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27/01/2010 | FRANCE | N°308614

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 janvier 2010, 308614


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 13 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CARQUEIRANNE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CARQUEIRANNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Nice, d'une part, a déchargé la SCI Les Terrasses de Carqueiranne de la participation financ

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 13 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CARQUEIRANNE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE CARQUEIRANNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur sa requête tendant à l'annulation du jugement du 2 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Nice, d'une part, a déchargé la SCI Les Terrasses de Carqueiranne de la participation financière de 410 922,37 F (62 644,71 euros) qu'elle lui avait versée au titre du plan d'aménagement d'ensemble (PAE) prévu sur le secteur de La Martine ainsi que du surplus de la participation au titre du même PAE et, d'autre part, l'a condamnée à verser à cette SCI des intérêts au taux légal à compter du 12 février 1998, et réformant ce jugement, a, en premier lieu, décidé que la restitution serait portée à la somme de 84 163,20 euros (552 074,37 F) et, en second lieu, que les intérêts au taux légal courraient à compter du 16 février 1998 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de la COMMUNE DE CARQUEIRANNE et de la SCP Boutet, avocat de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de la COMMUNE DE CARQUEIRANNE et à la SCP Boutet, avocat de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération en date du 29 juin 1990, le conseil municipal de la COMMUNE DE CARQUEIRANNE a approuvé un programme d'aménagement d'ensemble pour le quartier de La Martine, devant être réalisé avant le 31 décembre 1997 et comprenant un programme d'équipements publics, et décidé que le coût total de ce programme serait pris en charge par les constructeurs ; que, par une délibération en date du 18 décembre 1997, le conseil municipal a modifié le programme et l'échéancier des travaux, revu le régime des participations imposées aux constructeurs et décidé de leur rembourser les participations perçues au titre des équipements prévus par le programme initial et non réalisés ; que le tribunal administratif de Nice, sur demande de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne, a déchargé celle-ci de la participation, d'un montant de 62 644,71 euros qu'elle avait déjà versée à la COMMUNE DE CARQUEIRANNE au titre du programme d'équipements ainsi que de l'obligation de verser le surplus de sa participation ; que, saisie d'un appel de la commune, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt en date du 31 mai 2006, confirmé le droit de la SCI à restitution, porté le montant de celle-ci à la somme de 84 163,20 euros et modifié la date à compter de laquelle courent les intérêts au taux légal ; que la COMMUNE DE CARQUEIRANNE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble doit permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée ; que, par suite, en jugeant que le conseil municipal de Carqueiranne ne pouvait être regardé comme ayant adopté, par sa délibération en date du 30 juin 1990, un programme d'aménagement d'ensemble, faute d'avoir justifié d'un parti d'aménagement du secteur, et alors que la délibération prévoyait de conduire dans le quartier de La Martine un programme de viabilisation et de construction d'équipements publics comportant des travaux de voirie et d'éclairage public sur plusieurs voies communales, ainsi que des travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable, la cour administrative de Marseille a entaché d'une erreur de qualification juridique son arrêt, qui doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant que, en tout état de cause, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, la prescription quadriennale, qui n'a pas été opposée par l'administration en première instance, ne peut être invoquée pour la première fois en appel ; que, dès lors, l'exception tirée de la prescription quadriennale ne peut qu'être écartée ;

Sur la restitution demandée :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la délibération en date du 30 juin 1990 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE CARQUEIRANNE a prévu de conduire dans le quartier de La Martine un programme de viabilisation et de construction d'équipements publics comportant des travaux de voirie et d'éclairage public sur plusieurs voies communales, ainsi que des travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable, a approuvé un programme d'aménagement d'ensemble de ce secteur du territoire communal, au sens des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la COMMUNE DE CARQUEIRANNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 2 septembre 2004, le tribunal administratif de Nice a déchargé la SCI Les Terrasses de Carqueiranne du montant de la participation qu'elle lui avait versée au motif que le conseil municipal de la commune n'avait pas approuvé un plan d'aménagement d'ensemble ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Les Terrasses de Carqueiranne à l'appui de sa demande de restitution ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme : (...) Si les équipements publics annoncés n'ont pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ou modifiant la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondent au coût des prestations fournies peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire. Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, la taxe est alors rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération prévue à l'article L. 332-9. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal ;

