La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2009 | FRANCE | N°304186

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 304186


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars 2007 et 17 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Philippe A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er février 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 26 février 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont

été assujettis au titre des années 1994 et 1995, et, d'autre part, à l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars 2007 et 17 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Philippe A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 1er février 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 26 février 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995, et, d'autre part, à la décharge demandée ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions supplémentaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'EURL Biocenter créée le 27 octobre 1994 et dont Mme A était la gérante et l'associée unique, le foyer fiscal des époux A a été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1994 et 1995 du chef de la remise en cause par l'administration fiscale du bénéfice de l'exonération ou de l'atténuation d'impôt prévu en faveur des entreprises nouvelles par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, régime fiscal sous lequel cette société s'était placée ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 1er février 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 26 février 2002 du tribunal administratif de Dijon rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 et, d'autre part, à la décharge des compléments d'imposition en litige ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...). / Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de ladite ordonnance sont envoyés à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant la date de la clôture fixée par l'ordonnance (...) ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparer ses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A ont adressé un nouveau mémoire à la cour administrative d'appel de Lyon le 5 janvier 2007, après la clôture de l'instruction fixée au 7 juillet 2006 par une ordonnance du président de la formation de jugement du 1er juin 2006 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce nouveau mémoire, dans lequel les contribuables soutenaient avoir demandé communication des documents ayant servi de base aux impositions supplémentaires avant la mise en recouvrement des impositions, comportait des circonstances de droit ou des éléments de fait nouveaux dont les requérants n'auraient pas été en mesure de faire état dans leurs précédentes productions devant la cour ; qu'il s'en suit qu'après avoir examiné cette pièce de procédure et lui avoir conféré cette portée, la cour a fait une exacte application des règles prévues par l'article R. 613-1 du code de justice administrative et a suffisamment motivé son arrêt en se bornant à viser ce mémoire dans son arrêt, sans l'analyser, et en estimant qu'en l'absence de mention d'éléments nouveaux, cette pièce, versée aux débats après la clôture de l'instruction, n'avait pas à être communiquée au défendeur ;

Considérant, en second lieu, que si les requérants font valoir devant le juge de cassation que la procédure suivie devant la cour aurait été irrégulière au seul motif que le dossier ne comportait pas la preuve de ce que l'ampliation de l'ordonnance, mentionnée ci-dessus, du président de la 2ème chambre de la cour leur a été régulièrement notifiée, ils ne soutiennent ni n'allèguent ne pas avoir reçu le courrier du greffe de la cour comportant notification de cet acte de procédure ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué aurait été rendu à la suite d'une procédure entachée d'irrégularité ne peut qu'être écarté ; qu'enfin, M. et Mme A ne peuvent utilement invoquer, en l'absence de contestation propre aux pénalités, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'en outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la notification de redressements, une information sur les redressements qu'il pourrait envisager ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, sur le fondement de l'instruction, d'une part, que la vérification de comptabilité s'est déroulée au siège de l'entreprise du 24 septembre au 18 novembre 1997 en présence de Mme A, gérante de la société Biocenter et, d'autre part, que le vérificateur a rencontré celle-ci à trois reprises ; qu'en déduisant de ces éléments, qu'ils ont souverainement appréciés, que M. et Mme A ne démontraient pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue avec elle, et en jugeant que le vérificateur n'était pas tenu de donner à la représentante de la société, avant l'envoi de la notification de redressements, une information sur les rappels d'impôt qu'il envisageait de mettre à sa charge, les juges du fond n'ont ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant, en second lieu, que la garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de saisir l'interlocuteur départemental, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 du même code ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les impositions supplémentaires contestées par les requérants ont été mises à leur charge à la suite d'un contrôle sur pièce de leur dossier fiscal, dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences des redressements notifiés à la société Biocenter ; que par suite, après avoir relevé dans les motifs de son arrêt que seule la société Biocenter a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle Mme A a d'ailleurs rencontré l'interlocuteur départemental à sa demande en sa qualité de gérante de cette société, la cour a pu juger sans entacher son arrêt d'erreur de droit que, compte tenu de la nature de la procédure d'imposition suivie à leur encontre, M. et Mme A n'avaient pas à être reçus à titre personnel par l'interlocuteur départemental ;

En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 1994 : I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié, ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération (...) / II. Le capital des sociétés nouvelles ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 p. cent par d'autres sociétés. / Pour l'application de l'alinéa précédent, le capital d'une société nouvelle est détenu indirectement par une autre société lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : / - un associé exerce en droit ou en fait la fonction de gérant ou de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une autre société ; / - un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 p. cent au moins des droits sociaux dans une autre entreprise ; / - un associé exerce des fonctions dans une entreprise dont l'activité est similaire ou complémentaire à celle de l'entreprise nouvelle. / III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I. ; qu'il résulte des dispositions précitées que la condition prévue au II de l'article 44 sexies doit être remplie dès la création de l'entreprise ; que par ces dispositions, le législateur a entendu exclure du bénéfice du régime des entreprises nouvelles celles qui sont détenues directement ou indirectement, pour plus de 50 p. 100, par une ou plusieurs autres sociétés et précisé que la condition de détention indirecte était remplie lorsqu'un associé détient, avec les membres de son foyer fiscal, 25 p. 100 au moins des droits sociaux dans une autre entreprise ; que cette disposition, dans sa rédaction en vigueur au cours des années d'imposition en litige, trouve à s'appliquer alors même que les activités respectivement exercées par les sociétés en cause ne sont ni similaires ni complémentaires ;

Considérant que la cour a relevé, en portant sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que M. A détenait, avant la création de l'EURL Biocenter le 27 octobre 1994, 50 % des parts d'une autre société, dénommée SARL Aquarelle et, d'autre part, que si les requérants soutiennent que M. A aurait cédé ses parts à son beau-père par un acte sous seing privé du 24 octobre 1994, la cession invoquée n'a été soumise à la formalité d'enregistrement prévue à l'article 635 du code général des impôts que le 6 février 1996 ; qu'en en déduisant, en l'absence de tout autre élément de nature à établir de manière certaine la date de cession, que la cession dont se prévalaient les requérants ne pouvait être regardée comme établie avant cette date, et n'était dès lors pas opposable à l'administration au titre des années 1994 et 1995, de sorte que cette dernière était fondée à remettre en cause le bénéfice des dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts au titre de ces deux années, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en dernier lieu, qu'après avoir relevé dans les motifs de son arrêt que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales, la cour a pu juger, sans entacher son arrêt d'erreur de droit ni d'insuffisance de motivation, que, si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Philippe A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 304186
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 304186
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:304186.20091230
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award