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28/10/2009 | FRANCE | N°306708

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 28 octobre 2009, 306708


Vu, 1°), sous le n° 306708, la requête, enregistrée le 20 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE (SCA) L'ARMORIQUE MARAICHERE, dont le siège est Bel Air à Taulé (29670) ; la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2006-1714 du 22 décembre 2006 relatif aux dispositions générales applicables aux organisations de producteurs et modifiant le livre V du code rural, en tant qu'il crée 3° de l'article D. 551-2 et l'article D. 551-8-1 du code rural ;

Vu, 2°), sous le n° 3097

51, la requête, enregistrée le 1er octobre 2007 au secrétariat du conten...

Vu, 1°), sous le n° 306708, la requête, enregistrée le 20 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE (SCA) L'ARMORIQUE MARAICHERE, dont le siège est Bel Air à Taulé (29670) ; la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2006-1714 du 22 décembre 2006 relatif aux dispositions générales applicables aux organisations de producteurs et modifiant le livre V du code rural, en tant qu'il crée 3° de l'article D. 551-2 et l'article D. 551-8-1 du code rural ;

Vu, 2°), sous le n° 309751, la requête, enregistrée le 1er octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE (SCA) L'ARMORIQUE MARAICHERE, dont le siège est Bel Air à Taulé (29670) ; la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2007-509 du 3 avril 2007 du 3 avril 2007 relatif aux comités économiques agricoles dans le secteur des fruits et légumes et modifiant le livre V du code rural en tant qu'il créée les articles D. 552-18 et D. 552-20 du code rural ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le règlement du Conseil n° 2200/96 du 28 octobre 1996 ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 novembre 1986, Association comité économique agricole régional fruits et légumes de Bretagne c/ A. Le Campion ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 ;

Vu la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 ;

Vu la loi n° 98-565 du 8 juillet 1998 ;

Vu la loi n° 2001-6 du 4 janvier 2001

Vu le décret n° 81-276 du 18 mars 1981 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE L'ARMORIQUE MARAICHERE,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE L'ARMORIQUE MARAICHERE ;

Considérant que la SOCIETE CIVILE AGRICOLE L'ARMORIQUE MARAICHERE demande, sous les n°s 306708 et 309751, l'annulation de certaines dispositions du décret du 22 décembre 2006 relatif aux dispositions générales applicables aux organisations de producteurs et modifiant le livre V du code rural et du décret du 3 avril 2007 relatif aux comités économiques agricoles dans le secteur des fruits et légumes et modifiant le livre V du code rural en tant qu'elles concernent le secteur des fruits et légumes ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur le cadre juridique du litige :

Considérant que l'abrogation d'un texte ou d'une disposition ayant procédé à l'abrogation ou à la modification d'un texte ou d'une disposition antérieur n'est pas, par elle-même, de nature à faire revivre le premier texte dans sa version initiale ; qu'une telle remise en vigueur ne peut intervenir que si l'autorité compétente le prévoit expressément ; qu'il ne peut en aller autrement que, par exception, dans le cas où une disposition a pour seul objet d'abroger une disposition qui n'avait elle-même pas eu d'autre objet que d'abroger ou de modifier un texte et que la volonté de l'autorité compétente de remettre en vigueur le texte ou la disposition concerné dans sa version initiale ne fait pas de doute ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 14 de la loi du 8 août 1962, ajouté à cet article par l'article 27 de la loi du 6 octobre 1982 : Les groupements de producteurs reconnus doivent adhérer au comité économique agricole compétent dès lors que celui-ci est agréé ; que ces dispositions ont été abrogées par le 13° de l'article 8 de la loi du 8 juillet 1998 qui, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires, avait pour objet d'abroger des dispositions jugées obsolètes ou incompatibles avec le droit communautaire ; que le législateur a ainsi entendu supprimer l'obligation pour les organisations de producteurs reconnues, prévue par l'article 14 de la loi du 8 août 1962 dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 6 octobre 1982, d'adhérer au comité économique agricole agréé compétent ; que toutefois, l'article 14 de la loi du 4 janvier 2001 a eu à son tour pour seul objet de supprimer de la liste des dispositions abrogées par le 13 de l'article 8 de la loi du 8 juillet 1998 la mention de l'article 27 de la loi du 6 octobre 1982 ; qu'ainsi la volonté du législateur a été de remettre en vigueur les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 14 de la loi du 8 août 1962 ; que, par suite, ces dernières dispositions étaient en vigueur à la date d'adoption des décrets attaqués ;

Considérant que les dispositions contestées par la SCA, qui créent le 3° de l'article D. 551-2, l'article D. 551-8-1, l'article D. 552-18 et l'article D. 552-20 du code rural, ont respectivement pour objet d'exiger des organisations de producteurs que leur demande d'agrément comporte l'engagement d'abroger celles de leurs règles qui seraient en contradiction avec celles du comité économique agricole agréé pour le produit et la circonscription concernés, de leur interdire, en conséquence de leur adhésion obligatoire au comité économique agréé prévue à l'article 14 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 modifiée complémentaire à la loi d'orientation agricole , d'édicter de telles règles à l'avenir, de leur imposer, dans le secteur des fruits et légumes, l'obligation d'adresser certaines informations aux comités économiques agricoles agréés et d'imposer, dans ce même secteur, que les projets de programmes opérationnels des organisations de producteurs, prévus à l'article 15 du règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996, respectent les orientations collectives fixées au titre de leurs missions d'intérêt général par ces comités ; que de telles dispositions trouvent leur fondement légal dans l'obligation d'adhésion des organisations de producteurs reconnues au comité économique agricole agréé compétent, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est posée à l'article 14 de la loi du 8 août 1962 ;

