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22/01/2010 | FRANCE | N°313868

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 22 janvier 2010, 313868


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 3 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES, dont le siège est Tour Montparnasse 33, avenue du Maine à Paris (75015) ; la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 1er juin 2004 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à l

a décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 3 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES, dont le siège est Tour Montparnasse 33, avenue du Maine à Paris (75015) ; la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 1er juin 2004 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, à ce que soit prononcée la décharge de ces impositions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES (SAI), ayant pour activité la location d'immeubles, filiale à 99,14 % de la société en nom collectif Les Nouveaux Constructeurs Rhône-Alpes, elle-même filiale à 100 % de la SA Les Nouveaux Constructeurs (LNC), a cédé le 30 juin 1993 le seul actif immobilier qu'elle possédait pour une somme de 9 100 000 F ; qu'après apurement de ses dettes et remboursement de ses emprunts, elle a consenti en octobre 1993 à la SA LNC une avance de trésorerie s'élevant à 1 935 000 F et correspondant aux liquidités dont elle disposait à l'issue de ces opérations ; qu'elle a constitué à la clôture de son exercice le 31 décembre 1993 une provision à hauteur de 1 460 000 F pour dépréciation de cette créance en raison du risque de perte résultant de la situation financière de la SA LNC ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a réintégré cette provision aux résultats de cet exercice, aux motifs que cette opération avait constitué un acte anormal de gestion ; que l'administration a également notifié un redressement au titre de l'exercice clos en 1994 ; que, par jugement du 1er juin 2004, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises en recouvrement au titre des années 1993 et 1994 à la suite de ces redressements ; que le pourvoi en cassation de la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES doit, compte tenu des moyens qu'elle présente, être regardé comme dirigé contre l'arrêt du 31 décembre 2007 en tant que la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à la décharge de ces impositions au titre de l'année 1993 ;

Considérant, en premier lieu, qu'après avoir décrit la correction, effectuée par la société requérante, des écritures comptables initialement erronées retraçant l'opération en litige, qu'elle a qualifiée d'avance de trésorerie, et après avoir relevé que la SA LNC connaissait une situation financière difficile caractérisée par une situation nette négative de 693 500 214 F en 1992 et 1 584 828 500 F en 1993 et par un rapport entre l'actif et les dettes de 74 % en 1992 et 86 % en 1993, la cour a jugé que l'avance de 1 935 000 F consentie par la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES à la SA LNC revêtait un caractère en principe anormal, nonobstant la stipulation d'un intérêt au taux de 5 % ; que, ce faisant, elle n'a entaché son arrêt ni d'insuffisance, ni de contradiction de motifs ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu'une provision ne peut être constituée en application du 5° du 1 de l'article 39 du même code qu'en vue de faire face à des pertes ou à des charges encourues dans le cadre d'une gestion commerciale normale ; que le fait, pour une sous-filiale, de consentir une avance de trésorerie à la société mère en difficulté, qui contrôle la filiale, et avec laquelle elle n'entretient aucune relation commerciale, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, dès lors que cette avance, même assortie du versement d'intérêts, est d'un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire ; qu'il n'en va autrement que si la société établit qu'en consentant cette avance, elle a agi dans son propre intérêt ; que tel serait le cas si la sous-filiale justifiait que cette avance était nécessaire pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu'elle entraînerait elle-même sa liquidation ; qu'à défaut, l'administration est réputée apporter la preuve des faits dont elle se prévaut pour estimer que cette opération constitue un acte anormal de gestion et est fondée à réintégrer dans le bénéfice imposable les provisions constituées par la sous-filiale, et destinées à couvrir le risque de perte des sommes correspondant à cette avance ;

Considérant, d'une part, qu'en jugeant que la convention de trésorerie conclue entre les entreprises du groupe, et prévoyant que leurs excédents de trésorerie seraient mis à la disposition de la SA LNC à titre d'avances à court terme, ne pouvait être interprétée comme permettant à cette société d'exiger que ces entreprises effectuent des placements à risque à son profit, la cour n'a pas dénaturé les stipulations de cette convention ; qu'en écartant comme inopérante à cet égard, au regard de la loi fiscale, l'argumentation de la société selon laquelle le recours à une gestion centralisée de la trésorerie entre des sociétés ayant entre elles des liens capitalistiques directs ou indirects était une pratique bien établie dont la validité était reconnue tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, d'autre part, que, pour confirmer le bien-fondé des redressements litigieux, la cour a jugé qu'une avance de trésorerie accordée par une société à une entreprise et, le cas échéant, le provisionnement de sa créance, ne constituaient pas un acte anormal de gestion, dès lors que cette pratique visait à la survie de cette société et ne lui faisait pas courir un risque manifestement exagéré ; qu'elle a souverainement relevé qu'en l'espèce, eu égard à l'absence de relations commerciales avec la SA LNC et à la disproportion entre le montant de l'avance consentie, assortie d'un intérêt de 5 %, et celui des besoins en trésorerie avérés de cette société, la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES n'établissait pas que sa survie était liée à celle de la SA LNC ; que, si la requérante fait valoir que, même en l'absence de relations commerciales, les liens financiers et stratégiques tissés avec la SA LNC impliquent que les difficultés financières de cette société mettent en péril son activité et que l'importance de l'avance ne constitue pas un élément d'anormalité, dès lors qu'elle résulte de l'exécution de la convention de trésorerie, il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'en statuant ainsi et en en déduisant que l'administration devait par suite être regardée comme apportant la preuve que cette avance et la provision constituée le 31 décembre 1993 ne correspondaient pas à une gestion commerciale normale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ACQUISITIONS IMMOBILIERES et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 313868
Date de la décision : 22/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. RELATIONS ENTRE SOCIÉTÉS D'UN MÊME GROUPE. - AIDE À CARACTÈRE FINANCIER CONSENTIE PAR UNE SOCIÉTÉ À SA GRAND-MÈRE - CARACTÈRE NORMAL - ABSENCE EN PRINCIPE - EXCEPTION - JUSTIFICATION D'UN INTÉRÊT PROPRE DE LA SOCIÉTÉ CONSENTANT L'AIDE [RJ1].

19-04-02-01-04-083 Le fait, pour une sous-filiale, de consentir une avance de trésorerie à la société mère en difficulté, qui contrôle la filiale, et avec laquelle elle n'entretient aucune relation commerciale, ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, dès lors que cette avance, même assortie du versement d'intérêts, est d'un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire. Il n'en va autrement que si la société établit qu'en consentant cette avance, elle a agi dans son propre intérêt.


Références :

[RJ1]

Cf., sur le caractère en principe anormal d'une aide consentie par une filiale à sa société mère, 19 décembre 1988, n° 55655, inédite au Recueil, RJF 2/89 n° 158. Comp., s'agissant d'une aide apportée par une société grand-mère à sa sous-filiale, 10 mars 2006, Société Sept, n° 263183, T. pp. 836-844.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 2010, n° 313868
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:313868.20100122
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