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23/10/2009 | FRANCE | N°322327

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 23 octobre 2009, 322327


Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Robert A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 11 septembre 2008 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe et de ses aménagements connexes, entre les communes de Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord) et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans diverses communes de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord,

en ce qu'il déclare d'utilité publique le contournement de la ville d...

Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Robert A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 11 septembre 2008 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation du canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe et de ses aménagements connexes, entre les communes de Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord) et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans diverses communes de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, en ce qu'il déclare d'utilité publique le contournement de la ville de Péronne (Nord) à l'Ouest de l'actuel canal du Nord et en ce qu'il déclare urgents les travaux nécessaires à la réalisation d'un canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;

Sur la légalité externe :

Considérant, d'une part, que si les articles L. 4221-3 et L. 4241-1 du code général des collectivités territoriales disposent respectivement que : Le conseil régional délibère en vue d'émettre des avis sur les problèmes de développement et d'aménagement de la région au sujet desquels il est obligatoirement consulté et que : Préalablement à leur examen par le conseil régional, le conseil économique et social régional est obligatoirement saisi pour avis des documents relatifs : (...) 4° Aux orientations générales dans les domaines sur lesquels le conseil régional est appelé à délibérer en application des lois reconnaissant une compétence aux régions, ainsi qu'aux schémas et aux programmes prévus par ces lois et au bilan des actions menées dans ces domaines , la déclaration d'utilité publique d'un canal à grand gabarit reliant les bassins de la Seine et du Nord-Pas de Calais, bien qu'ayant des incidences régionales, n'a pas le caractère d'un problème de développement ou d'aménagement régional au sens des dispositions précitées sur lequel les conseils régionaux et les conseils économiques et sociaux régionaux des régions Picardie, Nord, Haute-Normandie et Ile-de-France auraient dû être consultés ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement que les travaux et projets d'aménagement entrepris par une collectivité publique doivent respecter les préoccupations d'environnement et que les études préalables à la réalisation de ceux qui, par l'importance de leurs dimensions ou par leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences ; que l'article L. 414-4 de ce même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose : I.- Les programmes ou projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement soumis à un régime d'autorisation ou d'approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site [...] II.- L'autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s'il résulte de l'évaluation que sa réalisation porte atteinte à l'état de conservation du site. III.- Toutefois, lorsqu'il n'existe pas d'autre solution que la réalisation d'un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l'état de conservation du site, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge du bénéficiaire des travaux, de l'ouvrage ou de l'aménagement. La Commission européenne en est tenue informée ; qu'il ressort des termes de l'étude d'impact que l'enquête a porté sur le même projet que la déclaration d'utilité publique et que l'intégralité des analyses a été mise à la disposition du public ; que la richesse de la faune et de la flore de la vallée de la Somme est précisément étudiée de même que sont précisément décrites les mesures de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables du projet sur les sites Natura 2000 qu'il traverse ; que doivent ainsi être écartés les moyens tirés de ce que l'étude d'impact serait insuffisante et de ce que le dossier d'enquête publique ne serait pas régulièrement établi ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la réalisation du pont-canal contournant la ville de Péronne à l'ouest de l'actuel canal du Nord s'inscrit dans le cadre de la réalisation du canal Seine-Nord Europe, qui donnera naissance à la liaison européenne à grand gabarit Seine-Escaut retenue en avril 2004 comme projet prioritaire du Réseau transeuropéen de transport par le Parlement européen et le Conseil européen ; que ce canal permettra la suppression d'un goulet d'étranglement du réseau fluvial européen à grand gabarit, l'intégration des bassins de la Seine et du Nord-Pas de Calais aux réseaux économiques fluviaux de l'Europe du nord, l'amélioration de la compétitivité des entreprises, le développement des ports maritimes concernés, la valorisation de l'aménagement du territoire ainsi que la création d'une alternative au transport routier de marchandises favorisant les économies d'énergie ; qu'une telle opération présente donc un intérêt public ; qu'il ressort des pièces du dossier que les atteintes à la propriété privée, le coût économique du projet et les atteintes portées à l'environnement ne sont pas, eu égard notamment à l'emprise minimum au sol du pont canal, au caractère limité des atteintes à l'environnement et aux mesures prises pour réduire les incidences du projet sur les milieux naturels, telles que les conditions d'assainissement du chantier, la mise en place d'un observatoire chargé, durant au moins cinq ans, de suivre la biodiversité animale et végétale et la restauration de vingt hectares de marais, de nature à ôter au projet son caractère d'utilité publique ;

Considérant que si le requérant soutient qu'un autre tracé aurait présenté moins d'inconvénients, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de procéder à une telle comparaison ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : Lorsqu'il y a urgence à prendre possession des biens expropriés, cette urgence est constatée par l'acte déclarant l'utilité publique ou par un acte postérieur de même nature ; qu'en déclarant urgents les travaux nécessaires à la réalisation du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, le gouvernement a nécessairement constaté l'urgence de la prise de possession des terrains nécessaires à leur exécution ; qu'eu égard à l'ampleur de l'opération projetée et aux délais en résultant pour la réalisation des expropriations éventuellement nécessaires, l'urgence de cette prise de possession est établie ; que, par suite, la mise en oeuvre de la procédure d'urgence est justifiée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Robert A et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Une copie en sera adressée pour information au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322327
Date de la décision : 23/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 2009, n° 322327
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Gargoullaud
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:322327.20091023
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