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18/11/2009 | FRANCE | N°326569

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 18 novembre 2009, 326569


Vu le pourvoi, enregistré le 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu une décision de mise en exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont était assorti l'arrêté du préfet

des Bouches-du-Rhône du 30 juillet 2008 refusant de délivrer un tit...

Vu le pourvoi, enregistré le 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu une décision de mise en exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont était assorti l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 juillet 2008 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Belkacem A, cette décision étant incluse dans la décision du préfet de la Haute-Garonne du 11 mars 2009 plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande formée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, ressortissant algérien, a reçu notification le 14 août 2008 d'un arrêté du 30 juillet 2008 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de cette notification ; que, M. A ayant été interpellé à Toulouse le 10 mars 2009, le préfet de la Haute-Garonne l'a, par une décision du 11 mars 2009, placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que M. A a, le 16 mars 2009, saisi respectivement le tribunal administratif de Toulouse et le juge des référés de ce tribunal de demandes tendant à l'annulation et à la suspension, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une décision de mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire incluse dans la décision de rétention ; que, par une ordonnance du 19 mars 2009, contre laquelle le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif a prononcé la suspension demandée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) / II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ; que selon l'article L. 551-1 du même code : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lors que cet étranger : (...) / 6° (...) faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise en application du I de l'article L. 511-1 moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire est expiré, ne peut quitter immédiatement ce territoire ; qu'aux termes de l'article L. 552-1 du même code : Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il statue par ordonnance (...) et qu'aux termes de l'article L. 552-3 : L'ordonnance de prolongation de la rétention court à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures fixé à l'article L. 552-1 ;

Considérant que le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet depuis moins d'un an d'une obligation de quitter le territoire français a pour objet de mettre à exécution la décision prononçant cette obligation et ne peut être regardée comme constituant ou révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire, qui serait susceptible de faire l'objet d'une demande de suspension devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il appartient toutefois à l'administration de ne pas mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d'éloignement ;

Considérant que la décision ordonnant le placement de M. A en rétention administrative a été prise le 11 mars 2009 par le préfet de la Haute-Garonne pour mettre à exécution l'arrêté du 30 juillet 2008 prononçant l'obligation de quitter le territoire ; que, par suite, en analysant la décision de mise en rétention de M. A comme révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire et en ordonnant la suspension de ce qu'il a qualifié de décision d'éloigner M. A, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du ministre et de statuer sur le pourvoi incident de M. A, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que la décision préfectorale du 11 mars 2009 plaçant M. A en rétention administrative a été mise immédiatement à exécution ; que l'exécution de cette décision a pris fin au terme du délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions des articles L. 552-1 et L. 552-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, cette décision ne pouvait, à la date du 16 mars 2009 à laquelle M. A a saisi le juge des référés, faire l'objet d'aucune demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, faute d'objet, à cette date, d'une telle demande ; que si M. A demande la suspension de la décision du 11 mars 2009 en tant qu'elle contient ou révèle une décision comportant obligation de quitter le territoire, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la simple mise à exécution de l'arrêté du 30 juillet 2008 ne peut faire l'objet d'une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que la demande de M. A doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 19 mars 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Belkacem A.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326569
Date de la décision : 18/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION INTERVENANT MOINS D'UN AN APRÈS UNE DÉCISION PRONONÇANT L'OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE - NAISSANCE D'UNE NOUVELLE DÉCISION PORTANT OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE - ABSENCE [RJ1].

335 Le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet depuis moins d'un an d'une obligation de quitter le territoire français a pour objet de mettre à exécution la décision prononçant cette obligation et ne peut être regardée comme constituant ou révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire, qui serait susceptible de faire l'objet d'une demande de suspension devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il appartient toutefois à l'administration de ne pas mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d'éloignement.

ÉTRANGERS - RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION INTERVENANT MOINS D'UN AN APRÈS UNE DÉCISION PRONONÇANT L'OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE - NAISSANCE D'UNE NOUVELLE DÉCISION PORTANT OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE - ABSENCE [RJ1].

335-03 Le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet depuis moins d'un an d'une obligation de quitter le territoire français a pour objet de mettre à exécution la décision prononçant cette obligation et ne peut être regardée comme constituant ou révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire, qui serait susceptible de faire l'objet d'une demande de suspension devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il appartient toutefois à l'administration de ne pas mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d'éloignement.


Références :

[RJ1]

Comp. 1er avril 1998, Préfet des Yvelines c/ Mme Nsonde, n° 169280, p. 120 ;

JRCE, 10 avril 2009, Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales c/ Beddiaf, n° 326863, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2009, n° 326569
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:326569.20091118
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