La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/12/2009 | FRANCE | N°306497

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 23 décembre 2009, 306497


Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cyrille A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet du 14 mai 2007 par laquelle le ministre de la défense a refusé l'effacement de son dossier de la décision du 11 janvier 2007, du rapport du 12 janvier 2004 ainsi que de son bulletin de punition et de tous autres éléments en rapport avec le jugement du 7 juin 2006, notamment la mention de la détention provisoire sur son livret de matricule ;

2°) de mettre

à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de...

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cyrille A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet du 14 mai 2007 par laquelle le ministre de la défense a refusé l'effacement de son dossier de la décision du 11 janvier 2007, du rapport du 12 janvier 2004 ainsi que de son bulletin de punition et de tous autres éléments en rapport avec le jugement du 7 juin 2006, notamment la mention de la détention provisoire sur son livret de matricule ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense, notamment ses articles L. 4123-8 et R. 4125-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le capitaine de l'armée de terre A a fait l'objet le 16 juillet 2003 d'une sanction de trente jours d'arrêts suivie d'un relèvement de ses fonctions de commandement et d'un déplacement d'office au terme duquel il a été affecté au groupement des services de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ; qu'il a subi une nouvelle mutation d'office le 16 février 2004 ; que ces mesures faisaient suite à une plainte pour viol déposée par la compagne d'un collègue ; que si l'intéressé a été relaxé par un jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 7 juin 2006, ce jugement établit néanmoins la matérialité des faits ; que M. A a demandé le 19 décembre 2006 à l'autorité militaire de retirer de son dossier le bulletin de punition du 16 juillet 2003 le compte-rendu accompagnant ce bulletin, le rapport du 12 janvier 2004 préalable à sa seconde mutation d'office, ainsi que tout élément ou pièce en rapport avec les faits ; que le général de corps d'armée, directeur du personnel militaire de l'armée de terre a adressé à l'intéressé une décision de refus datée du 11 janvier 2007 ; que M. A a saisi la commission de recours des militaires qui s'est déclarée incompétente et a transmis la demande au ministre de la défense ; que cette transmission a fait naître une décision implicite de rejet le 14 mai 2007 dont M. A demande l'annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du ministre en tant qu'elle refuse de retirer du dossier de M. A le bulletin de punition du 16 juillet 2003 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mention de la sanction disciplinaire de trente jours d'arrêts dont a fait l'objet M. A a été effacée de son dossier par une décision du 14 février 2008 ; que la requête de M. A tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense est donc devenue sans objet en tant que le ministre a refusé le retrait du dossier de l'intéressé du bulletin de punition susmentionné ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du ministre en tant qu'elle refuse de retirer du dossier de M. A les autres documents :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 4123-8 du code de la défense : le dossier individuel du militaire comporte toutes les pièces concernant la situation administrative de l'intéressé, les documents annexes relatifs aux décisions et avis à caractère statutaire ou disciplinaire ainsi que les feuilles de notation le concernant. / Ces différents documents sont enregistrés, numérotés et classés sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier individuel du militaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques de l'intéressé. Tout militaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ; que le dossier individuel du militaire ne saurait non plus faire état de faits dont le juge pénal a constaté l'inexistence ou relevé qu'ils ne pouvaient être imputables à l'intéressé ;

Considérant que si un militaire n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions par lesquelles l'autorité administrative accepte ou refuse de faire enregistrer, classer, numéroter et compléter les pièces de son dossier administratif, qui ne font pas par elle-même grief à l'intéressé, il est en revanche recevable quand il estime que les dispositions de l'article L. 4123-8 du code de la défense précité ou le principe susmentionné ont été méconnu, à déférer au juge administratif la décision par laquelle l'administration refuserait de procéder au retrait de son dossier des pièces qui, selon lui, ne peuvent légalement y figurer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A était par principe recevable à déférer au juge administratif la décision par laquelle le ministre de la défense a refusé de procéder au retrait de son dossier de la mention des faits ayant trait au jugement de relaxe rendu à son bénéfice par le tribunal correctionnel de Bobigny le 7 juin 2006 ;

Considérant que M. A ne peut utilement invoquer l'illégalité de la décision du 11 janvier 2007 à laquelle s'est substituée la décision implicite du ministre prise sur recours préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, par la décision attaquée le ministre de la défense a implicitement refusé de retirer plusieurs pièces du dossier individuel de M. A et notamment le rapport du 12 janvier 2004 établi par le commandant de la brigade des sapeurs pompiers de Paris dans le cadre d'une procédure de déplacement d'office, lequel faisait état des faits ayant justifié la traduction de l'intéressé devant la juridiction pénale ; que si M. A a bénéficié d'un jugement de relaxe, il ne résulte toutefois pas des mentions de ce jugement que le juge pénal ait constaté l'inexistence des faits invoqués à l'encontre du requérant ou jugé que ceux-ci ne lui étaient pas imputables ; que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'imposant aux administrations en ce qui concerne les constations de fait que les juges ont retenues que si elles sont le support nécessaire de leur décision, le rapport du 12 janvier 2004 n'était pas au nombre des pièces dont la présence dans le dossier individuel de l'intéressé était prohibée en vertu du principe mentionné ci-dessus ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à contester la présence à son dossier de ce rapport ni des mentions relatives à ces faits, à l'existence d'une procédure pénale à son encontre et d'une détention provisoire liée à ces mêmes faits ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A dirigées contre la décision implicite du 14 mai 2007 en tant qu'elle a refusé le retrait de son dossier des pièces en cause doivent être rejetée ; que doivent aussi être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. A dirigée contre la décision du ministre de la défense en tant qu'elle rejette sa demande d'effacement de son dossier du bulletin de punition du 16 juillet 2003.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Cyrille A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306497
Date de la décision : 23/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01 ARMÉES ET DÉFENSE. PERSONNELS DES ARMÉES. QUESTIONS COMMUNES À L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES. - DOSSIER INDIVIDUEL DU MILITAIRE (ART. L. 4123-8 DU CODE DE LA DÉFENSE) - CONTENU [RJ1] - INTERDICTION DE FAIRE ÉTAT DE FAITS DONT LE JUGE PÉNAL A CONSTATÉ L'INEXISTENCE OU LA NON IMPUTABILITÉ À L'INTÉRESSÉ.

08-01-01 Le dossier individuel du militaire ne peut mentionner, aux termes de l'article L. 4123-8 du code de la défense, des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques. Il ne saurait non plus faire état de faits dont le juge pénal a constaté l'inexistence ou relevé qu'ils ne pouvaient être imputables à l'intéressé.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de la possibilité de contester le refus de retirer certaines mentions du dossier mais non de contester le contenu même du dossier, 25 juin 2003, Mme Calvet, n° 251833, p. 291.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2009, n° 306497
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:306497.20091223
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award