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28/12/2009 | FRANCE | N°319736

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 28 décembre 2009, 319736


Vu le pourvoi, enregistré le 12 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Jean-Pierre A et de Mme Dominique C, agissant en qualité de mandataires à la liquidation judiciaire de la SA Ruwel Bayonne, l'arrêt

du 18 mars 2004 du préfet des Pyrénées-Atlantiques port...

Vu le pourvoi, enregistré le 12 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Jean-Pierre A et de Mme Dominique C, agissant en qualité de mandataires à la liquidation judiciaire de la SA Ruwel Bayonne, l'arrêté du 18 mars 2004 du préfet des Pyrénées-Atlantiques portant consignation d'une somme de 16 000 euros, et réformé sur ce point, le jugement du 26 juin 2006 du tribunal administratif de Pau ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thénault, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Ruwel Bayonne a été autorisée, par un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 24 juin 1999, à exploiter une usine de fabrication de circuits imprimés ; qu'elle a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 8 avril 2002 ; que des produits chimiques et des solvants étant toujours présents dans l'installation à la suite de la cessation d'activité, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris, le 21 juin 2002, à l'encontre des mandataires liquidateurs, un arrêté portant mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 34-1 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ; que s'il a été constaté par l'inspecteur des installations classées le 16 janvier 2004 que le site ne présentait plus de danger pour l'environnement, il a également été relevé par la suite que n'avait pas été produit le rapport définitif d'évaluation simplifiée des risques ; que le 18 mars 2004, le préfet a pris un nouvel arrêté à l'encontre des liquidateurs es qualités, portant consignation de la somme de 16 000 euros dans l'attente de la production de ce rapport ; que pour annuler cet arrêté, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que, n'ayant pas été précédé d'une procédure contradictoire, il avait été édicté en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...)./ Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables:/ 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...)/ 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 514-1 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut :/ 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites (...) ;/ 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ;/ 3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure prévue par le code de l'environnement, l'inobservation des conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, il appartient au préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé ; que l'article L. 514-1 laisse à l'autorité administrative le choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas d'inexécution de son injonction, la mise en demeure n'emportant pas, par elle-même, application de l'une de ces sanctions ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement, ces installations sont soumises à un contrôle de l'inspection des installations classées dont les constats, en cas d'inobservation des prescriptions imposées à l'exploitant, servent de fondement à la mise en demeure que le préfet est tenu d'adresser à l'exploitant, avant de prendre, le cas échéant, les mesures de consignation, d'exécution forcée des travaux ou de suspension du fonctionnement de l'installation, prévues à l'article L. 514-1 ; que si ces contrôles peuvent avoir lieu à tout moment, les inspecteurs des installations classées doivent informer l'exploitant quarante huit heures avant la visite, sauf contrôle inopiné, et l'exploitant peut se faire assister d'une tierce personne ; qu'en vertu de ce même article, l'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle ; que l'inspecteur lui transmet une copie de son rapport de contrôle et que l'exploitant peut faire part au préfet de ses observations ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions du code de l'environnement qu'elles organisent une procédure contradictoire particulière applicable aux sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; que les dispositions du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixent, en l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière, les règles générales de procédure applicables aux décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient dès lors être utilement invoquées à l'encontre d'un arrêté portant consignation d'une somme répondant du montant des travaux à réaliser prise sur le fondement du I de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que l'arrêté de consignation contesté avait été pris au terme d'une procédure irrégulière au motif qu'il appartenait au préfet, en l'absence d'urgence ou de circonstances exceptionnelles établies ou même alléguées, de mettre au préalable les mandataires liquidateurs en mesure de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur leur demande, des observations orales, en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est par suite fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, à M. Jean-Pierre A et à M. Dominique B, en qualité de mandataires à la liquidation judiciaire de la société Ruwel Bayonne.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02 NATURE ET ENVIRONNEMENT. INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT. RÉGIME JURIDIQUE. - PROCÉDURE DE SANCTION PRÉVUE AUX ARTICLES L. 514-1 ET L. 514-5 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE PARTICULIÈRE - CONSÉQUENCE - APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 24 DE LA LOI DU 12 AVRIL 2000 - ABSENCE.

44-02-02 Il ressort des dispositions des articles L. 514-1 et L. 514-5 du code de l'environnement qu'elles organisent une procédure contradictoire particulière applicable aux sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement. Les dispositions du premier alinéa de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, qui fixent, en l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière, les règles générales de procédure applicables aux décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ne sauraient dès lors être utilement invoquées à l'encontre d'un arrêté portant consignation d'une somme répondant du montant des travaux à réaliser, pris sur le fondement du I de l'article L. 514-1 du code de l'environnement.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 déc. 2009, n° 319736
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Rapporteur public ?: M. Roger-Lacan Cyril

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 28/12/2009
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 319736
Numéro NOR : CETATEXT000021630767 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-12-28;319736 ?
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