La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2009 | FRANCE | N°305312

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 07 décembre 2009, 305312


Vu 1°), sous le n° 305312, le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 7 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2007 du tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé la décision du Premier ministre rejetant la demande de révision de sa pension militaire présentée par M. Amadou A pour la période du 1er janvier 1975 au 6 juillet 1998, lui a enjoint de procéder

à la revalorisation de la pension de M. A pour la période du 1er...

Vu 1°), sous le n° 305312, le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 7 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2007 du tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé la décision du Premier ministre rejetant la demande de révision de sa pension militaire présentée par M. Amadou A pour la période du 1er janvier 1975 au 6 juillet 1998, lui a enjoint de procéder à la revalorisation de la pension de M. A pour la période du 1er juillet 1975 au 6 juillet 1998 et au versement des arrérages de cette pension pour cette période, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de ce jugement, et a décidé que le rappel d'arrérages de la pension de M. A correspondant tant à la période visée à l'article 2 qu'à la période ultérieure portera intérêt au taux légal à compter du 6 juillet 2000, les intérêts échus au 31 décembre 2001 étant capitalisés pour porter eux mêmes intérêts à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date jusqu'au paiement du principal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A ;

Vu 2°), sous le n° 305520, le pourvoi du MINISTRE DE LA DEFENSE, enregistré le 14 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2007 du tribunal administratif de Paris, en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé la décision du Premier ministre rejetant la demande de révision de sa pension militaire présentée par M. Amadou A pour la période du 1er janvier 1975 au 6 juillet 1998, lui a enjoint de procéder à la revalorisation de la pension de M. A pour la période du 1er juillet 1975 au 6 juillet 1998 et au versement des arrérages de cette pension pour cette période, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de ce jugement, et a décidé que le rappel d'arrérages de la pension de M. A correspondant tant à la période visée à l'article 2 qu'à la période ultérieure portera intérêt au taux légal à compter du 6 juillet 2000, les intérêts échus au 31 décembre 2001 étant capitalisés pour porter eux mêmes intérêts à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date jusqu'au paiement du principal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960, notamment son article 71 ;

Vu la loi n° 62-873 du 31 juillet 1962 ;

Vu la loi n° 74-1129 du 30 décembre 1974 ;

Vu la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-1179 du 31 décembre 1981) ;

Vu la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), notamment son article 68 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

Considérant que les pourvois du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et du MINISTRE DE LA DEFENSE sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoient en cassation contre le jugement du 21 mars 2007 du tribunal administratif de Paris, en tant que par ce jugement, le tribunal, après avoir relevé que le ministre, par un arrêté en date du 2 août 2004, avait admis M. A au bénéfice de la révision de sa pension militaire de retraite et du rappel d'arrérages y afférents sous réserve de l'application de la prescription prévue par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur la demande de M. A en date du 6 juillet 2000 en tant qu'elle porte sur la période antérieure à la date de revalorisation retenue par l'administration, soit le 6 juillet 1998, et a enjoint au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE de procéder à la revalorisation des arrérages de cette pension du 1er janvier 1975 jusqu'à la date de revalorisation retenue par l'administration ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : (...) I. - Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants / IV. Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV et sans préjudice des prescriptions prévues aux articles L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 48-1450 du 20 septembre 1948 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires et ouverture de crédits pour la mise en application de cette réforme, et L. 53 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite (partie Législative), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999./ Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 (...) ;

Considérant que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que les règles de prescription mentionnées au premier alinéa du IV s'appliquent aux contentieux présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 ; qu'il suit de là qu'en jugeant que ces dispositions excluaient l'application de celles de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002, le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que les ministres requérants sont, dès lors, fondés à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il annule la décision implicite de rejet du Premier ministre refusant à M. A la révision de sa pension militaire de retraite au titre de la période du 1er janvier 1975 au 6 juillet 1998, de son article 2 en tant qu'il porte sur cette même période ainsi que de son article 3 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;

Sur l'applicabilité de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, en vigueur à la date d'ouverture des droits à pension de M. A, dans sa rédaction résultant de la loi n° 62-873 du 31 juillet 1962, applicable à l'intéressé eu égard à la date de sa demande de décristallisation : Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension ; que les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a sollicité pour la première fois la revalorisation du montant de la pension de retraite dont il bénéficiait le 6 juillet 2000 ; que, dans ces conditions, M. A ne peut prétendre au versement des arrérages qu'il réclame qu'à compter du 6 juillet 1998 ;

Sur la compatibilité du IV de l'article 68 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 avec l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :

Considérant qu'aux termes des stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et qui décidera (...) des contestations sur des droits et obligations de caractère civil (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions du IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 susmentionnée n'ont pas été appliquées à M. A ; que, par suite, les moyens tirés de l'incompatibilité du IV de l'article 68 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 avec l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du Premier ministre refusant de réviser sa pension pour la période du 1er janvier 1975 au 6 juillet 1998 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. A tendant à la révision de sa pension au titre de la période susmentionnée, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE de lui verser des rappels d'arrérages au titre de cette même période ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant, d'une part, que M. A a demandé le versement des intérêts sur les rappels d'arrérages de la pension qui lui ont été illégalement refusés pour la période postérieure au 1er janvier 1975 ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions, à compter du 6 juillet 2000, date de réception de sa demande de révision de sa pension, et pour les arrérages postérieurs à cette date au fur et à mesure de leurs échéances successives ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande du 6 juillet 2000 ; qu'à cette date, une année ne s'était pas écoulée depuis sa demande d'intérêts ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande au 6 juillet 2001, date à laquelle les intérêts sur les arrérages antérieurs au 6 juillet 2000 étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle pour les intérêts dus sur les arrérages postérieurs à cette même date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Sont annulés l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 21 mars 2007 en tant qu'il annule la décision implicite du Premier ministre refusant à M. A la révision de sa pension militaire de retraite pour la période antérieure au 6 juillet 1998, l'article 2 en tant qu'il porte sur la même période et l'article 3 du même jugement.

Article 2 : L'Etat versera à M. A les intérêts ainsi que les intérêts capitalisés sur les rappels d'arrérages pour la période postérieure au 6 juillet 2001 selon les modalités précisées dans les motifs de la présente décision et, pour les arrérages postérieurs, au fur et à mesure, de la date de leur échéance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris est rejetée en tant qu'elle porte sur la période comprise entre le 1er janvier 1975 et le 6 juillet 1998.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Amadou A.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 305312
Date de la décision : 07/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2009, n° 305312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Eric Combes
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:305312.20091207
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award