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11/12/2009 | FRANCE | N°301341

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11 décembre 2009, 301341


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 4 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, dont le siège social est situé ZAC de Sans-souci, 1211, chemin de la bruyère à Limonest (69578) ; la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, venant aux droits de la société Datex Ohmeda, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 23 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date

du 6 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles a re...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 4 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, dont le siège social est situé ZAC de Sans-souci, 1211, chemin de la bruyère à Limonest (69578) ; la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, venant aux droits de la société Datex Ohmeda, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 23 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 6 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % et de contribution temporaire de 15 % sur cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 10 novembre 2009, la note en délibéré présentée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Datex Engstrom, devenue la société Datex Ohmeda, a acquis le 4 avril 1998 l'intégralité des titres composant le capital social de la SA Ohmeda ; qu'en conséquence, cette dernière société est sortie, par application de l'article 223 A du code général des impôts, du groupe fiscal intégré The BOC Group SA, dont elle faisait jusqu'alors partie ; que les sociétés du groupe clôturant leur exercice fiscal le 30 septembre de chaque année, cette sortie du groupe est intervenue avec effet rétroactif au 1er octobre 1997 ; que, lors de son entrée dans le groupe, la SA Ohmeda avait conclu avec la société mère, laquelle s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et ses filiales, une convention d'intégration prévoyant qu'au cas où, pour quelque cause que ce soit, le régime d'intégration cesserait de s'appliquer à la filiale, celle-ci serait indemnisée par la société mère des surcoûts fiscaux dont son appartenance au groupe serait la cause et que le montant de cette indemnisation serait déterminé et réglé en application de ce principe et par accord entre les parties, au vu des éléments de fait constatés à cette date ; qu'en exécution de cette convention et au vu d'une évaluation des bénéfices prévisionnels que la SA Ohmeda était susceptible de dégager sur les exercices postérieurement à la période d'intégration, la société mère a versé à son ancienne filiale une indemnité de 15 400 000 F, destinée à compenser le préjudice résultant de la dépossession, au profit du groupe BOC, des déficits d'un montant de 65 044 542 F qu'elle avait enregistrés pendant la période d'appartenance au groupe fiscal intégré ; que le 4 novembre 1998, la SA Ohmeda a été absorbée par voie de fusion-absorption, avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, par la société Datex Engstrom ; que la société Datex Ohmeda venant aux droits de la SA Ohmeda a estimé que cette indemnité conventionnelle, comptabilisée en produit exceptionnel, venait en compensation d'une charge d'impôt sur les sociétés résultant de la perte du droit au report des déficits qu'elle avait dégagés pendant la période d'intégration fiscale ; qu'elle a déduit de manière extra-comptable cette somme de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 1998 ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet au titre notamment de l'exercice clos en 1998, l'administration a réintégré à ce résultat l'indemnité de 15 400 000 F ; que la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, venant aux droits de la société Datex Ohmeda, se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 23 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 6 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % et de contribution temporaire de 15 % sur cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution subie par lui de ses valeurs d'actif, une dépense qu'il a exposée ou une perte de recette, dès lors que leur versement a été effectué non pour concourir à l'équilibre de l'exploitation, mais en vertu d'une obligation, qu'elle soit légale ou conventionnelle, de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes concourant à la formation du bénéfice imposable que si la perte ou la charge qu'elles ont pour objet de compenser est elle-même de la nature de celles qui sont déductibles pour la détermination du bénéfice imposable ; qu'en vertu de l'article 213 du code général des impôts, l'impôt sur les sociétés n'est pas au nombre des charges déductibles du résultat ;

Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du même code, dans sa rédaction alors applicable : Une société, dont le capital n'est pas détenu à 95 % au moins, directement ou indirectement, par une autre personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. (...) /.../ Seules peuvent être membres du groupe les sociétés qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis.; qu'aux termes de l'article 223 B du même code : Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. (...) ; qu'aux termes de l'article 223 E du même code : Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble ; que, lorsque la société mère se constitue, en application de l'article 223 A précité du code général des impôts, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats des sociétés du groupe, les déficits subis par une filiale ne sont pas, en vertu de l'article 223 E du même code, déductibles des propres résultats de cette filiale mais sont retenus pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe selon les modalités définies à l'article 223 B de ce code ; qu'il résulte en outre des dispositions de ces articles que, lorsqu'une filiale sort du groupe fiscalement intégré dont elle faisait partie, les déficits dégagés par son activité pendant sa période d'appartenance au groupe demeurent acquis à celui-ci ; que la filiale a alors perdu le droit au report de ces déficits sur les résultats de ses exercices clos après sa sortie du groupe ; qu'aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que, par convention, la société mère s'engage à dédommager une filiale déficitaire, qui sort du groupe, du préjudice qu'elle subit à raison des conséquences fiscales liées à la perte de ce droit ; que, si la somme versée par la société mère à une telle filiale, en exécution de la convention d'intégration conclue avec celle-ci lors de son entrée dans le groupe, a pour objet de compenser le supplément d'impôt sur les sociétés que cette filiale supportera après sa sortie du groupe en raison de l'impossibilité de reporter sur ses propres résultats ces déficits, à raison desquels le groupe bénéficiera d'une économie d'impôt, cette somme, dans la mesure où elle ne correspond pas à des déficits que, compte tenu de la législation alors en vigueur, elle aurait perdu le droit de reporter, compense des charges par nature non déductibles du bénéfice imposable en application de l'article 213 du code général des impôts ; que, dès lors, cette somme, que la société mère ne saurait légalement déduire de ses résultats pour la détermination de son bénéfice imposable, ne constitue pas une recette entrant elle-même dans la détermination du bénéfice imposable de la filiale ;

