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14/12/2009 | FRANCE | N°332608

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 décembre 2009, 332608


Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Anis B et Mme Dilroba A, demeurant ... ; M. B et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 24 juin 2008 de l'ambassadeur de France au Bangladesh refusant un visa

de long séjour à leurs enfants, Alam et Razus C, en qualité de membre...

Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Anis B et Mme Dilroba A, demeurant ... ; M. B et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 24 juin 2008 de l'ambassadeur de France au Bangladesh refusant un visa de long séjour à leurs enfants, Alam et Razus C, en qualité de membres de famille de réfugiés statutaires ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à leurs enfants, Alam et Razus C, un visa en qualité d'enfant de réfugié statutaire, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent qu'il y a urgence dès lors qu'ils sont séparés de leurs enfants depuis plus de six ans ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet celle-ci méconnaît les dispositions de l'article 4-1 du décret n° 47-77 du 13 janvier 1947 relatif aux attributions des consuls en matière de passeport dès lors que la décision de refus de délivrance des visas sollicités émane du consul adjoint de France au Bengladesh alors qu'il ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la réalité des liens de filiation qui unissent M. B et Mme A à leurs enfants ne fait aucun doute au regard des certificats de naissance produits et des documents d'état civil délivrés par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elle méconnaît les dispositions des articles L. 314-11 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que seule l'autorité préfectorale est compétente pour se prononcer sur une demande de regroupement familial ; qu'elle méconnaît les stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que les dispositions de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 qui consacrent une protection du droit à mener une vie familiale normale des réfugiés ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droit de l'enfant dès lors qu'elle procède d'une inexacte appréciation de l'intérêt supérieur d'Alam et Razus C ;

Vu la copie du recours présenté le 14 août 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. B et Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ;que l'urgence n'est pas établie dès lors, d'une part, que M. B et Mme A ne sauraient se prévaloir de leur longue séparation avec leurs enfants, qui ne résulte que de leur propre fait et, d'autre part, qu'ils n'établissent pas avoir conservé des liens épistolaires ou téléphoniques ainsi que participé à leur entretien et à leur éducation ; que le moyen selon lequel le signataire consulaire de refus de visa n'aurait pas reçu délégation de signature est inopérant dès lors que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée audit refus ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté dès lors que M. B et Mme A n'établissent pas avoir demandé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France la communication des motifs de la décision implicite de rejet qui leur a été opposée ; que la décision contestée n'est ni entachée d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, qu'en application des dispositions des articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil les autorités consulaires à Dacca (Bangladesh) ont procédé à des vérifications qui ont permis de conclure au caractère frauduleux des actes d'état civil produits par Alam et Razus C à l'appui de leur demande de visa et, d'autre part que la production d'actes frauduleux est un motif d'ordre public qui justifie le refus opposé aux demandes des visas sollicités ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 314-11 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les liens de filiations unissant M. B et Mme A à Alam et Razus C ne sont pas établis ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er décembre 2009, présenté par M. B et Mme A, qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens et produisent des pièces complémentaires ; M. B et Mme A soutiennent en outre que l'avocat de l'ambassade n'a aucune qualification pour authentifier des actes d'état civil dès lors qu'aux termes de l'article 47 du code civil, seules les autorités locales du pays où a été dressé l'acte d'état civil sont compétentes pour l'authentifier ; que l'ambassade de France à Dacca (Bangladesh) ne fournit aucun élément permettant de remettre en cause les liens de filiation unissant M. B et Mme A à leurs enfants ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n°47-77 du 13 janvier 1947 relatif aux attributions des consuls en matière de passeport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 décembre 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Le Bret-Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B et Mme A ;

- la représentante de M. B et de Mme A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B et Mme A, de nationalité bangladaise, ont quitté leur pays pour la France avec un enfant ; que la qualité de réfugié leur a été reconnue le 2 février 2006 ; que des demandes de visa de long séjour ont été présentées auprès des services consulaires de l'ambassade de France à Dacca (Bangladesh) au nom des enfants Alam et Razus C ; que ces demandes ont été rejetées le 24 décembre 2008 par les services consulaires et le recours contre cette décision a été rejeté par une décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que M. B et Mme A demandent la suspension de cette décision ;

Considérant qu'ils soutiennent que la décision du 24 décembre 2008 méconnaît les dispositions de l'article 4-1 du décret n° 47-77 du 13 janvier 1947 relatif aux attributions des consuls en matière de passeport dès lors que la décision de refus de délivrance des visas sollicités émane du consul adjoint de France au Bengladesh alors qu'il ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ; qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ; que l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la réalité des liens de filiation qui unissent M. B et Mme A à leurs enfants ne fait aucun doute au regard des certificats de naissance produits et des documents d'état civil délivrés par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'elle méconnaît les dispositions des articles L. 314-11 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que seule l'autorité préfectorale est compétente pour se prononcer sur une demande de regroupement familial ; qu'elle méconnaît les stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que les dispositions de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 qui consacrent une protection du droit à mener une vie familiale normale des réfugiés ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droit de l'enfant dès lors qu'elle procède d'une inexacte appréciation de l'intérêt supérieur d'Alam et Razus C ;

Considérant qu'eu égard notamment aux vérifications effectuées auprès des services de l'état civil du Bangladesh, à la demande de l'ambassade de France à Dacca, par un avocat à la cour suprême du Bangladesh, dont il résulte que les certificats de naissance produits à l'appui des demandes de visa ne sont pas authentiques, les moyens présentés par M. B et Mme A ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'il y a donc lieu de rejeter leur requête, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Anis B et Mme Dilroba A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Anis B, à Mme Dilroba A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 332608
Date de la décision : 14/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2009, n° 332608
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:332608.20091214
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