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30/12/2009 | FRANCE | N°305449

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 305449


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 10 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BEAUTE CREATEURS, dont le siège social est situé 105 rue Anatole France à Levallois-Perret ; la SOCIETE BEAUTE CREATEURS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 17 décembre 2003 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la réduction des cotisations supplé

mentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 10 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BEAUTE CREATEURS, dont le siège social est situé 105 rue Anatole France à Levallois-Perret ; la SOCIETE BEAUTE CREATEURS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 17 décembre 2003 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1992 et 1993 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BEAUTE CREATEURS,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE BEAUTE CREATEURS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1992, 1993 et 1994, la SA BEAUTE CREATEURS (SBC), filiale de la société L'Oréal qui exerce depuis 1986 une activité de vente par correspondance de produits cosmétiques, s'est vu notifier divers redressements en matière d'impôt sur les sociétés ; que le vérificateur a notamment remis en cause la déduction de frais de dépôt, d'acquisition et de surveillance de marques, au motif qu'il s'agissait de dépenses à immobiliser, ainsi que la déduction de redevances versées en rémunération de l'utilisation d'autres marques, au motif que les droits concédés avaient le caractère d'éléments incorporels de l'actif immobilisé ; que la SBC se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 mars 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2003, a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 1992 et 1993 en conséquence de ces redressements ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que la SBC n'est pas fondée à soutenir qu'en jugeant que le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de ce que l'administration fiscale avait rectifié l'actif net des exercices en litige sans corriger parallèlement le passif correspondant, la cour aurait elle-même omis de se prononcer sur ce moyen, dès lors que le moyen relatif à la rectification des écritures de bilan de la société n'était soulevé devant elle qu'à l'appui de la contestation de la régularité du jugement ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que c'est, sans commettre d'erreur de droit, et par une appréciation souveraine qui n'est arguée d'aucune dénaturation, que la cour a jugé que la notification de redressements était suffisamment motivée ;

En ce qui concerne le bien-fondé des redressements :

Sur la contestation du principe de l'immobilisation des marques :

Considérant qu'en jugeant que la société requérante ne pouvait utilement faire valoir, pour contester l'application de la loi fiscale dont découlent les redressements en litige, que l'application du principe d'activation des charges conduisait à des résultats incohérents et incompatibles avec le principe de l'annualité de l'impôt, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a implicitement mais nécessairement écarté le moyen de la société relatif au principe de l'annualité de l'impôt ;

Sur l'immobilisation des frais de procédure et de surveillance :

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : (...) / Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers ;

Considérant que l'enregistrement d'une marque, qui confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les biens ou services qu'il a désignés, produit, en principe, ses effets pendant une période de dix ans renouvelable, à compter de la date du dépôt de la demande ; que les droits attachés à cette propriété, qui sont ainsi dotés d'une pérennité suffisante, constituent, à l'avantage de l'entreprise qui les détient et peut les céder ou les concéder en tout ou partie à des tiers, une source régulière de profits de nature à les faire regarder comme un élément incorporel de son actif immobilisé ; que les dépenses qui s'intègrent à la valeur comptable d'un tel élément sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel celui-ci doit être inscrit à l'actif du bilan, conformément aux dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ;

Considérant que les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque, à seule fin de maintenir la valeur de celle-ci, sans prolonger la durée des droits concédés ou en accroître la valeur, notamment par l'acquisition d'une clientèle ou la restriction de la concurrence commerciale, ne sauraient être regardés comme des éléments du prix de revient pour lequel cette marque doit être inscrite à l'actif du bilan et sont donc déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés ; que, par suite, en jugeant que constituaient des frais d'acquisition de marques devant être immobilisés, non seulement les frais et redevances engagés pour l'acquisition des droits mais également les frais accessoires directement exposés pour la seule conservation de ces droits, la cour a commis une erreur de droit ;

Sur l'immobilisation des droits concédés à la SBC :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à ce chef de redressement ;

