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30/12/2009 | FRANCE | N°313281

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 313281


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL MORGAN VERNEX, dont le siège est domicilié BP 449 à Papeete (98713), représentée par son gérant ; la SARL MORGAN VERNEX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant

la condamnation de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL MORGAN VERNEX, dont le siège est domicilié BP 449 à Papeete (98713), représentée par son gérant ; la SARL MORGAN VERNEX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 13 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française à lui verser la somme de 121 769 239 F CFP assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt de sa demande en réparation du préjudice que lui ont causé les fautes commises par la collectivité lors de l'organisation des procédures d'appel d'offres de novembre 2003 et février 2004 attribuant le contingent d'importation du riz blanc de première nécessité sur le territoire de la collectivité ainsi qu'en abrogeant, le 15 juillet 2004, l'arrêté du conseil des ministres du 18 février 1994 instituant ce contingentement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL MORGAN VERNEX et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL MORGAN VERNEX et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française ;

Considérant que la SARL MORGAN VERNEX était attributaire de 75 % du contingent d'approvisionnement de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française en riz blanc de première nécessité attribué pour l'année 2004 ; qu'après l'organisation de deux procédures d'appel d'offres en novembre 2003 et février 2004 et l'abrogation, le 15 juillet 2004, de l'arrêté du 18 février 1994 du conseil des ministres de la Polynésie française organisant cette procédure d'appel d'offres, la SARL MORGAN VERNEX a demandé à la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi de ces différents faits ; que par un jugement du 25 avril 2006 du tribunal administratif de la Polynésie française, confirmé par un arrêt du 13 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris contre lequel la SARL MORGAN VERNEX se pourvoit en cassation, les conclusions indemnitaires de cette société ont été rejetées ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier transmis par la cour administrative d'appel de Paris que la lettre avertissant le mandataire de la SARL MORGAN VERNEX du jour de l'audience de la cour au cours de laquelle sa requête serait examinée a été remise à l'intéressé le 17 octobre 2007 ; qu'à la date de l'audience de la cour, qui s'est tenue le 23 octobre 2007, un délai de sept jours francs ne s'était pas écoulé depuis cet avertissement ; que la circonstance que l'avis d'audience a été envoyé par le greffe de la cour dès le 10 octobre 2007 est sans incidence sur l'irrégularité ainsi commise ; qu'il est par ailleurs constant que la SARL MORGAN VERNEX n'a été ni présente, ni représentée à l'audience ; que l'arrêt attaqué ayant ainsi été rendu en méconnaissance de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, la SARL MORGAN VERNEX est fondée à en demander l'annulation sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française :

Considérant, en premier lieu, que, lors de sa séance du 17 novembre 2003, la commission de répartition des contingents des produits de première nécessité a accordé pour l'année 2004 à la SARL MORGAN VERNEX 75 % du contingent d'importation du riz blanc de première nécessité sur le territoire de la Polynésie française et 25 % de ce contingent à la société Coutimex ; que la SARL MORGAN VERNEX estime avoir subi un préjudice résultant de la désaffection des consommateurs pour le riz de première nécessité du fait que le riz importé par la société Coutimex s'est révélé être de mauvaise qualité ; qu'aux termes de l'article 9 du cahier des clauses générales applicables aux appels d'offres à l'importation et à la distribution au stade de gros de certains produits de première nécessité, établi le 14 octobre 2003 par le ministre de l'économie et des finances, la commission de répartition choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte non seulement de la qualité, de la source d'approvisionnement et du prix du produit mais également des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des concurrents ainsi que de leur expérience acquise en Polynésie française ; que si la commission devait sélectionner une offre en fonction de la qualité du riz proposé et n'en était pas dispensée par les dispositions de l'article 21 du même cahier en vertu duquel l'attributaire est seul responsable de la marchandise livrée et par celles du IV du cahier des prescriptions qualitatives applicable à l'importation du riz sur le fondement duquel un certificat de conformité établi dans le pays fournisseur doit être adressé par l'importateur à la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française à chaque arrivage, la société requérante n'établit pas que la commission de répartition n'aurait pas respecté la clause de l'article 9 relative à la qualité du produit pour apprécier les offres ; que, par suite, à supposer même qu'il existerait un lien de causalité direct et certain entre le comportement de la collectivité et le préjudice allégué, c'est à bon droit que le tribunal administratif a relevé qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Polynésie française ne pouvait être retenue à l'encontre de celle-ci du fait de sa décision d'accorder un contingent d'importation de riz à la société Coutimex ;

Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé pour vice de procédure, par un jugement du 7 septembre 2004 devenu définitif, la décision de la commission de répartition du 18 février 2004 accordant à la société Wing Chong les 25 % du contingent d'importation de riz qui avait été réservé par la précédente décision à la société Coutimex ; que la SARL MORGAN VERNEX qui avait elle-même présenté une offre pour l'attribution de ce contingent, estime avoir subi un préjudice résultant de l'avantage ainsi donné à la société Wing Chong d'écouler un riz dont, au surplus, les consommateurs avaient l'habitude du fait des licences d'importation accordées auparavant à cette société ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que la décision d'attribution litigieuse ne peut pas être la cause du préjudice allégué par la SARL MORGAN VERNEX, dès lors qu'elle n'a pas eu pour effet de diminuer le contingent d'importation de riz déjà attribué à la société requérante, à hauteur de 75 %, et que cette dernière n'avait aucun droit à bénéficier d'un monopole d'importation ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la faute commise par la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française à cette occasion était sans lien direct avec le préjudice invoqué par la société requérante ;

Considérant, en troisième lieu, que le conseil des ministres de la Polynésie française a abrogé, le 15 juillet 2004, l'arrêté du 18 février 1994 ayant institué une procédure d'appel d'offres à l'importation du riz blanc de première nécessité ; que les bénéficiaires d'un contingent d'importation accordé en application de cette règlementation ne se trouvent pas dans une situation contractuelle vis-à-vis de l'administration, ni n'ont acquis de droit au maintien de ce contingent ; que la SARL MORGAN VERNEX estime avoir subi un préjudice résultant de la chute des ventes du riz qu'elle importait du fait que l'autorité investie du pouvoir réglementaire n'a pas édicté les mesures transitoires qu'impliquait pour un motif de sécurité juridique l'abrogation de la réglementation alors en vigueur pour lui permettre de s'adapter aux nouvelles conditions de marché en résultant, compte tenu notamment des stocks qu'elle avait été tenue de constituer ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la diminution des ventes de riz blanc est intervenue dès le début de l'année 2004, en raison de la modification des habitudes de consommation de la population, et que la SARL MORGAN VERNEX a pu continuer de vendre sur le marché le riz dont elle a continué d'importer certaines quantités après l'abrogation de l'arrêté du 18 février 1994 ; que la licence d'importation dont bénéficiait la SARL MORGAN VERNEX n'aurait duré en tout état de cause qu'une année ; que l'abrogation de la procédure de contingentement n'a, dès lors, pas porté d'atteinte excessive à la situation de la SARL MORGAN VERNEX eu égard au motif d'intérêt général tenant au rétablissement de la confiance de la population dans les sources d'approvisionnement en denrées alimentaires sur lequel cette abrogation est fondée ; qu'ainsi, la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française n'a commis aucune faute en s'abstenant d'assortir son arrêté d'abrogation de mesures transitoires ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'existence d'un préjudice anormal et spécial lié à l'abrogation du régime de contingentement n'est pas établi ; que, par suite, les conclusions de la SARL MORGAN VERNEX tendant à la mise en cause de la Polynésie française sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques doivent être écartées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la SARL MORGAN VERNEX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SARL MORGAN VERNEX de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL MORGAN VERNEX le versement à la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française de la somme de 3 000 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 13 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi et la requête présentée par la SARL MORGAN VERNEX devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetés.

Article 3 : La SARL MORGAN VERNEX versera à la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL MORGAN VERNEX et à la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française. Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 313281
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 313281
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:313281.20091230
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