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27/01/2010 | FRANCE | N°299250

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 janvier 2010, 299250


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er décembre 2006 et 16 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Guy A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement en date du 22 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquels

ils ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993 ainsi que...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er décembre 2006 et 16 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Guy A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement en date du 22 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la réduction de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI du 70, rue Jean Bleuzen à Vanves (Hauts de Seine), dont M. et Mme A détiennent majoritairement les parts, était propriétaire d'un immeuble à usage commercial et industriel qu'elle louait depuis 1973 à la SA Chenel, société mise en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce en date du 18 avril 1990, puis en liquidation judiciaire ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a réintégré en recettes dans le revenu global de M. et Mme A, d'une part, un dépôt de garantie d'un montant de 800 000 F que la SCI avait, postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, en février 1991, inscrit en comptabilité pour compenser les loyers non acquittés par la SA Chenel, d'un montant de 1 232 303 F, avant d'annuler cette écriture au mois de juillet 1991, estimant qu'elle ne pouvait légalement réaliser cette compensation et, d'autre part, des dépenses de travaux réalisés sur cet immeuble, pour 5, 4 millions de francs sur les 11 millions de francs de dépenses que la SCI avait déduites au titre des dispositions de l'article 31 du code général des impôts ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt en date du 2 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement en date du 22 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1991, 1992 et 1993, par suite de ces réintégrations, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la réintégration dans les recettes imposables du dépôt de garantie :

Considérant, qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire... ; qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises dans sa rédaction applicable à l'année 1991 : Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture... ; qu'il résulte de ces dispositions que la compensation entre les sommes versées à un propriétaire par un locataire à titre de dépôt de garantie, lesquelles, demeurant de simples dépôts, ne peuvent pas être regardées comme définitivement acquises au propriétaire tant que celui-ci ne les a pas utilisées pour se couvrir du montant des loyers qui ne lui auraient pas été payés à leur terme ou de frais de remise en état des locaux après le départ du locataire et une créance résultant de loyers impayés par une société en redressement ou en liquidation judiciaire, ne peut légalement intervenir, après le jugement d'ouverture de la procédure, que si elle a été autorisée par le juge-commissaire, saisi d'une demande en ce sens de l'administrateur judiciaire selon les modalités prévues par les dispositions de cet article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la compensation, réalisée en février 1991 dans les écritures de la SCI, entre le dépôt de garantie remis par la SA Chenel à la SCI et la créance détenue par la SCI sur la SA Chenel et résultant des loyers impayés par cette dernière société, en redressement puis en liquidation judiciaire, n'a pas été autorisée par le juge-commissaire, lequel n'avait pas été saisi d'une demande en ce sens par l'administrateur judiciaire ; que, par suite, cette compensation ne pouvait alors légalement intervenir ; que, dès lors, la SCI était tenue de ne pas procéder à cette compensation et, ayant passé une écriture comptable pour y procéder, de rectifier cette erreur comptable ; qu'ainsi, en jugeant que M. et Mme A n'établissaient pas que l'écriture de compensation passée en février 1991 par la SCI était due à une simple erreur comptable, sans rechercher si cette écriture pouvait alors légalement être passée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que M. et Mme A sont, dans cette mesure, fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, faute d'avoir été autorisée par le juge-commissaire dans le cadre de la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire de la SA Chenel, la compensation entre le dépôt de garantie remis par la SA Chenel à la SCI et la créance de loyers impayés détenue par la SCI sur la SA Chenel ne pouvait être légalement opérée, en février 1991, sous l'empire des dispositions alors applicables de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 susvisée ; que, par suite, l'inscription de ce dépôt de garantie dans les écritures comptables de la SCI, par compensation de la créance résultant des loyers impayés, constituait une erreur comptable que la SCI a, à bon droit, ultérieurement corrigée en cours d'exercice par la contrepassation de cette écriture ; qu'ainsi, à la clôture de l'exercice 1991, les comptes de la SCI traduisaient toujours l'existence de la créance de la SA Chenel constituée par ce dépôt de garantie ; que, par suite, l'administration n'était pas fondée à réintégrer le montant du dépôt de garantie dans les recettes imposables de la SCI au titre de l'année 1991 ; qu'il suit de là que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis, sur ce chef de redressement, au titre de l'année 1991 ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la déduction des dépenses de travaux des revenus fonciers :

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) ; b. Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation (...) ; / b bis. Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinés à faciliter l'accueil des handicapés (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que pour les locaux autres que ceux qui sont à usage d'habitation, seules sont déductibles des revenus fonciers les dépenses correspondant à des travaux d'entretien et de réparation ; que ces travaux sont ceux qui ont pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état et d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial ;

Considérant qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la SCI avait fait procéder, au cours des années 1991 à 1993, à d'importants travaux de rénovation, réparation, démolition et reconstruction, pour un montant total de 24 millions de francs, de l'immeuble qu'elle avait loué à la SA Chenel et que la finalité de ces travaux était de procéder à la restructuration complète d'un immeuble ancien à usage industriel et commercial comportant de grands plateaux pour le transformer en un immeuble moderne à usage de bureaux, et que ces travaux, compte tenu de leur nature, de leur ampleur et de leur finalité, formaient un tout indissociable, la cour administrative d'appel a pu légalement en déduire que ces travaux ne pouvaient être regardés comme des travaux de réparation et d'entretien au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ; que, par suite, les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'elle a rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A sur ce chef de redressement doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 2 octobre 2006 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 2003 sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions de M. et Mme A tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 en tant que celle-ci procède de la réintégration dans le résultat de la SCI du 70, rue Jean Bleuzen du dépôt de garantie remis à cette société par la SA Chenel.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1991 et des pénalités correspondantes en tant que celle-ci procède du redressement consécutif à la réintégration du dépôt de garantie mentionné à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Guy A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 299250
Date de la décision : 27/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. ÉVALUATION DE L'ACTIF. THÉORIE DU BILAN. DÉCISION DE GESTION ET ERREUR COMPTABLE. - INSCRIPTION EN COMPTABILITÉ D'UNE COMPENSATION ENTRE UNE CRÉANCE RÉSULTANT DE LOYERS IMPAYÉS ET LES SOMMES DÉPOSÉES EN GARANTIE PAR LE LOCATAIRE - LOCATAIRE FAISANT L'OBJET D'UNE PROCÉDURE COLLECTIVE - OPÉRATION SOUMISE À AUTORISATION DU JUGE-COMMISSAIRE - ABSENCE D'AUTORISATION - ERREUR COMPTABLE.

19-04-02-01-03-01-02 Société locataire d'un immeuble placée en redressement puis en liquidation judiciaire. La compensation entre les sommes versées par cette société au propriétaire de l'immeuble à titre de dépôt de garantie et une créance du propriétaire résultant de loyers impayés doit être autorisée par le juge-commissaire à la procédure. En l'absence d'une telle autorisation, le propriétaire était tenu de renoncer à la compensation qu'il avait indûment retracée dans sa comptabilité et de rectifier l'erreur comptable en découlant. L'inscription comptable en cause ne révèle pas une décision de gestion qui serait opposable à ce contribuable.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2010, n° 299250
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:299250.20100127
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