Considérant que la délibération du 29 juin 1990 du conseil municipal de la COMMUNE DE CARQUEIRANNE, approuvant un programme d'aménagement d'ensemble pour le quartier de La Martine, prévoyait que le programme des équipements publics devait être achevé au plus tard le 31 décembre 1997 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la réalisation de ce programme de travaux avait à peine commencé à cette date, comme le révèle la délibération du conseil municipal en date du 18 décembre 1997 qui approuve un nouveau programme portant pour une large part sur les mêmes équipements publics ; que, par suite, la restitution des sommes versées peut être demandée par la SCI Les Terrasses de Carqueiranne, bénéficiaire d'une autorisation de construire ; que, toutefois, cette restitution n'est due, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, que pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération approuvant le programme d'aménagement d'ensemble dans le cas où la taxe locale d'équipement aurait été instituée dans cette commune ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer si la taxe locale d'équipement a été instituée dans la commune de Carqueiranne et, si elle l'a été, quel aurait été son montant exigible en l'absence de la délibération du 29 juin 1990 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire pour le déterminer ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 31 mai 2007 est annulé.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions d'appel de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne, procédé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision à un supplément d'instruction aux fins, par la commune de Carqueiranne, de produire les éléments de nature à justifier de l'établissement de la taxe locale d'équipement et, en cas de réponse affirmative, du montant de la taxe qui aurait été exigible de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CARQUEIRANNE et à la SCI Les Terrasses de Carqueiranne.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308614
Date de la décision : 27/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - AUTRES TAXES OU REDEVANCES - CONTRIBUTION DES CONSTRUCTEURS AUX DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT PUBLIC (VOIR URBANISME) - PARTICIPATION FINANCIÈRE DANS LE CADRE D'UN PAE (ART - L - 332-9 DU CODE DE L'URBANISME) - 1) PAE - NOTION [RJ1] - 2) TRAVAUX DE CONSTRUCTION DES ÉQUIPEMENTS PRÉVUS DÉBUTANT SEULEMENT À LA DATE D'ÉCHÉANCE DU DÉLAI FIXÉ POUR LEUR RÉALISATION - OBLIGATION POUR LA COMMUNE DE FAIRE DROIT AUX DEMANDES DE RESTITUTION DES CONSTRUCTEURS - EXISTENCE (ART - L - 332-11 DU CODE DE L'URBANISME).

19-03-06-05 1) Il résulte des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) doit permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée. 2) Quand la réalisation des équipements prévus est à peine commencée à la date d'échéance du délai déterminé par le PAE, les constructeurs peuvent demander à la commune, en application des dispositions de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, la restitution de la part des sommes mises à leur charge excédant le montant de taxe locale d'équipement dont ils auraient été redevables en l'absence de PAE.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT PUBLIC - PARTICIPATION DANS LE CADRE D'UN PROGRAMME D'AMÉNAGEMENT D'ENSEMBLE - 1) PAE - NOTION [RJ1] - 2) TRAVAUX DE CONSTRUCTION DES ÉQUIPEMENTS PRÉVUS DÉBUTANT SEULEMENT À LA DATE D'ÉCHÉANCE DU DÉLAI FIXÉ POUR LEUR RÉALISATION - OBLIGATION POUR LA COMMUNE DE FAIRE DROIT AUX DEMANDES DE RESTITUTION DES CONSTRUCTEURS - EXISTENCE (ART - L - 332-11 DU CODE DE L'URBANISME).

68-024-06 1) Il résulte des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) doit permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée. 2) Quand la réalisation des équipements prévus est à peine commencée à la date d'échéance du délai déterminé par le PAE, les constructeurs peuvent demander à la commune, en application des dispositions de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, la restitution de la part des sommes mises à leur charge excédant le montant de taxe locale d'équipement dont ils auraient été redevables en l'absence de PAE.


Références :

[RJ1]

Rappr. 25 juin 2003, Commune de Saint-Jean-de-Boiseau, n° 219661, aux Tables sur un autre point ;

15 avril 1996, Epoux Maurice, n° 145489, aux Tables sur un autre point.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2010, n° 308614
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Guillaume Prévost
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX ; SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:308614.20100127
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