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27/10/2009 | FRANCE | N°307418

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 octobre 2009, 307418


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 12 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chérif A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les dégrèvements accordés par le directeur des services fiscaux, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 février 2006 du tribunal administratif de Lille rejetant s

a demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le rev...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 12 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chérif A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les dégrèvements accordés par le directeur des services fiscaux, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 février 2006 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1998 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 septembre 2009, présentée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui était associé de la SCI Ecgo et gérant de la SARL l'Impérial et de la SARL Goléa, a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 1996, 1997 et 1998 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a imposé entre les mains de M. A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des revenus distribués, d'une part, par la SARL Goléa à raison de la remise en cause de la déduction des frais de déplacement versés au requérant et, d'autre part, par la SARL l'Impérial à raison de la réintégration dans les résultats de cette société d'une partie des loyers que celle-ci avait versés à la SCI Ecgo ; que, saisi du litige né du rejet de la réclamation de M. A, le tribunal administratif de Lille a, par un jugement du 23 février 2006, rejeté sa demande ; que la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 9 mai 2007 dont M. A demande l'annulation, confirmé le jugement après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés par le directeur des services fiscaux ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur les frais de déplacement injustifiés :

Considérant que la cour, en relevant que M. A ne produisait aucun élément probant de nature à justifier le caractère professionnel des frais de déplacement remboursés par la SARL Goléa, a porté sur les faits une appréciation souveraine dont le requérant n'établit pas qu'elle serait entachée de dénaturation en se bornant à réitérer l'allégation selon laquelle les frais en litige étaient justifiés, sans appuyer cette allégation sur des éléments probants qu'il aurait produits devant les juges du fond et que ceux-ci auraient négligés ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur les loyers versés par la SARL l'Impérial à la SCI Ecgo :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant, d'une part, que la cour a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la notification de redressements du 22 décembre 1999 relative à l'année 1996 ; que M. A est fondé à soutenir que l'arrêt est irrégulier pour ce motif ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en 2000 : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... ;

Considérant que lorsque l'administration informe un contribuable qu'elle envisage de réintégrer dans son revenu imposable une somme correspondant à des loyers regardés comme excessifs, au motif qu'ils excédent la valeur locative réelle des biens loués, il lui appartient de préciser, outre l'adresse et le taux de rentabilité moyen des immeubles retenus comme termes de comparaison, la date du contrat de bail, les activités exercées, ainsi que les principales caractéristiques physiques de ces bâtiments ; qu'après avoir relevé que la notification de redressements du 22 mai 2000 relative aux années 1997 et 1998 précisait les immeubles retenus comme termes de comparaison, indiquait qu'ils étaient localisés dans la même galerie commerciale que le local litigieux et mentionnait leur surface, le loyer pratiqué et leur valeur au m², la cour a commis une erreur de droit en déduisant de ces constatations que, bien que la notification ne comportât aucune mention des activités exercées et des principales caractéristiques physiques de ces bâtiments, elle était suffisamment motivée, alors que ces lacunes étaient de nature à priver le contribuable de la possibilité de formuler ses observations de façon utile ; que, dès lors, M. A est également fondé en tant que le litige porte sur les années 1997 et 1998 à demander l'annulation de l'arrêt ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;

Considérant que, faute de comporter des indications sur les activités qui étaient exercées dans les locaux retenus comme terme de comparaison ainsi que les principales caractéristiques physiques de ces bâtiments, les notifications de redressements n'ont pas été régulièrement motivées sur le caractère excessif des loyers versés par la SARL l'Impérial à la SCI Ecgo ; que les impositions sur le revenu résultant de ce chef de redressement ont, par suite, été établies à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande sur ce point ;

Considérant que le ministre demande que ces sommes, qui ont été imposées sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, soient imposées comme des revenus fonciers en application de l'article 14 du même code ; que, par une telle conclusion, improprement qualifiée de demande de compensation, l'administration demande en réalité une substitution de base légale ; qu'il ne peut y être fait droit dès lors que la procédure d'imposition suivie pour imposer les sommes en cause est, comme il a été dit plus haut, irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif et la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 9 mai 2007 et le jugement du 23 février 2006 du tribunal administratif de Lille sont annulés en tant qu'ils statuent sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 à raison du caractère excessif des loyers versés par la SARL l'Impérial à la SCI Ecgo ainsi que sur les pénalités correspondantes.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu auquel M. A a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 sont réduites des sommes correspondant à la réintégration dans ses revenus de capitaux mobiliers de la quote-part correspondant au capital détenu par lui dans la SCI Ecgo des loyers versés à celle-ci et regardés comme excessifs.

Article 3 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996, 1997 et 1998 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Chérif A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 307418
Date de la décision : 27/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. REDRESSEMENT. NOTIFICATION DE REDRESSEMENT. MOTIVATION. - REDRESSEMENT FONDÉ SUR LA REMISE EN CAUSE DU MONTANT DE LOYERS - MENTION DE LA LOCALISATION DES TERMES DE COMPARAISON DANS LA MÊME GALERIE COMMERCIALE QUE LE LOCAL LITIGIEUX - CARACTÈRE SUFFISANT EU ÉGARD À L'EXIGENCE D'INDICATION DES ACTIVITÉS EXERCÉES ET DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DES BÂTIMENTS [RJ1] - ABSENCE.

19-01-03-02-02-01 Lorsque l'administration fiscale, pour l'établissement de l'impôt dû par un contribuable, remet en cause le montant de loyers stipulés, il lui appartient de préciser dans la notification de redressements, outre l'adresse et le taux de rentabilité moyen des immeubles retenus comme termes de comparaison, la date du contrat de bail, les activités exercées, ainsi que les principales caractéristiques physiques de ces bâtiments. Notification de redressements indiquant que les termes de comparaison sont localisés dans la même galerie commerciale que le local litigieux et mentionnant leur surface, le loyer pratiqué et leur valeur au mètre carré. Commet une erreur de droit le juge qui estime suffisamment motivée une telle notification de redressements, dès lors qu'elle ne comporte aucune mention des principales caractéristiques physiques de ces bâtiments et des activités qui y sont exercées.


Références :

[RJ1]

Cf. 2 octobre 2006, Société Geldoc Holding, n° 271057, T. p. 811.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2009, n° 307418
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:307418.20091027
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