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22/01/2010 | FRANCE | N°334819

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 janvier 2010, 334819


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Skiata A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 16 mars 2009 du consul général de France à Dakar (Sénégal) opposant un refus à sa demand

e de visas de long séjour présentée pour ses enfants Khadiatou B, Sylvain B e...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Skiata A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 16 mars 2009 du consul général de France à Dakar (Sénégal) opposant un refus à sa demande de visas de long séjour présentée pour ses enfants Khadiatou B, Sylvain B et Siaka B ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de procéder au réexamen de sa demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il y a urgence, dès lors que le refus de visa a pour effet de le maintenir séparé de ses enfants de manière prolongée et injustifiée ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'elle est entachée d'un défaut de motivation ; que l'administration, qui ne pouvait refuser un visa sollicité au titre du regroupement familial que pour des motifs d'ordre public ou de fraude, n'apporte aucun élément de nature à établir la non authenticité des actes de naissance de ses trois enfants ; que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision implicite de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. A n'a pas sollicité la communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visas, qui s'est substituée à la décision des autorités consulaires ; qu'il ressort des vérifications opérées par les services consulaires au Sénégal que les actes de naissance des enfants pour lesquels les visas ont été sollicités ne sont pas authentiques ; qu'il n'y a pas méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le lien de filiation entre M. A et les trois enfants pour lesquels il a sollicité un visa n'est pas établi et qu'il ne justifie pas avoir entretenu, depuis la naissance alléguée des enfants, des relations téléphoniques ou épistolaires avec eux ; qu'en tout état de cause, M. A n'allègue ni ne justifie d'aucune impossibilité dans laquelle il se trouverait de leur rendre visite au Sénégal ; qu'enfin la condition d'urgence n'est pas remplie, compte tenu de l'absence de filiation clairement établie et de tout justificatif du maintien du lien affectif entre M. A et les trois enfants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 18 janvier 2010 à 10h30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ancel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- M. A ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Skiata A est entré en France en 1981 et est titulaire d'une carte de résident ; que, par une décision du 9 mars 2005, le préfet de l'Essonne a fait droit à sa demande tendant à obtenir le bénéfice du regroupement familial pour permettre à ses enfants Khadiatou, Sylvain et Siaka de le rejoindre en France ; que toutefois, le consul général de France à Dakar (Sénégal) a, le 16 mars 2009, opposé un refus à la demande de visas de long séjour qu'il avait présentée en conséquence, au motif que les actes d'état civil présentés n'étaient pas authentiques ; que, par la décision dont la suspension est demandée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement confirmé ce refus ;

Considérant, d'une part, que l'instruction à laquelle cette demande de suspension a donné lieu a fait apparaître que les lacunes des actes d'état-civil concernant les enfants en cause ont fait l'objet de rectifications par les autorités judiciaires sénégalaises et, en dernier lieu, à des ordonnances du président du tribunal départemental de Ziguinchor du 17 avril 2009 ; que si, dans son mémoire en défense, le ministre fait encore état de doutes quant aux mentions de ces dernières décisions de justice, il ressort des indications fournies lors de l'audience de référé, et non démenties par l'administration qui n'y était pas représentée, que ces doutes ne peuvent, en l'état de l'instruction, être tenus pour sérieusement fondés ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'instruction que si M. A est longtemps demeuré séparé des enfants en cause, qui étaient élevés au Sénégal par leurs mères, celles-ci sont décédées ; que le délai mis ensuite par l'intéressé à solliciter le bénéfice du regroupement familial s'explique par la circonstance qu'il a attendu d'en remplir les conditions, en ce qui concerne notamment les conditions matérielles d'accueil ; qu'eu égard au délai écoulé depuis que le préfet de l'Essonne a accordé à M. A le bénéfice du regroupement familial et aux éléments mentionnés plus haut quant à l'état civil de ses enfants, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse porte une atteinte disproportionnée au droit du requérant à mener une vie familiale normale est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que, dans ces conditions, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit également être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision de la commission des recours lui refusant la délivrance des visas de long séjour qu'il a demandés ; qu'il y a lieu d'enjoindre à cette commission de procéder à un nouvel examen de la demande de visa, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de réexaminer le recours de M. A dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Siaka A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 334819
Date de la décision : 22/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jan. 2010, n° 334819
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:334819.20100122
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