Considérant que doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise, les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ou d'une concession ; qu'en déduisant de la seule durée des cinq contrats de concession de licence conclus par la société L'Oréal avec diverses sociétés et personnes physiques afin que sa filiale commercialise ses produits sous les marques constituées par leurs noms, que les droits qui en résultaient étaient dotés d'une pérennité suffisante sans examiner les modalités de leur renouvellement, de leur résiliation ou de leur dénonciation, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SBC est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 5 mars 2007 en tant qu'il a statué sur les chefs de redressements correspondant à la réintégration, dans les résultats des exercices clos en 1992 et 1993, des frais de procédure et de surveillance ainsi que des redevances versées au titre des droits qui lui étaient concédés ;

Sur les conclusions présentées par la SBC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 mars 2007 est annulé en tant qu'il a statué sur les chefs de redressements correspondant à la réintégration, dans les résultats des exercices clos en 1992 et 1993, des frais de procédure et de surveillance ainsi que des redevances versées au titre des droits concédés à la SBC.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans les limites de la cassation définies à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE BEAUTE CREATEURS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BEAUTE CREATEURS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 305449
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ÉVALUATION DE L'ACTIF - THÉORIE DU BILAN - ACTIF SOCIAL - ACTIF IMMOBILISÉ - ELÉMENTS INCORPORELS - DROITS ATTACHÉS À UNE MARQUE ACQUISE OU CRÉÉE ET DÉPOSÉE PAR L'ENTREPRISE - INCLUSION [RJ1] - VALEUR À INSCRIRE AU BILAN (ART - 38 QUINQUIES DE L'AN - III AU CGI) - FRAIS EXPOSÉS POSTÉRIEUREMENT AU DÉPÔT OU À L'ACQUISITION DE LA MARQUE - À SEULE FIN DE MAINTENIR LA VALEUR DE CELLE-CI - EXCLUSION.

19-04-02-01-03-01-01 L'enregistrement d'une marque, qui confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les biens ou services qu'il a désignés, produit, en principe, ses effets pendant une période de dix ans renouvelable, à compter de la date du dépôt de la demande. Les droits attachés à cette propriété, qui sont ainsi dotés d'une pérennité suffisante, constituent, à l'avantage de l'entreprise qui les détient et peut les céder ou les concéder en tout ou partie à des tiers, une source régulière de profits de nature à les faire regarder comme un élément incorporel de son actif immobilisé. Les dépenses qui s'intègrent à la valeur comptable d'un tel élément sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel celui-ci doit être inscrit à l'actif du bilan, conformément aux dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts (CGI). Toutefois, les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque, à seule fin de maintenir la valeur de celle-ci, sans prolonger la durée des droits concédés ou en accroître la valeur, notamment par l'acquisition d'une clientèle ou la restriction de la concurrence commerciale, ne sauraient être regardés comme des éléments du prix de revient pour lequel cette marque doit être inscrite à l'actif du bilan et sont donc déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - CHARGES DIVERSES - CHARGES DÉDUCTIBLES - FRAIS EXPOSÉS POSTÉRIEUREMENT AU DÉPÔT OU À L'ACQUISITION D'UNE MARQUE - À SEULE FIN DE MAINTENIR LA VALEUR DE CELLE-CI - INCLUSION.

19-04-02-01-04-09 L'enregistrement d'une marque, qui confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les biens ou services qu'il a désignés, produit, en principe, ses effets pendant une période de dix ans renouvelable, à compter de la date du dépôt de la demande. Les droits attachés à cette propriété, qui sont ainsi dotés d'une pérennité suffisante, constituent, à l'avantage de l'entreprise qui les détient et peut les céder ou les concéder en tout ou partie à des tiers, une source régulière de profits de nature à les faire regarder comme un élément incorporel de son actif immobilisé. Les dépenses qui s'intègrent à la valeur comptable d'un tel élément sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel celui-ci doit être inscrit à l'actif du bilan, conformément aux dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts. Toutefois, les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque, à seule fin de maintenir la valeur de celle-ci, sans prolonger la durée des droits concédés ou en accroître la valeur, notamment par l'acquisition d'une clientèle ou la restriction de la concurrence commerciale, ne sauraient être regardés comme des éléments du prix de revient pour lequel cette marque doit être inscrite à l'actif du bilan et sont donc déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés.


Références :

[RJ1]

Cf. 31 janvier 1997, Sté Saint-Gobain vitrage international, n° 158678, p. 31.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 305449
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:305449.20091230
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