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13/11/2009 | FRANCE | N°332541

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 novembre 2009, 332541


Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE, dont le siège est 30 rue Pergolèse à Paris (75116) ; la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 4 août 2009 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du

budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de...

Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE, dont le siège est 30 rue Pergolèse à Paris (75116) ; la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 4 août 2009 par lequel le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et le ministre de la défense ont classé les pistolets à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2, M18 et M18L commercialisés par la société SMP Technologies TASER France en 4e catégorie, II, paragraphe 1, au titre de la législation sur les armes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'il y a urgence dès lors, d'une part, que l'arrêté contesté est à l'origine d'une perte financière importante pour la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE et, d'autre part, que celui-ci favorise ses concurrents alors même qu'ils commercialisent des armes plus dangereuses que les pistolets à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2 ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ; qu'en effet, celui-ci est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il méconnaît les dispositions de l'arrêté du 28 août 2000 portant application du a) de l'article 5 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 modifié relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions en ce que, d'une part, le président de la commission interministérielle dite de classement n'a pas communiqué le dossier à la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE quinze jours avant la réunion de ladite commission et, d'autre part, que cette absence de communication porte atteinte aux droits de la défense tels que définis à l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; qu'il est illégal au titre de l'exception d'illégalité en ce qu'il a été pris en application du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions alors même que ledit décret méconnaissait les dispositions de l'article L. 2331-1 du code de la défense ; qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, que les pistolets à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2 sont des armes non létales et dépourvues de dangerosité et, d'autre part, que des armes susceptibles d'être plus dangereuses sont en vente libre ; qu'il méconnaît les dispositions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public dès lors qu'il est insuffisamment motivé alors même qu'il porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;

Vu l'arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cet arrêté ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui déclare faire siennes les observations présentées par le ministre de la défense ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat déclare faire siennes les observations présentées par le ministre de la défense ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2009, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ; le ministre de la défense soutient que l'urgence n'est pas établie dès lors, d'une part, que la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE n'établit pas que l'arrêté contesté entraîne pour elle une perte financière et, d'autre part, que la requête en référé suspension n'a été enregistrée que le 7 octobre 2009 alors même que l'arrêté contesté a été publié au journal officiel le 14 août 2009 ; que celui-ci n'est pas entaché d'un vice de procédure dès lors, d'une part, que le délai minimum non franc prévu par l'arrêté du 28 août 2000 portant application du a de l'article 5 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 modifié relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions a été respecté et, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté précité, le président de la commission interministérielle dite de classement a pu régulièrement décider de ne pas communiquer le dossier préparatoire à la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE en ce qu'elle n'est pas membre de la dite commission ; qu'il n'est pas insuffisamment motivé dès lors, d'une part, qu'aucun principe général du droit, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les actes réglementaires soient motivés au sens des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et, d'autre part, que la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE n'a pas sollicité la communication du procès-verbal de la commission interministérielle dite de classement du 12 mars 2009 ; que l'article 2 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 2331-1 du code de la défense dès lors, d'une part, que les armes dont le projectile est propulsé par des gaz ou de l'air comprimé sont des armes de défense au même titre que les armes à feu de défense classées en 4ème catégorie et, d'autre part, qu'aux termes de l'article 37 de la Constitution il appartient aux autorités réglementaires de prendre toutes les mesures d'application du code de la défense et plus généralement de régir les matières intéressant l'ordre et la sûreté publics ; qu'il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que soumettre à une autorisation préalable l'usage de pistolets à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2 est justifié en ce que cet usage présente, alors même qu'il n'est pas létal, une dangerosité certaine ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 novembre 2009, présenté pour la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE soutient, en outre, que l'arrêté contesté ne peut trouver sa base légale sur le fondement de l'article 21 de la Constitution dès lors, d'une part, qu'il n'est pas réglementaire et, d'autre part, qu'il ne vise pas tous les concurrents qui commercialisent également des pistolets à impulsions électriques ; que pour démontrer la dangerosité du pistolet à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2, le ministre de la défense produit une étude réalisée par la société Taser relative au modèle X26 alors même, tout d'abord, que ce document est en anglais, qu'ensuite il ne fait pas l'objet d'une traduction certifiée et, enfin qu'il a été produit tardivement ; qu'ainsi cette pièce doit être écartée du débat ; que l'arrêté contesté est une décision individuelle défavorable ; que dès lors, elle est soumise à l'obligation de motivation définie par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que le délai minimum prévu par l'arrêté du 28 août 2000 portant application du a) de l'article 5 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 modifié relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions est de quinze jours francs ; que le président de la commission interministérielle dite de classement ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer le dossier aux non-membres de ladite commission ; que cette absence de communication méconnaît le droit d'accès au dossier alors même qu'il s'agit d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code de la défense ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 ;

Vu l'arrêté du 28 août 2000 portant application du a de l'article 5 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 novembre 2009 à 11 heures au cours de laquelle a été entendu le représentant de la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE demande la suspension de l'arrêté interministériel classant les pistolets à impulsions électriques de marque Taser dénommés Stoper C2, M18 et M18L commercialisés par la société SMP Technologies TASER France en 4ème catégorie pour l'application de la réglementation sur les armes régie par le décret du 6 mai 1995 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;

Considérant que l'arrêté interministériel dont la suspension est demandée n'a classé en 4ème catégorie que ces seuls pistolets produits par la société requérante ; que celle-ci soutient, sans être contredite ni par les mémoires des ministres ni lors de l'audience à laquelle les ministères compétents n'étaient pas présents, que de nombreux pistolets à impulsions électriques d'autres marques, notamment Titan importées, parfois copies du Stoper C2 et parfois plus puissantes que celui-ci, sont en vente libre sur le territoire français en l'absence de tout classement de ce type d'appareils au titre du régime susmentionné des matériels de guerre, armes et munitions ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette restriction imposée à sa seule marque serait discriminatoire alors que la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public et de la sécurité publique n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux limité à aux pistolets d'une seule marque ;

Considérant toutefois qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser l'urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de l'arrêté soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant que si la SMP TECHNOLOGIE fait valoir que l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts s'agissant de soumettre à conditions strictes la commercialisation de son futur produit de référence, ces éléments doivent être combinés avec la prise en compte des nécessités de l'ordre et de la santé publics ; que les pistolets à impulsion électrique constituent des armes d'un type nouveau qui, aux côtés des avantages qu'elles comportent, présentent des dangers spécifiques pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque et des traumatismes résultant de la perte de contrôle neuromusculaire, qui imposent que leur usage soit précisément encadré et contrôlé au sein des armes de 4ème catégorie susmentionnée ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie en l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, dans l'attente d'une réglementation plus générale de police nécessaire pour l'ensemble des pistolets à impulsion électrique actuellement disponibles sur le marché français quelle que soit leur marque, la société SMP TECHNOLOGIE n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté interministériel du 4 août 2009 ; que sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE SMP TECHNOLOGIE, au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, au ministre de la défense, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 nov. 2009, n° 332541
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 13/11/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 332541
Numéro NOR : CETATEXT000021345432 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-11-13;332541 ?
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