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09/12/2009 | FRANCE | N°328803

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 décembre 2009, 328803


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 29 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'EURE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 mai 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Toffolutti, annulé la procédure de passation du marché relatif à la r

éhabilitation et aux grosses réparations de routes départementales de l'Eur...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 29 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'EURE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 mai 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Toffolutti, annulé la procédure de passation du marché relatif à la réhabilitation et aux grosses réparations de routes départementales de l'Eure ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la requête de la société Toffolutti ;

3°) de mettre à la charge de la société Toffolutti la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2009, présentée pour la société Toffolutti ;

Vu la note en délibérée, enregistrée le 20 novembre 2009, présentée pour le DEPARTEMENT DE L'EURE ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE L'EURE et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Toffolutti,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

- La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DE L'EURE et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Toffolutti, ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) et des délégations de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. ;

Considérant que le DEPARTEMENT DE L'EURE se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 mai 2009 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Rouen, a, à la demande de la société Toffolutti, dont l'offre avait été écartée, annulé la procédure de passation, par appel d'offres ouvert, d'un marché de réhabilitation et grosses réparations des routes départementales, en se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l'article 10 du code des marchés publics ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics : Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. (...) ;

Considérant que le juge des référés a jugé que la circonstance que le recours à la procédure du marché global entraînerait effectivement une économie budgétaire substantielle par rapport aux précédentes procédures d'attribution par marché alloti conduites par le département ne suffisait pas à justifier le recours à cette procédure, dès lors que l'exception prévue à l'article 10 précité ne viserait que l'hypothèse selon laquelle l'allotissement entraîne une exécution financièrement coûteuse des prestations et n'aurait pas pour finalité de permettre aux pouvoirs adjudicateurs de réaliser une économie budgétaire, même substantielle ; que la réduction significative du coût des prestations pour le pouvoir adjudicateur, qui a pour corollaire une économie budgétaire pour celui-ci, constitue toutefois, lorsqu'elle est démontrée au moment du choix entre des lots séparés ou un marché global, un motif légal de dévolution en marché global par application de l'article 10 du code des marchés publics ; que le DEPARTEMENT DE L'EURE est ainsi fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Toffolutti ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 18 du code des marchés publics : I.-Sous réserve des dispositions de l'article 19, un marché est conclu à prix définitif. / II.-Un prix définitif peut être ferme ou révisable. / III.- Un prix ferme est un prix invariable pendant la durée du marché. Toutefois, il est actualisable dans les conditions définies ci-dessous. / IV.-Un prix révisable est un prix qui peut être modifié pour tenir compte des variations économiques dans les conditions fixées ci-dessous. / Lorsque le prix est révisable, le marché fixe la date d'établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en oeuvre. Les modalités de calcul de la révision du prix sont fixées : /1° Soit en fonction d'une référence à partir de laquelle on procède à l'ajustement du prix de la prestation ; / 2° Soit par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation. Dans ce cas, la formule de révision ne prend en compte que les différents éléments du coût de la prestation et peut inclure un terme fixe ; / 3° Soit en combinant les modalités mentionnées aux 1° et 2°. / V.-Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément au 1° du IV du présent article. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'au moment de la passation d'un marché il est établi que celui-ci nécessite pour sa réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, le contrat doit comporter une clause de révision de prix établie en fonction d'une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément aux dispositions précitées du 1° du IV de l'article 18 du code des marchés publics qui, contrairement à celles du 2°, ne permettent pas l'inclusion d'un terme fixe ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la durée d'exécution du marché litigieux est supérieure à trois mois ; qu'il n'est pas contesté que sa réalisation nécessite le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux ; que le marché doit, dès lors, comporter une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, sans terme fixe ; qu'il résulte de l'instruction que la clause de révision prévue à l'article 3-5-4 du cahier des clauses administratives particulières soumis à la consultation inclut un terme fixe ; que, compte tenu de l'incidence des clauses du contrat relatives aux prix et à leur révision sur la formation des offres des candidats, notamment en fonction des capacités financières respectives de ces derniers, ce manquement aux dispositions de l'article 18 du code des marchés publics constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence qui est susceptible d'avoir lésé la société Toffolutti ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Toffolutti est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché litigieux ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Toffolutti, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le DEPARTEMENT DE L'EURE au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier la somme de 3 000 euros au bénéfice de la société Toffolutti ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 mai 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.

Article 2 : La procédure engagée par le DEPARTEMENT DE L'EURE pour la réhabilitation et les grosses réparations des routes départementales est annulée.

Article 3 : Le DEPARTEMENT DE L'EURE versera à la société Toffolutti une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE L'EURE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'EURE et à la société Toffolutti.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - POSSIBILITÉ DE RECOURS À UN MARCHÉ GLOBAL (ART - 10 DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS) - MOTIF - RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DU COÛT DES PRESTATIONS - LÉGALITÉ - EXISTENCE.

39-02 La réduction significative du coût des prestations pour le pouvoir adjudicateur - qui a pour corollaire une économie budgétaire pour celui-ci - constitue, lorsqu'elle est démontrée au moment du choix entre des lots séparés ou un marché global, un motif légal de dévolution en marché global par application de l'article 10 du code des marchés publics.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - CONTENU - PRIX DÉFINITIF RÉVISABLE (ART - 18 - IV - 1° DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS) - DÉTERMINATION.

39-02-04 Lorsqu'au moment de la passation d'un marché il est établi que celui-ci nécessite pour sa réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, le contrat doit comporter une clause de révision de prix établie en fonction d'une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément aux dispositions du 1° du IV de l'article 18 du code des marchés publics (qui, contrairement à celles du 2°, ne permettent pas l'inclusion d'un terme fixe).


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 déc. 2009, n° 328803
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 09/12/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 328803
Numéro NOR : CETATEXT000021468402 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-12-09;328803 ?
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