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16/12/2009 | FRANCE | N°326220

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16 décembre 2009, 326220


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 1er avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, dont le siège est 98 cours de la Libération à Grenoble (38035) ; la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2009 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de la société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et de la SAS Campenon Bernard Franche-Comté, l'ordonn

ance du 29 septembre 2008 du juge des référés du tribunal administratif ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 1er avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, dont le siège est 98 cours de la Libération à Grenoble (38035) ; la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2009 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, à la demande de la société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et de la SAS Campenon Bernard Franche-Comté, l'ordonnance du 29 septembre 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon, et a condamné, premièrement, le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à verser à ces sociétés une provision d'un montant de 341 494,26 euros, deuxièmement, la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie à garantir solidairement le centre hospitalier à hauteur d'un tiers de la condamnation prononcée à son encontre, troisièmement la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie à se garantir réciproquement de la condamnation prononcée à leur encontre, à hauteur de 20 % pour la première et de 80 % pour la seconde ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, de Me Foussard, avocat de la société Ingerop Conseil et Ingenierie, de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et de la société Campenon Bernard Franche-Comté,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, à Me Foussard, avocat de la société Ingerop Conseil et Ingenierie, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et de la société Campenon Bernard Franche-Comté ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, que le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard a conclu en vue de la réalisation de différents équipements hospitaliers un marché de maîtrise d'oeuvre, signé le 8 juillet 1998, avec le groupement composé de la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et de la société Bétic, aux droits de laquelle est venue la société Ingerop Conseil et Ingénierie ; qu'il a ensuite conclu, le 10 avril 2001, le lot n° 2 du marché de travaux, portant sur le gros oeuvre, avec le groupement composé de la société Saintot, aux droits de laquelle est venue la société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté, et de la société Campenon Bernard Région, aux droits de laquelle est venue la société Campenon Bernard Franche-Comté ; que les travaux ont connu d'importants retards ; que les sociétés Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une demande de provision, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que par une ordonnance du 29 septembre 2008, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur requête ; qu'elles ont relevé appel de cette ordonnance ; que par une ordonnance du 3 mars 2009, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif et a condamné, premièrement, le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à verser aux sociétés demanderesses une provision d'un montant de 391 494,26 euros, deuxièmement, la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie à garantir solidairement le centre hospitalier à hauteur d'un tiers de la condamnation prononcée à son encontre et troisièmement, la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie à se garantir réciproquement de la condamnation prononcée à leur encontre, à hauteur de 20 % pour la première et de 80 % pour la seconde ; que la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; que le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et la société Ingerop Conseil et Ingénierie ont formé chacun un pourvoi provoqué et un pourvoi incident ;

Sur le pourvoi principal :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ; qu'aux termes de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976 : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. ; qu'aux termes de l'article 50.31 : Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. ;

Considérant que les stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales, applicables au marché conclu le 18 juillet 1998, prévoient la mise en oeuvre d'une procédure de recours préalable avant la saisine du juge administratif ; que l'existence même de ce recours prévu au contrat fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé ; que, cependant, ce dernier peut être saisi dès lors qu'une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit parvenue à son terme ; que le moyen tiré de ce que ces stipulations seraient nulles car contraires à l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du seul fait qu'elles imposent un recours préalable avant la saisine du juge, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la fin de non-recevoir opposée par la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, au motif que la recevabilité d'une demande de provision ne serait pas subordonnée au respect des stipulations susmentionnées relatives à la procédure de réclamation préalable, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Sur les pourvois du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et de la société Ingerop Conseil et Ingénierie :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les pourvois incidents et provoqués formés par le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et la société Ingerop Conseil et Ingénierie sont sans objet ;

Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;

Considérant qu'il est constant que les sociétés Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté n'ont pas saisi le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, maître d'ouvrage, d'une réclamation préalable, rendue obligatoire par les stipulations des articles 50-22 et 50-31 du cahier des clauses administratives générales applicable au présent marché, avant de former leur demande de provision sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; qu'il en résulte que les conclusions présentées directement par ces sociétés devant le tribunal administratif étaient irrecevables ; qu'elles ne sont donc pas fondées à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée du 29 septembre 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie sont sans objet ;

