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02/11/2009 | FRANCE | N°332889

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 novembre 2009, 332889


Vu le recours, enregistré le 20 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 095617-13 en date du 2 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné au

préfet de Maine-et-Loire d'indiquer à M. Amanuel A, demandeu...

Vu le recours, enregistré le 20 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 095617-13 en date du 2 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné au préfet de Maine-et-Loire d'indiquer à M. Amanuel A, demandeur d'asile, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance, un lieu d'hébergement susceptible de l'accueillir ;

il soutient que son recours est recevable, dès lors que, conformément aux dispositions de l'article L. 523-1 alinéa 2 du code de justice administrative, il a été déposé au Conseil d'Etat dans les quinze jours suivant la notification au préfet de Maine-et-Loire de l'ordonnance attaquée ; qu'en outre, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Nantes, la situation de M. A ne peut être regardée comme constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'en effet, en se mutilant volontairement les doigts, il a cherché à faire obstacle à l'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et a empêché le préfet de s'assurer qu'aucune demande d'asile n'était en cours d'examen sous la même identité, par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ; qu'il s'est ainsi privé de pouvoir se prévaloir de la qualité juridique de demandeur d'asile au sens de la directive du Conseil du 27 janvier 2003 et des dispositions du code de l'action sociale et des familles ; qu'ainsi le préfet était fondé, dans l'attente de la cicatrisation de ses empreintes, à ne pas lui offrir une solution d'hébergement en application des articles R. 348-1 du code de l'action sociale et des familles et à ne pas lui verser l'allocation temporaire d'attente prévue par les articles L. 5423-8 et suivants du code du travail ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistrées le 28 octobre 2009, les observations présentées par M. A, qui tendent au rejet du recours ; M. A soutient que l'article 3 de la directive CE du 27 janvier 2003 s'applique à tous les ressortissants des pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un état membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile ; que l'engagement d'une procédure de prise en charge, par un autre Etat, d'un demandeur d'asile, postérieurement à son entrée sur le territoire, est sans influence sur le droit de l'intéressé à bénéficier des conditions matérielles d'accueil décentes, tant que cette prise en charge n'est pas devenue effective ; qu'il n'existe aucune décision portant décision de refus de séjour au titre de demandeur d'asile et qu'il s'ensuit nécessairement qu'il a la qualité de demandeur d'asile au sens de la directive suscitée et qu'il peut donc bénéficier des mesures d'hébergement ainsi que l'a jugé le juge de première instance ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2006-1380 du 13 novembre 2006 relatif à l'allocation temporaire d'attente et modifiant le code du travail et le code de l'action sociale et des familles (parties réglementaires) ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 29 octobre 2009 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus les représentants du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ; qu'au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s'agissant des ressortissants étrangers, qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : " Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : ... "conditions matérielles d'accueil" : les conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière... " ; qu'aux termes de son article 13 : "...2. Les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs. ...5. Les conditions d'accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les Etats membres remplissent les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières ou de bons, l'importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. " ; qu'aux termes de l'article 14 : " modalités des conditions matérielles d'accueil :... 8. Pour les conditions matérielles d'accueil, les Etats membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : - une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise, - les conditions matérielles d'accueil prévues dans le présent article n'existent pas dans une certaine zone géographique, - les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, - le demandeur d'asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu'il ne peut quitter. /Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux. " ;

Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile qui ont demandé à bénéficier du statut de réfugié peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;

Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs sus rappelés de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, l'autorité compétente, qui sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'une privation du bénéfice de ces dispositions peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, lorsqu'elle est manifestement illégale et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile ;

Considérant, toutefois, que, d'une part, aux termes de l'article 16 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 : " Limitations ou retrait du bénéfice des conditions d'accueil. 1. Les Etats membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions d'accueil dans les cas suivants : a) lorsque le demandeur d'asile : ... ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ... 4. Les décisions portant limitation, retrait ou refus du bénéfice des conditions d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 sont prises cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 17 compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux d'urgence " ; que, d'autre part, l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France prévoit que l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée lorsque la demande d'asile " repose sur une fraude délibérée " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin, " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine ... d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées " ; qu'aux termes de l'article 4 : " Collecte, transmission et comparaison des empreintes digitales. 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'asile âgé de 14 ans au moins et transmet rapidement à l'unité centrale les données visées à l'article 5, paragraphe 1, points a) à f). La procédure de relevé des empreintes digitales est déterminée conformément à la pratique nationale de l'État membre concerné et dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la convention européenne des droits de l'homme et dans la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant " ;

Considérant que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile doit justifier de son identité, de manière à permettre aux autorités nationales de s'assurer notamment qu'il n'a pas formulé d'autres demandes ; qu'il résulte, en particulier, des dispositions du règlement du 11 décembre 2000 que les demandeurs d'asile âgés de plus de quatorze ans ont l'obligation d'accepter que leurs empreintes digitales soient relevées ; que, par suite, les autorités nationales ne portent pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en refusant de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur qui refuse de se soumettre à cette obligation ou qui, en rendant volontairement impossible l'identification de ses empreintes, les place, de manière délibérée, par son propre comportement, dans l'incapacité d'instruire sa demande ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, ressortissant érythréen, s'est présenté au guichet de la préfecture de Maine-et-Loire le 10 août 2009 pour solliciter son admission au séjour afin de déposer une demande d'asile ; qu'il est apparu qu'il avait fait en sorte que ses empreintes digitales ne puissent être exploitées ; qu'afin de permettre la reconstitution de ses empreintes, plusieurs convocations successives lui ont été remises pour le 8 septembre 2009 et le 19 octobre 2009 ; qu'à aucune de ces dates il n'a toutefois été possible d'identifier ses empreintes ; qu'il a ainsi manifestement cherché à se soustraire à l'obligation fixée par le règlement (CE) 2725/2000 du 11 décembre 2000 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce qu'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, l'autorité préfectorale n'a, dans ces conditions, pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en s'abstenant de lui délivrer, en l'état, une autorisation provisoire de séjour et en ne prenant pas, en conséquence, les mesures prévues par le code de l'action sociale et des familles en vue d'assurer sa prise en charge ; que, par suite, et dès lors qu'aucun autre moyen n'était invoqué devant le juge de première instance, le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ainsi que le rejet de la demande de l'intéressé ;

O R D O N N E :

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Article1er : L'ordonnance susvisée no 095617-13, en date du 2 octobre 2009, du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 nov. 2009, n° 332889
Inédit au recueil Lebon
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Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 02/11/2009
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 332889
Numéro NOR : CETATEXT000026856768 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-11-02;332889 ?
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