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30/12/2009 | FRANCE | N°312901

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 312901


Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que celle-ci, faisant partiellement droit à l'appel de la SARL DBI +, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles la société a été assujettie au titre des années 1995, 1996 et 1997 à

raison de la réintégration dans ses résultats des indemnités kilométriques...

Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que celle-ci, faisant partiellement droit à l'appel de la SARL DBI +, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles la société a été assujettie au titre des années 1995, 1996 et 1997 à raison de la réintégration dans ses résultats des indemnités kilométriques versées à son dirigeant ainsi que de l'amende infligée en application de l'article 1734 bis du code général des impôts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure l'appel de la SARL DBI + contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL DBI + a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 1996 à 1998 ; qu'à la suite de cette vérification, l'administration a notifié à la société d'une part, des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chacun des exercices vérifiés, d'autre part, l'amende prévue à l'article 1734 bis du code général des impôts, alors applicable, la société s'étant abstenue de déposer le relevé de ses frais généraux ; que le tribunal administratif de Marseille, par un jugement du 10 mai 2004, a rejeté la demande de la SARL DBI + tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % et de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités mises à sa charge ; que, toutefois, par un arrêt du 6 décembre 2007, la cour administrative d'appel de Marseille a accordé à la société la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % correspondant à la réintégration, dans les résultats imposables des exercices vérifiés, des indemnités kilométriques forfaitaires versées au gérant de la société et, d'autre part, de l'amende prononcée en application de l'article 1734 bis du code général des impôts ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt en tant qu'il a fait partiellement droit aux conclusions de la SARL DBI + ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; que lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration ; que l'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise ;

Considérant que postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle sur place, intervenu le 28 juin 1999, et avant la notification des redressements, le vérificateur a adressé à la société le 30 juin 1999 une demande d'informations qui portait notamment sur le montant des indemnités kilométriques forfaitaires versées au gérant de la société au cours de l'exercice clos en 1995, précédant le premier exercice vérifié et objet de redressements ; que si la cour administrative d'appel de Marseille, qui a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer, a estimé à bon droit que cette demande d'informations devait être rattachée à la vérification de comptabilité, elle a entaché son arrêt d'erreur de droit en déduisant de cette seule circonstance que la procédure d'imposition était irrégulière au motif que les informations ainsi recueillies n'avaient pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sans rechercher si la teneur, la portée et l'usage fait par l'administration de ces informations justifiaient un tel débat ; que les articles 1er à 3 de son arrêt doivent donc être annulés ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur les moyens d'appel présentés par la SARL DBI + pour contester la réintégration des indemnités kilométriques ;

Considérant que si la SARL DBI + soutient que son gérant n'a rencontré le vérificateur qu'une seule fois au siège de la société, le 31 mai 1999, au début des opérations de vérification, l'administration indique les dates de cinq autres réunions sur place que le vérificateur a tenues au cours des opérations ; que la société n'établit pas que le vérificateur lui aurait refusé le débat oral et contradictoire auquel elle avait droit au cours des opérations sur place ; que contrairement à ce que prétend la société, aucune disposition n'impose à l'administration d'effectuer son contrôle exclusivement sur place ; que la demande de renseignements adressée le 30 juin 1999 porte sur le montant des indemnités kilométriques forfaitaires versées en 1995 au gérant ; que si elle vise des informations issues de la comptabilité de l'exercice antérieur aux trois exercices vérifiés, elle se rattache par son objet à la vérification de comptabilité au cours de laquelle le vérificateur avait relevé le montant excessif des indemnités kilométriques forfaitaires attribuées au gérant au titre des années 1996 à 1998 par comparaison avec les remboursements des dépenses effectives de déplacement dont l'intéressé avait bénéficié en 1993 et 1994 avant l'institution des allocations d'indemnités kilométriques forfaitaires ; que les informations recueillies en réponse à la demande de renseignements se rattachaient à un exercice prescrit et n'ont donné lieu à aucun report ou reprise sur les exercices vérifiés ; qu'elles ont été utilisées par l'administration uniquement pour apprécier, année après année, l'évolution des indemnités kilométriques au cours de la période courant de 1993 jusqu'au dernier exercice vérifié ; que, dès lors, ces informations ne justifiaient pas la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la SARL DBI + tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1996, 1997 et 1998 à raison du redressement relatif aux indemnités kilométriques ne peuvent qu'être rejetées ; que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 6 décembre 2007 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions d'appel de la SARL DBI + sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SARL DBI +.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312901
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE. - DÉBAT ORAL ET CONTRADICTOIRE - PIÈCES OBTENUES PAR LE VÉRIFICATEUR APRÈS LA FIN DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE SUR PLACE - 1) PRÉSOMPTION D'ABSENCE DE DÉBAT ORAL ET CONTRADICTOIRE SUR CES PIÈCES - PREUVE CONTRAIRE À LA CHARGE DE L'ADMINISTRATION - 2) ABSENCE DE DÉBAT ORAL ET CONTRADICTOIRE - CONSÉQUENCES SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION - ABSENCE - EXCEPTION - PIÈCES IMPLIQUANT LA RÉOUVERTURE DU DÉBAT ORAL ET CONTRADICTOIRE SUR LA COMPTABILITÉ DE L'ENTREPRISE [RJ1].

19-01-03-01-02-03 Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur le champ de la garantie tenant à l'existence d'un débat oral et contradictoire, 22 novembre 2006, Min. c/ M. et Mme Bozzi, n° 280252, T. pp. 807-808 ;

28 novembre 2003, Min. c/ SA Tekelec Airtronic, n° 255954, p. 465.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 312901
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:312901.20091230
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