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22/01/2010 | FRANCE | N°311339

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 22 janvier 2010, 311339


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2007 et 29 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PREDICA, dont le siège est 50-56, rue de la Procession à Paris (75015), représentée par son président ; la SOCIETE PREDICA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 20 juin 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande

en restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquitté au titre d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2007 et 29 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PREDICA, dont le siège est 50-56, rue de la Procession à Paris (75015), représentée par son président ; la SOCIETE PREDICA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 20 juin 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquitté au titre de l'exercice 1992, limitée en cours d'instance à la somme de 6 078 202 euros, et, d'autre part, à ce que soit prononcée la restitution demandée ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE PREDICA,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE PREDICA ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PREDICA a acquis, en septembre 1990, 1 840 000 parts de la société italienne Ticino, soit 40 % de son capital, pour un montant de 287 097 360 F ; que l'assemblée générale extraordinaire de la société Ticino réunie en juin 1991, après avoir constaté que les pertes cumulées atteignaient plus du double du capital social, a décidé de réduire à zéro son capital social par imputation sur les pertes, entraînant l'annulation de l'intégralité des titres, puis de reconstituer aussitôt son capital en émettant le même nombre de titres, immédiatement souscrits par les deux sociétés détentrices, sans modification de leur pourcentage de participation dans la société Ticino, la SOCIETE PREDICA ayant ainsi acquis 1 840 000 titres contre un versement de 98 892 142 F ; qu'à la suite d'une assemblée générale extraordinaire du 10 juillet 1992, la société Ticino a décidé une nouvelle réduction à zéro de son capital suivie immédiatement d'une émission du même nombre de titres, souscrits dans les mêmes proportions par les deux actionnaires, la SOCIETE PREDICA ayant ainsi acquis à nouveau 1 840 000 titres contre un versement de 103 870 686 F ; que cette dernière a cédé en novembre 1992 la totalité de sa participation dans le capital de la société Ticino pour un montant de 91 149 445 F ; que, pour la détermination de ses résultats imposables de l'exercice 1992, la requérante a déclaré avoir subi, du fait de cette cession, une moins-value à long terme de 398 710 743 F, correspondant à la différence entre la somme du prix d'acquisition et des deux versements susmentionnés et le prix de cession ; que la SOCIETE PREDICA se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 2005 qui avait rejeté sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la moins-value réalisée bénéficie, à concurrence des deux tiers, du régime des moins-values à court terme et à obtenir la restitution de l'imposition correspondante ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : "(...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...)" ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a. Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. (...) b. Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. (...) / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. / 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a. aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. (...) / 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 ( ...)" ; qu'aux termes enfin de l'article 39 quindecies : "2. L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants (...)" ;

Considérant, en premier lieu, que le coût d'acquisition qui, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, constitue, pour les immobilisations acquises à titre onéreux, la valeur d'origine pour laquelle celles-ci doivent, pour l'application de la loi fiscale, être inscrites au bilan, s'entend du prix de revient total de ces immobilisations, éventuellement augmenté, dans le cas de titres de participations, par les suppléments d'apport versés dans l'hypothèse d'une souscription de l'actionnaire, dans les mêmes proportions que le pourcentage de titres détenus initialement, à une augmentation de capital immédiatement consécutive à une réduction à zéro du capital par imputation sur les pertes, laquelle a pour effet d'augmenter l'actif net de la société ; que, par suite, ainsi que l'a jugé la cour par un motif non contesté, le coût d'acquisition des titres de la société Ticino cédés en novembre 1992 a été supporté par la SOCIETE PREDICA, d'une part, lors de la souscription initiale au capital en septembre 1990 et, d'autre part, lors de la souscription de nouveaux titres consécutive à la réduction à zéro du capital, survenue en juin 1991 puis en juillet 1992 ;

Considérant, en second lieu, que, dans l'hypothèse visée ci-dessus, il y a lieu, lors de la cession des titres, et pour l'application de la distinction entre plus-values ou moins-values à court et à long terme, de rattacher le coût d'acquisition ainsi défini aux titres effectivement acquis puis cédés lors des souscriptions intervenues respectivement moins et plus de deux ans avant la cession des titres ; que, par suite, en jugeant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 duodecies, les titres cédés en novembre 1992 par la SOCIETE PREDICA devaient être regardés comme ceux initialement acquis en septembre 1990 et par suite détenus depuis plus de deux ans, nonobstant les apports versés par cette société lors des opérations d'annulation et d'augmentation simultanées du capital de la société Ticino intervenues en juin 1991 et en juillet 1992, et en se fondant pour ce faire sur ce que le pourcentage de participation dans le capital de la société était resté inchangé à l'issue de chacune de ces opérations, la cour a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE PREDICA est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dès lors que le taux de participation d'une société dans le capital de sa filiale reste inchangé à l'issue de chacune des opérations d'annulation et d'augmentation simultanées du capital, la cession des titres doit être regardée comme portant à la fois sur des titres détenus depuis plus de deux ans dont la cession relève du régime des plus-values à long terme et sur des titres détenus depuis moins de deux ans dont la cession relève du régime des plus-values à court terme, à proportion des rapports existant entre les apports versés lors des souscriptions intervenues respectivement plus et moins de deux ans avant la cession des titres et le prix de revient total ;

