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22/01/2010 | FRANCE | N°334673

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 janvier 2010, 334673


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fatiha A, élisant domicile chez ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès (Maroc), en date du 10 février 2009, opposan

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Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fatiha A, élisant domicile chez ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès (Maroc), en date du 10 février 2009, opposant un refus à sa demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant Aniss Lahcen B ;

2°) d'enjoindre au consul général de France de procéder au réexamen de sa demande de visa dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'il y a urgence, compte tenu des répercussions de la décision contestée sur sa propre situation et sur celle de l'enfant Aniss Lahcen B, dont elle demeure injustement séparée ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, qui méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision implicite de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient qu'il n'existe aucun moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté, l'acte de kafala ne modifiant pas les liens de filiation et ne produisant pas en droit français des effets équivalents à une adoption ; qu'en outre, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant n'est pas fondé, compte tenu des doutes qu'il est permis d'avoir sur la capacité, notamment financière, de Mme A à accueillir dans de bonnes conditions un enfant supplémentaire au sein de son foyer ; qu'enfin la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'est pas établi que Mme A entretienne avec l'enfant en cause de quelconques relations, ni que la nourrice à laquelle a été confié l'enfant au Maroc ne soit plus en mesure de s'en occuper ; qu'enfin et pour les mêmes raisons, la condition d'urgence n'est pas remplie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 18 janvier 2010 à 10h30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ancel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la requérante ;

- Mme A ;

Considérant, qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif à la condition, notamment, que l'urgence le justifie ; que tel est le cas lorsque l'exécution d'un acte porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès du 10 février 2009 refusant de lui délivrer un visa de long séjour pour l'enfant Aniss Lahcen B, Mme A se prévaut de ce que ce dernier, né en 2007 de père inconnu et abandonné par sa mère, lui a été confié par une mesure de kafala décidée par l'autorité judiciaire marocaine ; qu'elle fait état des répercussions que la décision contestée aurait tant sur sa propre situation que sur celle de cet enfant, dont elle s'estime injustement séparée ;

Considérant, toutefois, que la mesure prise par les autorités judiciaires marocaines, qui n'a pas été rendue exécutoire en France, n'implique pas, par elle-même, la délivrance du visa sollicité ; que si les indications fournies au cours de l'audience publique font ressortir que le projet de venue en France de cet enfant repose, de la part de Mme A, sur des motivations dignes de considération, elles ne font pas apparaître, en l'état de la procédure, et au regard tant de l'intérêt supérieur de l'enfant que du droit de Mme A au respect de leur vie privée et familiale, une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation de la requérante et de l'enfant pour caractériser une situation d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins de suspension présentées par Mme A ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles qui tendent à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme Fatiha A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Fatiha A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 334673
Date de la décision : 22/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 2010, n° 334673
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:334673.20100122
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