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30/12/2009 | FRANCE | N°314972

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 314972


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 2008 et 15 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mahamadou A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 30 novembre 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande d'annulation de la décision du 22 avril 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui déliv

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 2008 et 15 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mahamadou A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 30 novembre 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande d'annulation de la décision du 22 avril 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire, d'autre part, à l'annulation de cette décision et, enfin, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le mois qui suit le présent arrêt et ce sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Franck Le Morvan, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donné à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. A ;

Sur les conclusions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-22 du code de justice administrative : Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement ; qu'en vertu de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le délai imparti pour le dépôt d'un pourvoi ou de mémoires est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle présentée dans ce délai, un nouveau délai courant à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

Considérant que le mémoire complémentaire présenté pour M. A a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juillet 2009, soit avant l'expiration du délai de 3 mois, qui est un délai franc, suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, reçue le 14 avril 2009 ; que M. A avait formé sa demande d'aide juridictionnelle le 4 juillet 2008, dans le délai de 3 mois suivant l'enregistrement de son pourvoi, le 8 avril 2008 ; qu'ainsi, les conclusions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire tendant à ce qu'il soit donné acte du désistement d'office de M. A doivent être rejetées ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction en vigueur le 22 avril 2004, date à laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ; que si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à un telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et qu'il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'appui de sa requête présentée devant la cour administrative d'appel de Versailles, M. A soutenait avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis 1987 et produisait différentes pièces à l'appui de cette affirmation pour la période allant de 1990 à 2003 ; qu'une copie de sa requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis ; que, mis ultérieurement en demeure de produire ses observations par un courrier mentionnant les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas produit de défense et ne s'est pas fait représenter à l'audience ; que, dès lors, en estimant que les documents fournis par M. A pour justifier de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans n'étaient pas suffisamment probants, sans tenir compte de ce que, en raison de l'acquiescement aux faits par le préfet, il lui appartenait seulement de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'était pas contredite par les pièces du dossier, la cour a commis une erreur de droit ; que M. A est fondé à demander pour ce motif la cassation de son arrêt ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A justifie avoir résidé habituellement en France de 1990 à 2003, au regard des dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, par des documents couvrant l'ensemble de la période, notamment par des comptes-rendus d'examens médicaux, des factures, des envois postaux et des attestations établies par plusieurs personnes participant avec lui aux activités d'une même association ; que M. A est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2004, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que, si M. A demande qu'il soit ordonné sous astreinte à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, il appartient seulement au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande de titre au vu des motifs de la présente décision et de la situation de droit et de fait à la date à laquelle il se prononcera ; qu'il y a donc lieu d'ordonner cette mesure et d'enjoindre au préfet de statuer dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à la SCP Bachellier-Potier de la Varde, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

Considérant qu'il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 700 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. A devant les juges du fond ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 5 février 2008 de la cour administrative d'appel de Versailles, le jugement du 30 novembre 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du 22 avril 2004 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la demande de titre de séjour présentée par M. A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Bachellier-Potier de la Varde la somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Mahamadou A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 314972
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-04-03 PROCÉDURE. INSTRUCTION. CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE. - PARTIE DÉFENDERESSE N'AYANT PRODUIT AUCUN MÉMOIRE MALGRÉ UNE MISE EN DEMEURE, RÉPUTÉE ACQUIESCER AUX FAITS EXPOSÉS DANS LES MÉMOIRES DU REQUÉRANT (ART. R. 612-6 DU CJA) - CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE DE VÉRIFIER QUE, AU VU DU DOSSIER, LES FAITS EXPOSÉS NE SONT PAS INEXACTS.

54-04-03 Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative (CJA) : « Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ». Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 314972
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Franck Le Morvan
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:314972.20091230
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