Considérant que, par suite, les sommes versées par la SOCIETE PREDICA lors des deux souscriptions à l'augmentation de capital de la société Ticino intervenues en juin 1991, puis en juillet 1992, doivent être incluses dans le prix de revient des titres initialement acquis, dont le montant total s'élève donc à 489 860 188 F ; que la moins-value de 398 710 743 F doit être regardée comme ayant été réalisée à long terme à hauteur d'un pourcentage de 58,6 %, correspondant au rapport existant entre l'apport initial de 287 097 360 F, intervenu plus de deux ans avant la cession des titres, et le prix de revient total, et à court terme à hauteur d'un pourcentage de 41,4 %, correspondant au rapport existant entre les deux apports ultérieurs d'un montant cumulé de 202 762 828 F, intervenus moins de deux ans avant la cession des titres, et ce même prix de revient total ; que la SOCIETE PREDICA, qui avait déclaré la totalité de cette moins-value en tant que moins-value à long terme au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1992, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquitté au titre de l'année 1992 à concurrence de la somme résultant de la diminution de la base imposable consécutive à la prise en compte dans le résultat de l'exercice clos en 1992 de la moins-value à court terme déterminée selon les modalités de calcul précisées ci-dessus ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de lui restituer la fraction d'impôt sur les sociétés correspondante et de réformer le jugement ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE PREDICA et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 septembre 2007 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la SOCIETE PREDICA la restitution de la fraction d'impôt sur les sociétés acquittée par elle au titre de l'année 1992 à hauteur d'une somme calculée conformément aux motifs de la présente décision.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE PREDICA est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE PREDICA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PREDICA et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 311339
Date de la décision : 22/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. ÉVALUATION DE L'ACTIF. PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION. - TITRES DE SOCIÉTÉS - 1) CALCUL - PRIX DE REVIENT DES TITRES - COUP D'ACCORDÉON APRÈS LA SOUSCRIPTION INITIALE - PRISE EN COMPTE DES SUPPLÉMENTS D'APPORT RÉSULTANT DE CES OPÉRATIONS - CAS D'UNE RÉDUCTION À ZÉRO DU CAPITAL, IMMÉDIATEMENT SUIVIE D'UNE AUGMENTATION DE CELUI-CI DANS LES MÊMES PROPORTIONS QUE LE POURCENTAGE DE TITRES DÉTENUS INITIALEMENT [RJ1] - 2) RÉGIME - VENTILATION ENTRE LONG TERME ET COURT TERME À PROPORTION DU RAPPORT ENTRE, D'UNE PART, LE MONTANT DES APPORTS RÉALISÉS PLUS OU MOINS DE DEUX ANS AVANT LA CESSION ET, D'AUTRE PART, LE PRIX DE REVIENT TOTAL.

19-04-02-01-03-03 1) Le coût d'acquisition qui, aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, constitue, pour les immobilisations acquises à titre onéreux, la valeur d'origine pour laquelle celles-ci doivent, pour l'application de la loi fiscale, être inscrites au bilan, s'entend du prix de revient total de ces immobilisations, éventuellement augmenté, dans le cas de titres de participations, par les suppléments d'apport versés dans l'hypothèse d'une souscription de l'actionnaire, dans les mêmes proportions que le pourcentage de titres détenus initialement, à une augmentation de capital immédiatement consécutive à une réduction à zéro du capital par imputation sur les pertes ( coup d'accordéon ), laquelle a pour effet d'augmenter l'actif net de la société. 2) Dans une telle hypothèse, il y a lieu, lors de la cession des titres, et pour l'application de la distinction entre plus-values ou moins-values à court et à long terme, de rattacher le coût d'acquisition ainsi défini aux titres effectivement acquis puis cédés lors des souscriptions intervenues respectivement moins et plus de deux ans avant la cession des titres. La plus-value ou la moins-value globale réalisée lors de la cession des titres doit, ainsi, être regardée comme réalisée à long terme à proportion du rapport existant entre les apport intervenus plus de deux ans avant cette cession et le prix de revient total ; elle doit être regardée comme réalisée à court terme à hauteur du rapport existant entre les apports ultérieurs intervenus moins de deux ans avant la cession des titres et ce même prix de revient total.


Références :

[RJ1]

Inf. CAA Paris, 26 septembre 2007, Sté Prédica, n° 05P0A03147, inédite au Recueil, RJF 2/08 n° 115.

Cf., pour un coup d'accordéon effectué en sens inverse, 26 mars 2008, Min. c/ SA Financière Fauvernier, n° 301413, T. p. 713.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 2010, n° 311339
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:311339.20100122
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