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18/02/2010 | FRANCE | N°335246

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 18 février 2010, 335246


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 janvier 2010, présentée pour Mme Yahe Fatou A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Dakar (Sénégal), refusant un visa de long séjour pour ses

deux enfants en qualité de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

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Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 janvier 2010, présentée pour Mme Yahe Fatou A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Dakar (Sénégal), refusant un visa de long séjour pour ses deux enfants en qualité de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'urgence est caractérisée, dès lors qu'elle est séparée de ses enfants mineurs depuis 2001 ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, en ce que celle-ci n'est pas motivée ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que le lien de filiation entre elle et ses enfants est clairement et légalement établi et que le lien affectif et matériel n'a jamais été rompu ; que les actes prouvant la filiation ont un caractère authentique ; que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée contre la décision implicite de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions aux fins d'injonction de délivrer les visas sont irrecevables ; que la décision du consulat est explicite et motivée et que la décision implicite de la commission des recours n'a pas à être motivée, en l'absence de demande en ce sens ; qu'aucune erreur manifeste d'appréciation de l'authenticité des actes n'a été commise, dans la mesure où il est prouvé qu'ils sont frauduleux ; que, dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, l'urgence n'est pas attestée, la requérante ayant la possibilité de rendre visite à ces enfants au Sénégal ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 9 février à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- Mme A ;

- les représentantes du ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de poursuivre l'instruction jusqu'au mardi 16 février 2010 à 17 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2010, présenté pour Mme A, qui reprend ses conclusions et moyens et produit de nouvelles pièces ; elle soutient en outre que le fait de ne pas retrouver les actes de naissance des enfants sur le fichier RANVEC ne peut être imputé à la requérante ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 février 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire ; il soutient en outre que les nouvelles pièces produites sont inexploitables et ne peuvent, en tout état de cause, faire l'objet d'une authentification ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que Mme Yahe Fatou A, ressortissante mauritanienne née en 1970, est entrée en France en 2000 ; qu'elle a obtenu le statut de réfugié le 30 août 2002 ; qu'elle a sollicité la possibilité de faire venir en France ses deux enfants ; qu'elle conteste la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirmant le refus opposé aux demandes de visas qu'elle avait présentées aux autorités consulaires à Dakar ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ne peut faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision implicite, dès lors que la requérante ne soutient pas avoir demandé la communication de ses motifs ;

Considérant, en second lieu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les actes d'état civil mauritaniens sont établis à partir du fichier du Recensement administratif national à vocation d'état civil (RANVEC) ; que les vérifications faites par les autorités consulaires à Dakar dans le fichier central mauritanien, établi à partir du fichier RANVEC, ont conclu à l'inexistence des actes de naissance dont se prévaut Mme A ; que la circonstance que la requérante ait produit les formulaires demandés par les services de l'état civil mauritanien dans le but d'établir ce fichier et que ces formulaires donnent les mêmes informations que celles des actes de naissance litigieux ne permet pas de lever les incertitudes sur l'authenticité de ces actes ; que, d'autre part, les éléments produits par la requérante afin d'établir la filiation dont elle se prévaut, notamment la création de comptes bancaires au profit des enfants en cause, les versements d'argent et les témoignages, ne sont pas non plus de nature à établir la réalité des liens familiaux, eu égard, notamment, au caractère tardif de certaines de ces démarches ; qu'ainsi, en l'état de l'instruction telle qu'elle a été complétée après l'audience publique, le doute que peut faire naître le moyen portant sur la réalité de ces liens ne peut être regardé comme suffisamment sérieux pour justifier la suspension de l'exécution de la décision contestée ; que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que les refus litigieux méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porteraient atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ne sont pas non plus de nature à créer un tel doute ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme Yahe Fatou A doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles qui tendent à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme Yahe Fatou A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Yahe Fatou A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 335246
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2010, n° 335246
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jacques Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:335246.20100218
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