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11/12/2009 | FRANCE | N°332058

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11 décembre 2009, 332058


Vu la décision en date du 11 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 301234 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, par lequel celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 7 décembre 2006 de la cour administrative d'appel de Marseille, a annulé cet arrêt prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre des années 1990 à 1993 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au tit

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Vu la décision en date du 11 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 301234 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, par lequel celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 7 décembre 2006 de la cour administrative d'appel de Marseille, a annulé cet arrêt prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme Georges A ont été assujettis au titre des années 1990 à 1993 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au titre de la période du 1er octobre 1989 au 31 septembre 1993 ainsi que des pénalités correspondantes, puis a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille, a évoqué la demande de M. et Mme A et décidé d'y statuer après que les productions de la requête, en tant qu'elles ont trait à l'impôt sur le revenu, auront été enregistrées sous un numéro distinct ;

Vu la requête, en tant qu'elle est présentée pour M. et Mme A, par laquelle ils demandent la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1990 à 1993 ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que, par décision en date du 11 décembre 2009, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 301234 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, par lequel celui-ci a demandé l'annulation de l'arrêt en date du 7 décembre 2006 de la cour administrative d'appel de Marseille, a annulé cet arrêt qui avait prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A avaient été assujettis au titre des années 1990 à 1993 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au titre de la période du 1er octobre 1989 au 31 septembre 1993 ainsi que des pénalités correspondantes, puis a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille, a évoqué cette demande et décidé d'y statuer après que les productions de la requête, en tant qu'elles ont trait à l'impôt sur le revenu, auront été enregistrées sous un numéro distinct ; que ces productions ayant été enregistrées sous un numéro distinct, il y a lieu de statuer, sous ce numéro, sur les conclusions de la demande de M. et Mme A en tant qu'elles portent sur l'impôt sur le revenu ;

Sur les années 1990, 1991 et 1992 :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant que, dès lors que la comptabilité a été mise à la disposition de la vérificatrice au lieu d'exercice de l'activité de M. A, il lui appartient de justifier que celle-ci a conduit le contrôle sans qu'il ait pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire ; que si M. A soutient que les opérations de contrôle, qui se sont déroulées du 4 août 1993 au 13 décembre 1993 et ont porté sur les exercices clos les 13 septembre 1990, 1991 et 1992, ont exclusivement consisté à faire relever sur place par des agents de la brigade de contrôle et de recherches l'intégralité des pièces justificatives mises à leur disposition, hors de sa présence et de celle de son comptable, et que la vérification aurait reconstitué les recettes omises dans ses bureaux, sans avoir d'autre contact avec lui qu'une entrevue finale, trois jours avant l'envoi de la notification de redressements, l'administration fait valoir que la vérificatrice s'est rendue à plusieurs reprises dans l'entreprise, a eu un entretien avec l'expert comptable pour se faire mettre à disposition les documents comptables et au cours de sa dernière intervention sur place en décembre 1993 a fait connaître à M. A les redressements envisagés sur la période vérifiée ; que, par suite, M. et Mme A n'apportent pas la preuve de l'irrégularité de cette vérification de comptabilité ;

Considérant que la notification de redressement du 16 décembre 1993 expose les motifs de droit et de fait des redressements qu'elle détaille, tant en ce qui concerne les erreurs d'addition constatées à l'occasion de la comparaison des sommes mentionnées sur les livres comptables avec celles recalculées par la vérificatrice qu'en ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires à partir des bons de commande manquants ; qu'elle renvoie à d'importantes annexes faisant apparaître les éléments de calcul retenus par la vérificatrice et récapitule le montant des redressements ; que, par suite, elle répond aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : La charge de la preuve appartient au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ;

Considérant que M. A ne conteste pas les graves irrégularités de sa comptabilité rejetée comme irrégulière et non probante par l'administration ; que s'il soutient que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut être regardée comme ayant émis un avis dès lors qu'elle n'aurait pas été clairement informée sur l'une des deux méthodes retenues par l'administration, il résulte de l'instruction que la commission a été saisie par un rapport expliquant les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires tant en ce qui concerne les erreurs de comptabilisation que les reconstitutions de bons de commande manquants, ce qui mettait M. A à même d'en discuter au cours de la séance, et qu'en conséquence, la commission a rendu un avis régulier ; que cet avis ayant été suivi par l'administration, la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe à M. et Mme A ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence de comptabilité régulière et probante et de justifications détaillées des recettes, la vérificatrice a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires à partir des notes de clients de l'entreprise comportant le prix de chaque repas et le prix total du repas consommé ; qu'elle a évalué le montant des recettes omises à partir des erreurs de comptabilisation de notes de clients et de la reconstitution des bons de commande manquants ; qu'à la suite de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a retenu un abattement de 60 % sur les recettes résultant de la reconstitution de bons de commande ;

