séjour en qualité d'étudiant ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sans délai sa situation aux fins de délivrance dudit visa, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles ;

il soutient que l'urgence est caractérisée, dès lors qu'il a été accepté à l'école française supérieure des opticiens à Reims, dont la rentrée se tenait au mois de septembre ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en premier lieu, il ne lui a pas été délivré de récépissé de demande de visa, en méconnaissance de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en second lieu, il présente un projet professionnel sérieux, et il bénéficie des ressources financières suffisantes pour étudier en France ; qu'en troisième lieu, il n'existe aucun risque de détournement de l'objet du visa, dès lors que son objectif est de vivre au Bénin, où il pourra faire bénéficier la population des compétences acquises en France ;

Vu le recours formé le 9 septembre 2009 par M. A devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors que, le requérant s'étant investi depuis un an dans des études de troisième cycle au Bénin, la décision contestée ne porte pas une atteinte grave et immédiate à sa situation ; qu'en outre, le moyen tiré du vice de forme doit être écarté dès lors que la non délivrance du récépissé de demande de visa est sans conséquence sur la légalité de la décision contestée ; qu'au surplus, le requérant ne justifie pas d'un projet d'études sérieux, eu égard aux résultats précédemment obtenus et au caractère vague de son projet professionnel ; qu'enfin, en raison de la nature du visa sollicité, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant est inopérant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 octobre, présenté par M. Samson A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que, contrairement à ce que considère le ministre, il n'a pas été remis au requérant de quittance valant récépissé de demande de visa ; que le consul a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant son projet d'étude comme dépourvu de sérieux ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 octobre, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de son mémoire, et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 15 octobre 2009 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Coutard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. B, père adoptif de M. A ;

- la représentante de M. A ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Samson A, ressortissant béninois né le 27 juillet 1989, a obtenu au Bénin son baccalauréat en 2008 ; que, souhaitant depuis plusieurs années suivre une formation d'opticien lunetier, il a été admis à l'école française supérieure des opticiens à Reims, où réside son père adoptif, afin d'y suivre une formation en deux ans ; que le visa qu'il a sollicité pour venir suivre ces études en France lui a toutefois été refusé par la décision dont il demande la suspension ;

Considérant, en premier lieu, que, si les autorités consulaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour se prononcer sur les demandes de visa dont elles sont saisies et si, lorsqu'un visa est sollicité pour suivre des études en France, il leur appartient d'apprécier le sérieux du projet universitaire et professionnel de l'intéressé au regard notamment de son âge, des diplômes dont il est déjà titulaire, il leur incombe de prendre en considération l'ensemble des éléments particuliers du dossier qui leur est soumis ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la capacité de M. A à suivre dans de bonnes conditions les études qu'il souhaite entreprendre est attesté par les nombreuses pièces versées au dossier, et notamment ses relevés de notes ; que le projet d'études du requérant, qui souhaite suivre un brevet de technicien supérieur d'opticien lunetier afin d'ouvrir une boutique au Bénin, paraît, en l'état de l'instruction, solidement étayé ; qu'en particulier, le jeune Samson A est fortement encouragé dans cette voie par son père adoptif, ressortissant français, qui suit son parcours depuis de nombreuses années et qui l'a guidé dans ses choix d'orientations universitaires et professionnelles ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que les autorités consulaires auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet d'études dont le requérant se prévalait ne pouvait être regardé comme suffisamment sérieux pour qu'un visa étudiant lui soit délivré est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus dont la suspension est demandée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à la proximité du commencement des cours que le requérant souhaite pouvoir suivre, la condition d'urgence est, en l'espèce, remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de suspension présentées par M. A doivent être accueillies ; qu'il convient, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa présentée par l'intéressé au regard des motifs de la présente ordonnance et dans un délai de quinze jours à compter de la notification de celle-ci, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du 8 juillet 2009, par laquelle le consul général de France à Cotonou a refusé de délivrer à M. A un visa d'entrée en France pour suivre des études est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa présentée par M. Samson A au regard des motifs de la présente ordonnance dans un délai de quinze jours à compter de la notification de celle-ci.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Samson Jolly Yemalin A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 oct. 2009, n° 332014
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Aguila
Rapporteur ?: M. Yann JR Aguila
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 16/10/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 332014
Numéro NOR : CETATEXT000021191614 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-10-16;332014 ?
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