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17/12/2009 | FRANCE | N°333057

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 décembre 2009, 333057


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 octobre 2009, présentée par M. Mamadou A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat ;

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Conakry (Guinée), refusant un visa de long séjour à son épou

se et à ses trois enfants, en qualité de membres de famille de réfugié statut...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 octobre 2009, présentée par M. Mamadou A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat ;

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Conakry (Guinée), refusant un visa de long séjour à son épouse et à ses trois enfants, en qualité de membres de famille de réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance des visas sollicités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors que perdure la séparation entre lui et sa famille ; qu'ils sont séparés depuis 10 ans alors que les enfants du requérant étaient tous mineurs lorsque celui-ci a fui la Guinée ; qu'ils n'ont pu se voir qu'à de rares occasions lors de voyages dans des pays tiers ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle est entachée d'un défaut de motivation ; qu'elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation à la fois du lien matrimonial avec son épouse et du lien de filiation avec ses enfants ; que l'administration n'apporte pas la preuve du caractère frauduleux des actes d'état civil produits, sur lequel elle fonde pourtant les refus de visas opposés à la famille du requérant ; que le requérant a indiqué à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lors de sa demande d'asile la composition de sa famille, l'identité de son épouse et celle de ses enfants ; qu'enfin, en prolongeant la séparation entre le requérant et sa famille, la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, cet éloignement portant atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, la décision contestée contrevient aux dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours présenté le 27 novembre 2008 par M. A à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'existe pas de doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle n'est pas entachée d'un défaut de motivation dès lors que le requérant ne justifie pas avoir expressément demandé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France communication des motifs de son refus ; qu'elle ne comporte pas d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, à la suite de vérifications effectuées à Conakry par un agent consulaire de l'ambassade, il apparaît que les actes de naissance et mariage fournis ne sont pas authentiques ; que les jugements supplétifs sont dépourvus de valeur probante ; que le caractère apocryphe des actes d'état civil produits est de nature à justifier les refus de visas opposés à la famille du requérant ; que la décision contestée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les liens matrimoniaux et de filiation ne sont pas prouvés ; qu'enfin, l'urgence n'est pas établie dès lors que les actes d'état civil fournis présentent un caractère apocryphe et que le requérant ne démontre pas avoir conservé des liens avec sa famille demeurée en Guinée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 14 décembre 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

- le représentant de la Cimade ;

- le représentant du ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que M. A ressortissant guinéen, ayant obtenu la qualité de réfugié en France en 2002, a demandé en 2006 l'autorisation de faire venir auprès de lui son épouse Mme Fatoumata Bah et leurs trois enfants Amadou né en 1988, Lamine né en 1993 et Salimatou né en 1997 ; qu'il demande la suspension de l'exécution de la décision par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait présenté dirigé contre le refus implicite en janvier 2008 du consul général de France à Conakry de délivrer un visa de long séjour à Mme A et aux trois enfants ;

Considérant que si des incohérences et des erreurs, notamment sur le format de l'acte de mariage le 15 juin 1982 des époux A et les numéros des actes de naissance des enfants Lamine et Salimatou, ont été justement relevées par l'administration consulaire dans les différents documents d'état civil produits à l'appui de la demande de visa, et si l'administration a relevé qu'étaient produits des jugements supplétifs sur la filiation des enfants en sus des actes d'état civil, le moyen tiré de ce que la contestation par les autorités consulaires de l'authenticité des documents produits ne serait pas suffisamment établie, paraît, en l'état de l'instruction, propre à faire douter de la légalité du refus de visa contesté ; qu'eu égard au délai écoulé depuis l'entrée en France de M. A, alors qu'il n'est pas contesté qu'il aide financièrement sa famille restée en Guinée, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ; que par suite M. A est fondé à demander la suspension de la décision contestée ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa présentée pour l'épouse et le fils de M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de janvier 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. Mamadou A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visas présentées pour l'épouse et les trois enfants de M. Mamadou A dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. Mamadou A en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mamadou A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 333057
Date de la décision : 17/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2009, n° 333057
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:333057.20091217
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