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09/11/2009 | FRANCE | N°315082

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 09 novembre 2009, 315082


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 11 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Antoine A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2005-1640 du 20 décembre 2005 autorisant la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Corse à exercer le droit de préemption pour une période de cinq ans ;<

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Vu la Constitution, notamment son ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 11 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Antoine A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2005-1640 du 20 décembre 2005 autorisant la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de Corse à exercer le droit de préemption pour une période de cinq ans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 61-610 du 14 juin 1961 ;

Vu le décret n° 2005-1640 du 20 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ;

Considérant que la requête de M. A doit être regardée comme tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'agriculture et de la pêche sur sa demande, reçue le 13 février 2008, tendant à l'abrogation du décret n° 2005-1640 du 20 décembre 2005 autorisant la SAFER de Corse à exercer le droit de préemption pour une période de cinq ans ;

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Sur la légalité externe du décret du 20 décembre 2005 :

Considérant qu'il ressort de l'extrait du Journal officiel produit par le requérant lui-même que ses moyens tirés de ce que le décret litigieux n'aurait pas été revêtu des signatures requises et qu'il n'aurait pas été publié au Journal officiel manquent en fait ;

Sur la légalité interne du décret :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 143-1 du code rural : Il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 143-7 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 143-7 du même code : Dans chaque département, lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural compétente a demandé l'attribution du droit de préemption, le préfet détermine (...) les zones où se justifie l'octroi d'un droit de préemption (...). / Dans les zones ainsi déterminées et sur demande de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural intéressée, un décret autorise l'exercice de ce droit et en fixe la durée ; que l'exercice de ce droit implique notamment, en vertu des articles L. 143-8 et L. 412-8 du même code, dont les dispositions de l'article R. 143-4 se bornent à préciser les modalités d'application, l'obligation pour le notaire chargé d'instrumenter de porter à la connaissance de la société bénéficiaire l'intention d'un propriétaire d'aliéner un immeuble auquel ce droit est susceptible de s'appliquer ;

En ce qui concerne la méconnaissance invoquée de l'article 544 du code civil et de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

Considérant que le décret du 20 décembre 2005 fait application des dispositions précitées du code rural, par lesquelles le législateur a institué une dérogation aux règles générales d'exercice du droit de propriété définies en particulier par le code civil ; que dès lors, M. A ne peut utilement soutenir que ce décret aurait méconnu les dispositions du code civil et notamment celles de son article 544 ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décret litigieux méconnaîtrait les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 protégeant le droit de propriété tend, en réalité, à exciper de la contrariété entre ces dispositions de valeur constitutionnelle et les dispositions législatives du code rural dont le décret fait application ; que, toutefois, tant que n'a pas été promulguée la loi organique portant application de l'article 61-1 de la Constitution, l'inconstitutionnalité de dispositions législatives ne peut être utilement invoquée devant le juge administratif ;

En ce qui concerne la méconnaissance invoquée de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant que le droit de préemption institué au profit des SAFER par les dispositions de l'article L. 143-1 précité du code rural est exercé dans le cadre des missions de service public qui leur sont confiées par les dispositions de l'article L. 141-1 du même code et sert les finalités d'intérêt général énumérées à son article L. 143-2 ; que M. A ne saurait, dès lors, soutenir que l'autorisation accordée à la SAFER de Corse par le décret litigieux porte par elle-même, au droit garanti par les stipulations conventionnelles précitées, une atteinte dépourvue de justification d'utilité publique ;

Considérant que M. A soutient que les mêmes stipulations seraient méconnues dans la mesure où les SAFER autorisées à exercer le droit de préemption tirent des dispositions de l'article L. 143-10 du code rural la faculté d'adresser au vendeur une offre d'achat pour un montant inférieur à celui convenu avec l'acquéreur initialement pressenti, que le vendeur est tenu d'accepter à moins de la contester devant le juge judiciaire ou de renoncer à la vente ; qu'il appartient au vendeur, s'il s'y croit fondé, de soulever ce moyen à l'appui d'une telle contestation dirigée contre une offre d'achat à un prix inférieur à celui convenu avec l'acquéreur initial ; qu'en revanche, le moyen est inopérant à l'encontre du décret litigieux, qui se borne à autoriser la SAFER à exercer le droit de préemption et ne comporte aucune disposition relative à l'application de l'article L. 143-10 du code rural ;

En ce qui concerne les autres moyens tirés de l'illégalité interne du décret :

Considérant, en premier lieu, que si l'autorisation d'exercer le droit de préemption a été accordée à la SAFER de Corse pour une période de trois ans par le décret n° 2002-1464 du 11 décembre 2002 que le décret contesté vise, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que ce dernier décret lui renouvelle cette autorisation, dont les dispositions de l'article R. 143-1 code rural exigent uniquement qu'elle ait une durée limitée, pour une période de cinq ans ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté du 16 août 1977 portant agrément de la SAFER de Corse, publié au Journal officiel du 3 septembre 1977, a pour auteurs, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 14 juin 1961 relatif aux SAFER alors en vigueur, les ministres chargés de l'agriculture et des finances ; que le moyen tiré de ce que la SAFER bénéficiaire de l'autorisation contestée n'aurait pas été agréée par l'autorité compétente manque, ainsi, en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande tendant à l'abrogation du décret du 20 décembre 2005 ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine A, au Premier ministre et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 315082
Date de la décision : 09/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2009, n° 315082
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Philippe Ranquet
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:315082.20091109
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