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16/11/2009 | FRANCE | N°312450

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 16 novembre 2009, 312450


Vu le pourvoi, enregistré le 22 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 novembre 2007 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais du 12 décembre 2006 reconnaissant à Mme Martine A veuve B un droit à pension de veuve au taux de 100 % à compter du 23 octobre 1996 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal départeme

ntal des pensions du Pas-de-Calais et de rejeter la demande de pension prése...

Vu le pourvoi, enregistré le 22 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 novembre 2007 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais du 12 décembre 2006 reconnaissant à Mme Martine A veuve B un droit à pension de veuve au taux de 100 % à compter du 23 octobre 1996 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais et de rejeter la demande de pension présentée par Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 68-943 du 30 octobre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que la veuve d'un militaire a droit à pension si la mort de ce dernier a été causée par maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, dans les conditions définies aux articles L. 2 et L. 3 du même code ; qu'il résulte des dispositions combinées de ces deux derniers articles que lorsque la maladie ayant causé le décès ne bénéficie pas de la présomption légale d'origine, l'intéressé est tenu de rapporter la preuve qu'elle a eu sa cause certaine, directe et déterminante dans le service ou dans une infirmité déjà pensionnée ; que cette preuve ne saurait résulter d'une probabilité même forte, d'une vraisemblance ou d'une simple hypothèse médicale ;

Considérant que, pour reconnaître à Mme A le droit à une pension militaire d'invalidité sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la cour régionale des pensions de Douai, après avoir souverainement estimé qu'un certain nombre d'indices matériels lui permettaient de considérer que M. B, époux de la requérante, avait été exposé à des radiations nucléaires pendant ses années de service, a déduit de la seule existence de l'exposition dont elle admettait la réalité celle d'un lien de causalité entre l'exposition en question et le cancer broncho-pulmonaire ayant causé le décès de M. B ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, le cas échéant en puisant dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier, si les éléments qui caractérisaient à ses yeux l'exposition de M. B à des radiations nucléaires établissaient avec une force probante suffisante, compte tenu non seulement de leur intensité mais aussi de l'intensité des autres facteurs de risque de cancer broncho-pulmonaire étrangers au service, le fait que cette exposition avait été la cause certaine, directe et déterminante de sa maladie, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE est, dès lors, fondé à en demander l'annulation ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A la somme demandée par celle-ci au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 novembre 2007 de la cour régionale des pensions de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions d'Amiens.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme Martine A veuve B.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312450
Date de la décision : 16/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

PENSIONS - PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE - CONDITIONS D'OCTROI D'UNE PENSION - IMPUTABILITÉ - CANCER MORTEL - PREUVE DE L'IMPUTATION À L'EXPOSITION À DES RADIATIONS NUCLÉAIRES - EN L'ABSENCE DE PRÉSOMPTION LÉGALE D'IMPUTABILITÉ - APPRÉCIATION - CONDITIONS - NÉCESSITÉ D'UNE CAUSE DIRECTE - CERTAINE ET DÉTERMINANTE [RJ1].

48-01-02-03 Erreur de droit à déduire de la seule existence de l'exposition à des radiations nucléaires un lien de causalité avec un cancer broncho-pulmonaire ayant causé le décès d'un militaire sans rechercher si les éléments qui caractérisaient l'exposition à des radiations nucléaires établissaient avec une force probante suffisante, compte tenu non seulement de leur intensité mais aussi de l'intensité des autres facteurs de risque de cancer broncho-pulmonaire étrangers au service, le fait que cette exposition avait été la cause certaine, directe et déterminante de la maladie - en puisant, le cas échéant, dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX - JURIDICTION DES PENSIONS - PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ ET DES VICTIMES DE GUERRE - PREUVE DE L'IMPUTABILITÉ DU DOMMAGE AU SERVICE - RÈGLES D'APPRÉCIATION DE LA PREUVE - EN L'ABSENCE DE PRÉSOMPTION LÉGALE - NÉCESSITÉ D'UNE CAUSE CERTAINE - DIRECTE ET DÉTERMINANTE - CAS D'UN CANCER MORTEL DÉVELOPPÉ À LA SUITE D'UNE EXPOSITION À DES RADIATIONS NUCLÉAIRES [RJ1].

54-07-03 Erreur de droit à déduire de la seule existence de l'exposition à des radiations nucléaires un lien de causalité avec un cancer broncho-pulmonaire ayant causé le décès d'un militaire sans rechercher si les éléments qui caractérisaient l'exposition à des radiations nucléaires établissaient avec une force probante suffisante, compte tenu non seulement de leur intensité mais aussi de l'intensité des autres facteurs de risque de cancer broncho-pulmonaire étrangers au service, le fait que cette exposition avait été la cause certaine, directe et déterminante de la maladie - en puisant, le cas échéant, dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier.


Références :

[RJ1]

Cf., sur les principes, 28 juillet 2004, Ministre de la défense c/ Emmanuelli, n° 246170, T. p. 849.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2009, n° 312450
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:312450.20091116
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