Considérant que M. et Mme A n'établissent pas que la méthode serait radicalement viciée en se bornant à soutenir, sans l'établir, que les conditions d'exploitation de l'entreprise n'auraient pas varié pendant les années vérifiées et en faisant valoir les circonstances que la commission départementale a proposé un abattement de 60 % sur les recettes résultant de la reconstitution des bons de commande, que les erreurs d'addition ne seraient pas détaillées et que le montant des achats déduits ne serait pas justifié ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Toutefois, lorsque la pénalité mise en recouvrement ne constitue pas l'accessoire d'une imposition ou lorsqu'elle sanctionne une infraction dont la qualification est fondée sur l'appréciation du comportement du contribuable, la motivation est portée à sa connaissance au moins trente jours avant la notification du titre exécutoire ou de son extrait. Durant ce délai, le contribuable peut présenter ses observations ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque la pénalité mise en recouvrement ne constitue pas l'accessoire d'une imposition ou lorsqu'elle sanctionne une infraction dont la qualification est fondée sur l'appréciation du comportement du contribuable, l'administration fiscale doit faire connaître à l'intéressé, au moins trente jours avant la notification du titre exécutoire ou de son extrait, les motifs de cette sanction et la possibilité dont il dispose de présenter ses observations ; que la notification de redressements du 24 juin 1994 indiquait aux contribuables qu'ils disposaient d'un délai de trente jours pour faire valoir ses observations sur les redressements envisagés, appelait leur attention sur les sanctions fiscales dont ils pourraient être assortis et indiquait que leur bonne foi ne pouvait pas être retenue, en raison notamment de la nature des redressements, de leur montant élevé, du caractère répété des infractions sur l'ensemble de la période vérifiée, de leur gravité et des carences comptables ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant régulièrement motivé les pénalités et invité M. et Mme A à produire leurs observations sur les pénalités dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 ;

Sur l'année 1993 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant que l'irrégularité de la vérification de comptabilité d'une entreprise au titre d'une année ou d'une période déterminée vicie non seulement les impositions ou taxes supplémentaires en procédant au titre de cette année ou de cette période mais également celles qui, portant sur une année ou une période postérieure, sont établies dans le cadre d'un contrôle sur pièces au seul vu des constatations opérées au cours de la vérification irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a fait l'objet de redressements de ses bénéfices industriels et commerciaux qui lui ont été notifiés le 24 juin 1994 sur le fondement des éléments constatés au cours de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet du 16 novembre 1993 au 15 juin 1994 pour la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993 ; que, par suite, il est fondé à soutenir que la procédure est irrégulière, nonobstant la circonstance que le contrôle sur pièces n'est pas assorti des mêmes garanties que la vérification de comptabilité ; qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1993 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de M. et Mme A en tant qu'elle porte sur les années 1990, 1991 et 1992 doivent être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de faire droit à leurs conclusions en ce qui concerne l'année 1993 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme A la somme qu'ils réclament sur ce fondement ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : M. et Mme A sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. et Mme A devant le tribunal administratif de Marseille est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Georges A.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 332058
Date de la décision : 11/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - IRRÉGULARITÉ - CONSÉQUENCE SUR UNE IMPOSITION ÉTABLIE DANS LE CADRE D'UN CONTRÔLE SUR PIÈCES AU SEUL VU DES CONSTATATIONS OPÉRÉES AU COURS DE LA VÉRIFICATION - VICE DE PROCÉDURE ENTRAÎNANT LA DÉCHARGE [RJ1].

19-01-03-01-02 L'irrégularité de la vérification de comptabilité d'une entreprise au titre d'une année ou d'une période déterminée vicie non seulement les impositions ou taxes supplémentaires en procédant au titre de cette année ou de cette période mais également celles qui, portant sur une année ou une période postérieure, sont établies dans le cadre d'un contrôle sur pièces au seul vu des constatations opérées au cours de la vérification irrégulière.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - REDRESSEMENT - GÉNÉRALITÉS - IRRÉGULARITÉ D'UNE IMPOSITION ÉTABLIE DANS LE CADRE D'UN CONTRÔLE SUR PIÈCES AU SEUL VU DES CONSTATATIONS OPÉRÉES AU COURS D'UNE VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ ELLE-MÊME IRRÉGULIÈRE [RJ1].

19-01-03-02-01 L'irrégularité de la vérification de comptabilité d'une entreprise au titre d'une année ou d'une période déterminée vicie non seulement les impositions ou taxes supplémentaires en procédant au titre de cette année ou de cette période mais également celles qui, portant sur une année ou une période postérieure, sont établies dans le cadre d'un contrôle sur pièces au seul vu des constatations opérées au cours de la vérification irrégulière.


Références :

[RJ1]

Comp., dans un cas d'indépendance des procédures, Plénière, 27 juillet 1988, Macchetto, n° 43939, p. 301.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2009, n° 332058
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:332058.20091211
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