La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2009 | FRANCE | N°304387

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 304387


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 3 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Albert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé conjointement avec son ex-épouse, tendant à l'annulation du jugement du 17 mai 2004 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont ét

assujettis au titre des années 1987 et 1988, et des pénalités correspo...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 3 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Albert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé conjointement avec son ex-épouse, tendant à l'annulation du jugement du 17 mai 2004 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1988, et des pénalités correspondantes ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, et de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. Albert A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de M. Albert A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme A, gérants de la SARL Navers, ont été taxés d'office à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987 en application des articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales, faute d'avoir déposé une déclaration d'ensemble de leurs revenus malgré l'envoi de deux mises en demeure ; que s'agissant des revenus de l'année 1988, l'administration fiscale leur a notifié des redressements en matière de salaires et a taxé d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée des sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, faute pour M. et Mme A d'avoir répondu à la demande de justifications du 27 avril 1990 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé conjointement avec son ex-épouse, tendant à l'annulation du jugement du 17 mai 2004 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles les contribuables ont été assujettis au titre des années 1987 et 1988, et des pénalités correspondantes ;

En ce qui concerne les redressements établis au titre de 1987 :

Considérant en premier lieu que le moyen tiré de ce que les juges d'appel n'auraient pas répondu aux justifications produites par M. A devant eux, s'agissant du produit de la vente d'un canapé et d'un tableau pour un montant total de 165 000 francs, manque en fait ; que d'ailleurs, ces justifications étaient inopérantes, dès lors que l'administration avait admis ces justifications et n'avait pas imposé les sommes en cause ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / (...) c Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts. (...) ; que si M. A fait valoir que son épouse avait quitté le domicile conjugal, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier soumis aux juges du fond que toute vie commune avait cessé dès 1987 entre les époux A, qui ont d'ailleurs été soumis en 1988 au régime de l'imposition commune conformément à leurs déclarations sur ce point ; qu'ainsi, les juges d'appel n'ont pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que M. A n'apportait pas la preuve, par la seule production d'une assignation en divorce à la requête de Mme A, que celle-ci aurait abandonné le domicile conjugal, au sens des dispositions précitées du c du 4 de l'article 6 du code général des impôts, dès le 9 mai 1987 ;

Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. (...) ; que, pour satisfaire à ces exigences, l'administration fiscale peut se borner à indiquer, dans la notification, le montant global des crédits bancaires taxés d'office et à se référer à la lettre par laquelle elle avait, au préalable, demandé à l'intéressé des justifications sur la liste détaillée de ces crédits dès lors, du moins, que le montant global des revenus d'origine indéterminée figurant dans la notification correspond au total des crédits bancaires ainsi énumérés ; que le montant global des sommes taxées d'office dans la notification du 20 juin 1990 relative aux revenus de l'année 1987, soit 1 014 073 francs, était le même que celui des divers crédits bancaires pour lesquels M. et Mme A avaient été invités à produire des justifications par la lettre du 2 mars 1990, à laquelle la notification de redressements faisait expressément référence ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas dénaturé les faits en jugeant que la notification de redressements était suffisamment motivée même si elle comportait, il est vrai, une erreur s'agissant de la totalisation des diverses opérations de crédit qu'il était demandé aux contribuables de justifier ;

En ce qui concerne les redressements établis au titre de 1988 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant que pour écarter le moyen relatif au bien-fondé de l'imposition, les juges d'appel ont omis de prendre en considération les pièces justificatives produites par M. A dans son mémoire en réplique, qui porte sur des sommes précisément identifiées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il est relatif à l'imposition des revenus de l'année 1988 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur l'appel de M. A en tant qu'il est relatif aux redressements ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que le service a demandé aux époux A par lettre du 27 avril 1990 de justifier une somme de 492 108 francs et d'une liste d'opérations d'un montant de 517 763 francs, soit une somme totale de 1 009 871 francs ; que les contribuables, n'ayant pas répondu à cette demande, ont été taxés d'office ; que la notification de redressements du 8 août 1990, qui se réfère à la lettre du 27 avril 1990, taxe une somme globale de 721 379 francs, inférieure au total des sommes sur lesquelles l'administration fiscale a préalablement invité les époux A à s'expliquer ; que si la demande de justifications se bornait à mentionner un compte courant sans préciser l'identité de la société dans laquelle était détenu ce compte, il ne ressort pas de l'instruction que M. A aurait été détenteur d'un compte courant dans une autre société que la société Navers ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressements au regard des exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être rejeté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que M. A justifie, par la production d'un extrait des écritures comptables d'une étude notariale, le paiement d'une indemnité d'immobilisation et d'un dépôt de garantie à hauteur de 150 000 francs ; qu'en revanche, l'attestation établie par la société France Boissons, produite par le requérant, ne suffit pas à établir que la somme de 100 000 francs versée à M. A n'était qu'une avance sur un prêt ultérieurement consenti par la banque SOGENAL ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réduire la base imposable de M. et Mme A au titre de 1988 de la somme de 22 867,35 euros (150 000 francs) et de prononcer la décharge des impositions et pénalités correspondantes ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 janvier 2007 est annulé en tant qu'il est relatif à la taxation d'office des revenus d'origine inexpliquée au titre de l'année 1988.

Article 2 : La base imposable de M. et Mme A au titre de l'année 1988 est réduite à hauteur de 22 867,35 euros. Les contribuables sont déchargés des impositions et pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mai 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Albert A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 2009, n° 304387
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/12/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 304387
Numéro NOR : CETATEXT000021630633 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-12-30;304387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award