Considérant que, devant le juge des référés du tribunal administratif, le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard n'était pas la partie perdante ; que les articles 3 et 4 de son ordonnance, qui mettent à la charge de cet établissement la même somme de 1 000 euros à verser à la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et à la société Ingerop Conseil et Ingénierie doivent donc être annulés ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre solidairement à la charge des sociétés Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté le versement à la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 de la somme de 3 000 euros ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions dirigées contre ces sociétés et présentées par les autres parties ;

Considérant que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit, en application de cet article, mise à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, de la société Ingerop Conseil et Ingénierie et de la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 3 mars 2009 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les pourvois provoqués et les pourvois incidents du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et de la société Ingerop Conseil et Ingénierie.

Article 3 : La requête des sociétés Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées en appel par le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 et la société Ingerop Conseil et Ingénierie.

Article 5 : Les articles 3 et 4 de l'ordonnance du 29 septembre 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon sont annulés.

Article 6 : Les sociétés Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté sont condamnées solidairement à verser la somme de 3 000 euros à la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les autres conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ARCHITECTURE GROUPE 6, à la société Eiffage construction Alsace Franche-Comté, à la société Campenon Bernard régions, au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et à la société Ingerop Conseil et Ingénierie.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326220
Date de la décision : 16/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - PROCÉDURES D'URGENCE - CONTRAT ADMINISTRATIF SE RÉFÉRANT AUX STIPULATIONS DU CCAG PRÉVOYANT UN RECOURS PRÉALABLE OBLIGATOIRE - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ DU RECOURS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF - Y COMPRIS EN RÉFÉRÉ - SEULEMENT APRÈS QU'UNE PARTIE A ENGAGÉ LA PROCÉDURE DE RECOURS PRÉALABLE [RJ1].

39-08-015 Stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG), applicables au marché en cours, prévoyant la mise en oeuvre d'une procédure de recours préalable avant la saisine du juge administratif. L'existence même de ce recours prévu au contrat fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé. Cependant, ce dernier peut être saisi dès lors qu'une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit parvenue à son terme.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE - CONTRAT ADMINISTRATIF SE RÉFÉRANT AUX STIPULATIONS DU CCAG PRÉVOYANT UN RECOURS PRÉALABLE OBLIGATOIRE - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ DU RECOURS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF - Y COMPRIS EN RÉFÉRÉ - SEULEMENT APRÈS QU'UNE PARTIE A ENGAGÉ LA PROCÉDURE DE RECOURS PRÉALABLE [RJ1].

54-01-02-01 Stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG), applicables au marché en cours, prévoyant la mise en oeuvre d'une procédure de recours préalable avant la saisine du juge administratif. L'existence même de ce recours prévu au contrat fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé. Cependant, ce dernier peut être saisi dès lors qu'une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit parvenue à son terme.

PROCÉDURE - PROCÉDURES D'URGENCE - RÉFÉRÉ-PROVISION - RECEVABILITÉ - CONTRAT ADMINISTRATIF SE RÉFÉRANT AUX STIPULATIONS DU CCAG PRÉVOYANT UN RECOURS PRÉALABLE OBLIGATOIRE - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ DU RECOURS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF - Y COMPRIS EN RÉFÉRÉ - SEULEMENT APRÈS QU'UNE PARTIE A ENGAGÉ LA PROCÉDURE DE RECOURS PRÉALABLE [RJ1].

54-03-015-02 Stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG), applicables au marché en cours, prévoyant la mise en oeuvre d'une procédure de recours préalable avant la saisine du juge administratif. L'existence même de ce recours prévu au contrat fait obstacle à ce qu'une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé. Cependant, ce dernier peut être saisi dès lors qu'une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit parvenue à son terme.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 12 octobre 2001, Société Produits Roche, n° 237376, p. 463.

Rappr. 10 juin 2009, Société de cogénération et de production de Boe, n° 322242, à mentionner aux tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2009, n° 326220
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:326220.20091216
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