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17/02/2010 | FRANCE | N°315636

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 17 février 2010, 315636


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Anade Rajon A, demeurant ..., et pour Mme Shirin Prity A, domiciliée post office de Giobindogonj, Biswanath, district de Syleth (Bangladesh) ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie le 21 décembre 2007 par les requérants, a rejeté leur recours contre la décision du 11 novembre 2007 par laquelle l'ambassadeur de France au Ban

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Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Anade Rajon A, demeurant ..., et pour Mme Shirin Prity A, domiciliée post office de Giobindogonj, Biswanath, district de Syleth (Bangladesh) ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie le 21 décembre 2007 par les requérants, a rejeté leur recours contre la décision du 11 novembre 2007 par laquelle l'ambassadeur de France au Bangladesh a rejeté leur demande tendant à la délivrance de visas de long séjour au profit de Mme A et des deux enfants Apurbyo et Avijit en leur qualité de conjoint et d'enfants mineurs de réfugié statutaire, ensemble la décision de l'autorité consulaire ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de leur délivrer les visas demandés dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'ambassadeur de France au Bangladesh :

Considérant qu'il résulte du décret susvisé du 10 novembre 2000 que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se substitue à celle de l'autorité consulaire ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme A sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre la décision par laquelle l'ambassadeur de France au Bangladesh a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à Mme A et aux enfants Apurbiyo et Avijit Dey ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et à l'enfant d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public et notamment, en cas de fraude ;

Considérant qu'il ressort du dossier que M. A s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision en date du 25 novembre 2004 ; qu'il a demandé à bénéficier de la procédure des familles rejoignantes pour les membres de sa famille cités ci-dessus ; que les visas sollicités par Mme A pour elle-même et ses enfants ont été refusés par l'autorité consulaire au motif que les documents d'état-civil produits à l'appui de cette demande étaient dépourvus de caractère authentique et que ni l'identité des demandeurs ni leurs liens de parenté avec M. A n'étaient établis ; que toutefois, il n'est pas contesté que ces documents confirment les déclarations faites par le requérant auprès de l'OFPRA quant à l'identité des membres de sa famille lorsqu'il avait introduit sa demande d'asile, dès le mois de décembre 2002 ; qu'il ressort du courrier de l'OFPRA du 26 décembre 2008 figurant au dossier que l'office confirme également les éléments qui lui ont permis la reconstitution du certificat tenant lieu d'acte de mariage ; que dans ces conditions, et eu égard aux conditions de tenue des documents d'état-civil au Bangladesh, les vérifications auxquelles a fait procéder le consulat par un cabinet spécialisé agréé par lui ne permettent pas, en l'espèce, de tenir pour établie l'existence d'une fraude, alors même que les actes présentés n'auraient pas été totalement corroborés par les registres d'état-civil locaux ; que par suite la commission de recours a inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que le caractère frauduleux des documents présentés révélait un risque d'atteinte à l'ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'il y a lieu d'enjoindre aux autorités compétentes de délivrer les visas sollicités par Mme A pour elle-même et les enfants Apurbiyo et Avijit Dey dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par les requérants ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer les visas de long séjour sollicités par Mme A pour elle-même et ses deux enfants dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Anade Rajon A, à Mme Shirin Prity A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 315636
Date de la décision : 17/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2010, n° 315636
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:315636.20100217
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