Sur la légalité des dispositions attaquées :

Considérant qu'il résulte du droit communautaire, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, qu'en présence d'un règlement portant organisation commune des marchés dans un secteur déterminé, les Etats membres doivent s'abstenir de toute mesure unilatérale qui relève de la compétence de la Communauté, même si cette mesure est de nature à servir de soutien à la politique agricole commune ; que ce n'est que dans l'hypothèse où ce règlement ne serait pas exhaustif ou réserverait expressément aux Etats membres la faculté d'intervenir dans le secteur, que ces derniers seraient compétents pour adopter des mesures dans les domaines non régis par le règlement ou qui leur seraient réservés, et que, dans cette hypothèse, les Etats membres doivent s'abstenir d'adopter, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un organisme habilité à cet effet, toute mesure unilatérale qui serait de nature soit à déroger ou à porter atteinte à ce règlement, soit à faire obstacle au bon fonctionnement de l'organisation commune de marchés que celui-ci a instituée ;

Considérant que le règlement n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, en vigueur à la date où ont été pris les décrets attaqués, porte organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes ; qu'il prévoit notamment les conditions dans lesquelles les organisations de producteurs, constituées à l'initiative des producteurs, sont reconnues par les Etats membres ; qu'il précise également à quelles conditions et selon quelles modalités un Etat membre peut rendre obligatoires certaines des règles adoptées par une organisation ou une association d'organisations pour les producteurs établis dans sa circonscription qui n'en sont pas membres ; que, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, ainsi que le prévoit l'article L. 552-1 du code rural, des organisations de producteurs décident de se grouper pour former des comités économiques agricoles, qui constituent des associations d'organisations de producteurs, ni à ce que, comme le prévoient les articles L. 554-1 et L. 554-2 du même code, les règles que ces comités adoptent fassent l'objet, dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement précité, d'une extension qui les rend obligatoires pour des producteurs qui n'en sont pas membres, elles s'opposent en revanche à ce que, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 8 août 1962, remise en vigueur, ainsi qu'il a été ci-dessus, par la loi du 4 janvier 2001, ainsi que les dispositions litigieuses des décrets attaqués mentionnées ci-dessus, des organisations de producteurs se voient contraintes d'adhérer à un comité économique agricole et se voient ainsi automatiquement imposer des règles, hors de toute procédure d'extension conduite aux conditions et selon les modalités prévues par le règlement précité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de ses requêtes, que la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE est fondée à demander, en tant qu'elles concernent le secteur des fruits et légumes, l'annulation des dispositions attaquées qui créent le 3° de l'article D. 551-2, l'article D. 551-8-1, l'article D. 552-18, en tant qu'il impose aux organisations de producteurs du secteur des fruits et légumes la transmission d'informations aux comités économiques agréés, ainsi que l'article D. 552-20 du code rural ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 22 décembre 2006 est annulé, en ce qui concerne le secteur des fruits et légumes, en tant qu'il créé le 3° de l'article D. 551-2 et l'article D. 551-8-1 du code rural.

Article 2 : Le décret du 3 avril 2007 est annulé en tant qu'il crée l'article D. 552-18, en tant que cet article impose aux organisations de producteurs du secteur des fruits et légumes la transmission d'informations aux comités économiques agréés, et en tant qu'il crée l'article D. 552-20 du code rural.

Article 3 : L'Etat versera à la SCA L'ARMORIQUE MARAICHERE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE L'ARMORIQUE MARAICHERE, au Premier ministre, à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306708
Date de la décision : 28/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-09-02 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. DISPARITION DE L'ACTE. ABROGATION. - ACTE AYANT LUI-MÊME ABROGÉ OU MODIFIÉ UNE DISPOSITION ANTÉRIEURE - EFFETS - REMISE EN VIGUEUR DE CETTE DISPOSITION DANS SA VERSION INITIALE - ABSENCE [RJ1] - EXCEPTIONS [RJ2].

01-09-02 L'abrogation d'un texte ou d'une disposition ayant procédé à l'abrogation ou à la modification d'un texte ou d'une disposition antérieur n'est pas, par elle-même, de nature à faire revivre le premier texte dans sa version initiale. Une telle remise en vigueur ne peut intervenir que si l'autorité compétente le prévoit expressément. Il ne peut en aller autrement que, par exception, dans le cas où une disposition a pour seul objet d'abroger une disposition qui n'avait elle-même pas eu d'autre objet que d'abroger ou de modifier un texte et que la volonté de l'autorité compétente de remettre en vigueur le texte ou la disposition concerné dans sa version initiale ne fait pas de doute.


Références :

[RJ1]

Ab. jur., sur ce point, 22 juin 1962, Ministre des finances c/ Gaston, n° 55849, T. p. 874 ;

6 mars 1963, Baron, n° 56729, p. 133.,,

[RJ2]

Cf. Assemblée générale, 10 janvier 2008, avis n° 380902, EDCE 2009 p. 293.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2009, n° 306708
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:306708.20091028
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