Considérant, par suite, qu'en jugeant, pour estimer que c'était à bon droit que l'administration avait regardé l'indemnité en litige comme une recette imposable au titre de l'impôt sur les sociétés, que la perte du droit au report des déficits pour la société Datex Ohmeda, aux droits de laquelle vient la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS, ne pouvait être regardée comme un préjudice susceptible de créer, pour la société mère du groupe BOC, une obligation de réparation, dès lors que cette perte résultait, non pas d'un agissement particulier de la société mère, mais de la seule application de la loi fiscale et que la filiale ne pouvait utilement se prévaloir de l'obligation contractuelle résultant de la convention d'intégration signée avec la société mère, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que, la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le versement d'une indemnité de 15 400 000 F par le groupe Boc à la société Datex Ohmeda, sur le fondement de la convention d'intégration fiscale signée par ces sociétés, a pour objet de compenser le supplément d'imposition que cette société supportera après sa sortie du groupe en raison de l'impossibilité de reporter sur ses propres résultats les déficits dégagés par son activité pendant sa période d'appartenance au groupe et qui demeurent acquis à celui-ci ; qu'il n'est pas soutenu par l'administration que, compte tenu de la législation alors en vigueur, la filiale aurait perdu le droit de reporter ces déficits si elle n'avait pas été membre d'un groupe fiscalement intégré ; que, par suite, cette indemnité, qui compense le supplément d'imposition, lequel, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'est pas une charge déductible pour la détermination du résultat, n'a pas la nature d'une subvention imposable entre les mains de la filiale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % et de contribution temporaire de 15 % sur cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais engagés dans la présente instance ainsi que devant la cour administrative d'appel et le tribunal administratif par la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 23 novembre 2006 de la cour administrative d'appel de Versailles et le jugement en date du 6 avril 2004 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : La SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % et de contribution temporaire de 15 % sur cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998 à raison de la réintégration dans la base imposable de la somme de 15 400 000 F ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GE HEALTHCARE CLINICAL SYSTEMS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301341
Date de la décision : 11/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - GROUPES FISCALEMENT INTÉGRÉS - SORTIE D'UNE FILIALE - CONSÉQUENCE - PERTE DU DROIT AU REPORT DES DÉFICITS DÉGAGÉS AU COURS DE SA PÉRIODE D'APPARTENANCE AU GROUPE - POSSIBILITÉ DE PRÉVOIR, PAR VOIE DE CONVENTION, L'INDEMNISATION DE CE PRÉJUDICE - EXISTENCE - CARACTÈRE IMPOSABLE DE L'INDEMNITÉ VERSÉE, SUR LE FONDEMENT D'UNE TELLE OBLIGATION CONTRACTUELLE, À LA FILIALE SORTANTE - ABSENCE [RJ1] - DÉDUCTIBILITÉ DES RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ MÈRE - ABSENCE.

19-04-01-04-03 Lorsque la société mère se constitue, en application de l'article 223 A du code général des impôts (CGI), seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats des sociétés du groupe, les déficits subis par une filiale ne sont pas, en vertu de l'article 223 E du même code, déductibles des propres résultats de cette filiale mais sont retenus pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe selon les modalités définies à l'article 223 B. Il résulte en outre des dispositions de ces articles que, lorsqu'une filiale sort du groupe fiscalement intégré dont elle faisait partie, les déficits dégagés par son activité pendant sa période d'appartenance au groupe demeurent acquis à celui-ci. La filiale a alors perdu le droit au report de ces déficits sur les résultats de ses exercices clos après sa sortie du groupe.... ...Aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que, par convention, la société mère s'engage à dédommager une filiale déficitaire, qui sort du groupe, du préjudice qu'elle subit à raison des conséquences fiscales liées à la perte de ce droit. Si la somme versée par la société mère à une telle filiale, en exécution de la convention d'intégration conclue avec celle-ci lors de son entrée dans le groupe, a pour objet de compenser le supplément d'impôt sur les sociétés que cette filiale supportera après sa sortie du groupe en raison de l'impossibilité de reporter sur ses propres résultats ces déficits, à raison desquels le groupe bénéficiera d'une économie d'impôt, cette somme, dans la mesure où elle ne correspond pas à des déficits que, compte tenu de la législation alors en vigueur, elle aurait perdu le droit de reporter, compense des charges par nature non déductibles du bénéfice imposable en application de l'article 213 du CGI. Dès lors, cette somme, que la société mère ne saurait légalement déduire de ses résultats pour la détermination de son bénéfice imposable, ne constitue pas une recette entrant elle-même dans la détermination du bénéfice imposable de la filiale.


Références :

[RJ1]

Cf., sur le principe selon lequel une indemnité versée pour compenser des charges non déductibles n'est pas imposable, Plénière, 12 mars 1982, Société X…, n° 17074, p. 119.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2009, n° 301341
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:301341.20091211
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